En ce dimanche soir, le Point Ephémère nous offrait une affiche autant excitante qu'éclectique dans le cadre du Festival A Nous Paris Fireworks 2016 : Sasha Siem, la jeune prodige anglo-norvégienne, les talentueux américains de Palehound et le nouveau dandy de la pop, C Duncan.
Sasha Siem a étudié la poésie et la musique à l'université de Cambridge. En entendant son set, rien de moins surprenant, car la jeune femme possède un univers aussi riche musicalement que lettré. Une musique que l'on pourrait qualifier d'intellectuelle, assez rare à écouter dans une salle de rock.
So Polite, son tout premier single, ouvre le concert et on est d'abord surpris d'entendre un violon et une entrée en matière plus proche de la philharmonique que de la traditionnelle basse-guitare-batterie.
Peu à peu, on entre dans l'univers si particulier de l'anglo-norvégienne. Certains l'ont comparée à Björk ou Joanna Newson mais on pense tout autant et sinon davantage à Claude Vivier, le célèbre compositeur québécois, ou à la beauté musicale du hongrois Györgi Kurtag. Le mélange des genres est toujours délicat, très casse-gueule pour tout dire et dans lequel il est facile de s'emmêler les pinceaux. Rien de ça chez Sasha Siem. Au contraire, comme avec la musique classique, on entre peu à peu dans un univers sensoriel fascinant.
Durant son set, Sasha Siem joue de nombreux titres de son nouvel album
Most Of The Boys sorti récemment : des morceaux presque dodécaphoniques comme
Proof ou
Most Of The Boys mais aussi des titres plus ouvertement pop comme
See Through ou
My Friend, un morceau fabuleux d'une pureté absolue où la voix de Sasha fait merveille.

Changement d'univers total avec les bostoniens de
Palehound. En quelques minutes, nous passons d'une musique quasiment de chambre à un son hérité de l'indie-rock à guitare américain des 90's, de Nirvana à Dinosaur Jr. Le public, déjà charmé par la prestation de Sasha Siem, est conquis par le son du groupe. Le public français, au contraire de l'anglo-saxon, n'a pas toujours l'ouverture d'esprit pour passer d'un genre à un autre. Mais ce soir-là, on a affaire à des connaisseurs capables de s'émouvoir pour de la musique proche du classique comme pour du rock à guitares.
Palehound débute son set par un nouveau morceau,
Bentonia, joué par Ellen Kempner seule à la guitare. Un morceau superbe, poignant, intense et déchirant. Le ton du concert est donné et il ne changera pas. C'est un set de grande classe que nous offre le groupe. Suit
Healthier Folk, petite pépite extraite de leur album
Dry Food sorti l'an dernier. Ellen Kempner est une excellente guitariste doublée d'une song-writeuse talentueuse. Et que dire de sa voix, qui puisse dans le classicisme du folk et du rock US.
De nombreux morceaux,
Cushioned Caging où la voix de Ellen rappelle celle de Exene Cervenka de X ou
Pet Carrot qui conclue le concert, évoquent les heures de gloire du rock indé US des 90's. Ça ne surprend guère lorsque l'on sait que la formation vient de Boston, la ville des Pixies. Le groupe ne se contente cependant pas de reproduire un son qui a fait ses preuves ; il est capable de trouver une voie propre, notamment par ses cassures de rythme basse/batterie. Et lorsque les musiciens jouent dans un style plus folk, c'est encore plus beau.
Dry Food est un morceau splendide, astre pâle digne des meilleurs Neil Young.

Le concert se termine par la tête d'affiche de la soirée,
C Duncan. Pour lui, comme pour les deux autres groupes, c'est la première fois qu'il se produit à Paris. La majorité des titres joués sont extraits de son album, le très beau et mélodique
Architect et, pour un baptême, la réussite est totale. C Duncan ouvre son concert par
Say, splendide ballade qui ouvre également
Architect.
Novices qui suit est une merveille de pop ciselée et majestueuse à la délicatesse infinie.
Architect et
Silence And Air poursuivent dans cette veine pop classieuse et classique.
Here To There a presque un petit côté Pet Shop Boys, avec ses claviers qui invitent à la danse.
He believes In Miracles est beau comme du Beach Boys 66 et prouve toute l'étendue du talent du jeune écossais. A 26 ans seulement, C Duncan, avec cette pop travaillée et élégante, se dévoile comme un nouveau petit génie de la pop. Le jeune homme rend hommage à son Ecosse natale via une reprise de
Pearly Dewdrops' Drops de Cocteau Twins qui me ferait presque aimer ce groupe. Le set se termine par
Garden, autre merveille de
Architect, un morceau digne de la meilleure pop 60's. C Duncan revient enfin pour un unique rappel, mais quel rappel :
Castle Walls est beau comme un cantique d'église.
Un morceau majestueux qui conclue magnifiquement une très belle soirée.