Un an après on pense encore à ce qu'il s'est passé ce fameux 13 novembre 2015, surtout quand on foule de nouveau le plancher du Bataclan. Sting a été le premier à revenir sur la scène, volant la vedette à Peter Doherty, mais finalement tant mieux ! On ne veut pas d'un concert dégoulinant de pathos pour venir ré-ouvrir nos plaies, on veut du rock, du vrai. Comme une sorte de vengeance, Peter Doherty est venu nous donner ce qu'on attendait pour deux dates consécutives. Avec lui, on ne sait jamais à quoi s'attendre, c'est pour ça qu'on l'aime (ou pas). C'est ce qu'on veut, c'est ce dont on a besoin.
Jack Jones, leader du groupe Trampolene ouvre en première partie. Il a des airs de Pete avec son chapeau et ses cheveux bruns ébouriffés, et pour cause ! Jack Jones est également le guitariste de Peter Doherty, qu'on retrouve un peu plus tard sur scène avec lui. Il reprend quelques-unes de ses compositions, simplement à la guitare comme
Alcohol Kiss ou
Red Sky Sing. Entre deux titres, il nous déclame ses poèmes à l'image de
Ketamine ou
To Be A Libertine écrit à l'intention du groupe. Alors que les paroles de ses chansons restent relativement simples, il semble se lâcher davantage à travers ses poèmes. Le phrasé y est plus soigné et c'est à travers les mots qu'il cherche à former la musique, grâce au rythme, aux allitérations. C'est inhabituel sur scène, il prend des risques et le public l'applaudit pour ça !

Des drapeaux français sont déposés sur scène. Hommage ou pied-de-nez ? Sûrement un peu des deux. Quand
Peter Doherty arrive sur scène accompagné de ses musiciens, une minute de silence est réclamée par une femme, sortie dont ne sait où. La salle se tait. Peter compte et s'insurge que cela n'ai même pas duré une minute. Il se met alors à entonner la marseillaise aussitôt reprise par l'ensemble de la salle, tandis que Jack Jones, torse nu, a inscrit les premiers mots du chant républicain sur son corps. Un violon vient rendre l'émotion palpable. Les visages sont graves et les mots résonnent hauts. Comme une urgence de faire du bruit et de témoigner notre patriotisme pour lutter contre l'horreur.
Le show commence avec
I Don't Love Anyone (But You're Not Just Anyone), premier single de son prochain album
Hamburg Demonstrations, annoncé pour le 2 décembre, suivi peu de temps après par
Kolly Kibber. Des danseuses viennent apporter une touche de grâce et de poésie, pourtant, c'est toujours Pete qui capte notre regard. Sa voix un peu cassée, sa démarche nonchalante, pas toujours droite, cette impression de fragilité qui se dégage de lui. Cette impression qu'il est là, sans l'être complètement, perdu dans les mots de ses chansons. Un regard au ciel, son corps qui s'arque vers la scène. Il n'y a pas à dire, il fascine. Difficile de ne pas se sentir touché par
You're My Waterloo écrit lorsque il était encore avec les Libertines. Carl Barât, qui la veille avait fait son apparition sur ce titre pour un duo, ne nous fera pas cet honneur ce soir. Dommage, nous aussi, on aurait aimé voir la réunion de ces deux frères. Entre le violon aux accents celtes et les guitares rock, c'est l'élan parfait qui conjugue la personnalité de Pete.

Au milieu du concert, Peter Doherty nous lance un "Merci, bonne nuit" en français, s'éclipse de la scène suivi par le reste de son groupe, nous faisant croire à la fin du concert. C'est trop court, le public s'insurge, mais la présence du batteur nous indique la feinte. C'est à partir de ce moment, que les choses partent en couille, qu'on ne maîtrise plus rien, qu'on a envie de plus rien maîtriser du tout. La fosse se lâche sur les chansons des Libertines et des Babyshambles comme
Up The Bracket ou
Killamangiro, sautant les uns sur les autres. Pete, pendant ce temps, ne cesse de lancer des choses sur le public : pied de microphone, guitare, harmonica, son chapeau, presque tout y passe. Le public hurle, un cri mêlant l'appréhension et l'excitation. Il fait le pitre, fait mine de chanter dans le pied du micro, sans micro, mais il s'en fout, ça l'amuse. Et nous aussi.
Le dernier titre,
Fuck Forever, est lancé comme une philosophie de vie. Avant de s'éclipser pour de bon, il joue quelques notes à la guitare. Un air qu'on reconnaît, celui de Brassens. Il nous quittera sur ses paroles "Mais les copains d'abord, les copains d'abord". Tout est dit !
Pas de retard constaté, pas de coma éthylique, on peut presque dire qu'il s'est tenu à carreau ce soir. On ressort du Bataclan enchanté après une heure trente. Rock'n'roll comme on aime, mais sensible aussi. Tant pis pour l'absence de réel rappel, ce concert, il était beau, il était fort.