En ce jeudi soir, l'Olympia est envahi d'une nuée de teenagers anglaises et je dois bien être la seule personne dans la salle à n'être pas fan de The 1975. Pourtant, le mot « fan », trop souvent dévoyé, retrouve avec ce groupe son sens originel. L'hystérie qui les entoure rappelle en effet celle des débuts des Beatles ou des Stones.
Mais c'est d'abord
The Japanese House qui ouvre le bal et reçoit un accueil chaleureux. Enthousiasme difficile à comprendre lorsqu'on écoute le set de l'anglaise, avec une pop aseptisée sans la moindre originalité. On s'ennuie ferme tout au long de ces trente minutes qui paraissent durer des heures. Si le but est de vendre des milliers de disques, nul doute qu'elle y parviendra, si elle veut être novatrice et originale, la voie semble difficile.

Lorsque
The 1975 montent sur scène, l'hystérie est à son maximum. Hurlements stridents, piétinements, cris déchainés de la salle. En toute objectivité, j'ai du mal à comprendre une telle passion pour ce groupe. Voir The 1975 sur scène, c'est assister au croisement d'un concert de Prince et de celui d'un boys-band. La moyenne d'âge du public en atteste et l'ambiance ressemble à celle que devait connaître un concert des Spice Girls. Découvrir The 1975 en live, c'est donc découvrir un monde inconnu dans lequel les plus de trente ans n'ont pas les codes, comme pour le manga ou un concert de K-pop.
Love Me qui ouvre le concert sonne certes mieux que sur le disque et pourrait être une belle machine à danser si le morceau n'était à ce point pompé sur Prince, qui se montre conciliant de ne pas réclamer de royalties. Le groupe poursuit dans cette veine funky et dansante avec
UGH!. Si on n'accroche guère musicalement, il convient cependant de dire que Matt Healy est un vrai showman qui dégage, pour quelqu'un qui est en passe de devenir une big star, quelque chose de fragile et de touchant. Autre point positif, le dispositif scénique est de toute beauté avec une architecture carrée noyée selon les morceaux de bleu, rose ou d'un gris très Joy Division (pas étonnant lorsque l'on sait que The 1975 vient également de Macclesfield).

Il est dommage que The 1975 aient choisi sur disque comme sur scène d'aller vers un son et un style très commerciaux alors qu'ils auraient pu prendre une toute autre direction. Ce fût le cas de la pop torturée de
Me, très beau morceau du groupe antérieur à leur premier album.
Falling For You est une belle ballade mais malheureusement, là encore, l'ombre de Prince plane trop sur le morceau pour que l'on y soit sensible. C'est là le véritable problème de ce groupe. Ce n'est pas qu'il soit mauvais mais il sonne tellement « à la manière de » (sur d'autres titres c'est le plagiat de Coldplay ou de Muse qui prime) que c'en est gênant. Le public, lui, n'en a cure et il suffit que Matt Healey dise bonsoir en français, prenne un drapeau tricolore sur
Paris ou boive un verre de vin pour que ce soit l'émeute.
An Encounter montre à quel point The 1975 est un groupe paradoxal capable de la pire soupe 80's à ce morceau planant, évoquant le Bowie période
Low. Le concert se termine par
Girls repris en chœur par le public, pop song d'agréable facture baignée d'une énergie positive. Le groupe revient sur scène sous des vacarmes assourdissants pour
If I Believe You qui doit être un inédit du
Lovesexy de Prince de 88. Suivent
Chocolate,
The Sound, sur lequel Matt Healy invite la salle à sauter et voit l'Olympia crouler, et
Sex, l'un des tous premiers tubes du groupe pour conclure la soirée, hurlé par la salle extatique.
En une heure quarante tout rond, The 1975 s'est mis dans la poche un public conquis d'avance. Difficile après ce concert de se faire une idée de ce groupe ou comprendre son succès planétaire. Le mystère reste entier.