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Peter Doherty

Paris, Maroquinerie - 9 mai 2010

Live-report par Anne-Line

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Cette semaine Paris aura vu deux concerts impromptus de Peter Doherty. L'anglais mangeur d'Opium réaffirme sa relation privilégiée avec la capitale en investissant deux lieux qu'il connaît déjà bien : le Truskel et la Maroquinerie. Soyons franc, la question qui vient immédiatement à l'esprit en apprenant ces dates est « Encore ? ». A-t-on véritablement envie d'aller se confronter à une foule d'adolescents en furie écrasant tout sur leur passage juste pour être au plus près de leur idole ? A-t-on vraiment envie de réécouter pour la énième fois les morceaux des Libertines et de Babyshambles qu'il joue depuis des années, et souvent de manière douteuse ? Puisqu'il ne faut jurer de rien, nous y allons.

Contre toute attente, la soirée au Truskel se déroule comme dans un rêve. Les garçons finissent de regarder le football tandis que les filles sirotent leurs Monacos. Lorsque l'énergumène arrive, le public reste relativement stoïque par rapport à un « concert-surprise » habituel, et l'atmosphère demeure respirable. Ce show sera aux antipodes des précédents concerts dans ce lieu : détendu et posé. On avait pris l'habitude de se trouver complètement compressé contre un mur en n'apercevant qu'un infime bout de chapeau, dans une ambiance de Guerre des Mondes, donc cette nuit de mai fait beaucoup de bien. La setlist renferme quelques perles comme ce France, emblématique de Carl Barât mais que Peter se réapproprie avec succès. Une fois n'est pas coutume, sa voix est claire, et son jeu de guitare précis, comme quoi parfois, juste parfois, il peut être capable de briller, et de réussir un concert au Truskel. Qu'en sera-t-il à la Maroquinerie ?

Selon la loi des séries de Doherty, un bon concert est généralement suivi de trois mauvais. Et bien les chanceux qui ont pu avoir un sésame pour la Maroquinerie ce dimanche en seront pour leur argent, car le bonhomme enchaîne les performances de haut niveau ! En première partie ce soir, un groupe français, les Lucky Clover, et deux amis proches du sieur Doherty : Anto Dust et Alan Wass.
Les jeunes Lucky Clover arrivent malgré leur visible nervosité à faire passer un bon moment, leur fraîcheur contrastant agréablement avec les attitudes de poseurs habituellement adoptées par les baby-rockeurs parisiens. D’un point de vue musical, leur son pop-folk aux harmonies à deux voix est aussi une bonne surprise et rappelle les Libertines des tout débuts, dans un esprit romantique un peu échevelé. Intéressant malgré le trop flagrant mimétisme dohertien et l'anglais perfectible.
Peter Doherty aime jouer les mécènes. Après les petits parisiens, il fait venir Anto Dust, une jeune italienne de son entourage, pour faire patienter un public qui se demande encore s'il viendra. Si la démarche de vouloir soutenir ses amis est plus qu'honorable, il y en a pour lesquels il devrait modérer son enthousiasme. Anto Dust est extrêmement charmante, possède une très jolie voix mutine et espiègle… mais la faire jouer devant 300 personnes est plus que prématuré. Donnons-lui trois ou cinq ans, le temps d'apprendre à vraiment jouer de son instrument et de peaufiner ses comptines folk aux textes se voulant mordants, avant de donner un avis définitif.
Après Dust, Doherty apparaît enfin sur scène... mais pour présenter son ami Alan Wass. Wass fait partie de ces gens loin d'être dépourvus de talent, qui jouissent de tous les bons contacts, mais qui pour une raison quelconque ne réussiront jamais à se faire un nom. Depuis des années qu'il gravite autour du soleil noir Doherty, mais sa notoriété n'a jamais dépassé les frontières exigües du triangle Boogaloo-Barfly-Rhythm Factory à Londres. Et encore. Il sera sans doute condamné à errer de bar en bar, dans le sillage de son illustre ami, en chantant ses morceaux folk-blues sombres et hantés, jusqu'à la fin des temps.

« Once upon a time... ». Nous avons de la chance, ce soir, comme lors de la précédente prestation à la Maroquinerie, la magie opère et l'on est transporté dès les premières notes dans le triste monde tragique de Doherty. Les morceaux s'enchaînent, tous plus réussis les uns que les autres. Peter est là et bien là, et vit son interprétation; il est tour à tour émouvant (You're My Waterloo), espiègle (Bollywood To Battersea), ou charmeur (Love Reign O'er Me). On aurait presque du mal à reconnaître les chansons tellement on s'était habitué à les entendre à moitié ratées !
De plus, le public tout aussi docile qu'au Truskel contribue à l'ambiance bon-enfant de la soirée, sans bruit et sans fureur. Ballad Of Grimaldi est splendide ce soir, avec ce côté manouche qu'il arrive à lui donner, très joyeux et entraînant, complètement à l'opposé de la version que joue Carl Barât, très mélancolique. Les hooligans fanatiques des Libertines, qui se déchaînent d'habitude sur les « tubes » tels que Time For Heroes ou Can't Stand Me Now, ce soir sont restés chez eux, et l'on peut vraiment profiter d'un Peter à la voix maîtrisée et aux doigts sûrs, sans se faire briser une côte au passage. Il est tellement confiant qu'il nous gratifie même d'une nouvelle chanson ! Coulée dans le même moule qu'une Salomé ou qu'un Lost Art Of Murder, cette nouvelle composition rassure quant aux capacités du bonhomme : non, Pete Doherty n'est pas complètement fini.

Sa rédemption réside en France.
setlist
    Lady Don’t Fall Backwards
    From Bollywood To Battersea
    Last Of The English Roses
    Dilly Boys
    What A Waster
    Love Reign O’er Me
    You’re My Waterloo
    Ballad of Grimaldi
    Time For Heroes
    The Lost Art Of Murder
    Music When The Lights Go Out
    New song
    The Good Old Days
    Salomé
    Albion
    Can’t Stand Me Now
    What Katie Did
    Hooligans On E
    For Lovers
photos du concert
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