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Peter Doherty

Paris, Days Off Festival - 7 juillet 2010

Live-report par Chloé Thomas

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La Cité de la Musique, sa grande salle à l'acoustique superbe et aux rangées de chaises bien sages, ses ouvreurs en costume noir, son bar déjà en rupture de stock de bière un quart d'heure avant le concert, son ambiance feutrée : pas forcément le genre d'endroit où l'on aurait envie d'entendre Doherty.

Il est vrai que les concerts rock y sont fréquents et sa programmation va finir par faire pâlir d'envie nombre de salles parisiennes : Marianne Faithfull, Antony And The Johnsons, Julian Casablancas, Gudrun Gut... tous s'y sont déjà produits. Les places sont un peu plus chères que pour d'autres salles de taille équivalente, le public un peu plus vieux. Surtout, le lieu signale l'institutionnalisation des artistes qui y passent : c'est un établissement public, dont la programmation se veut léchée (et elle l'est, le plus souvent), où l'on va comme à l'opéra. Ainsi c'est la frontière entre musique populaire et musique savante qu'on voit se redéfinir. Pas seulement parce que les rebelles d'il y a quarante ans sont les managers d'aujourd'hui et que la contre-culture de leur jeunesse est devenue la culture dominante de leur vieillesse. C'est aussi que le rock (et plus encore l'électro), accédant pleinement à la reconnaissance, a obtenu ses lettres de noblesse : ce n'est plus simplement un genre à la mode, mais un élément essentiel dans la formation du bon goût.
Et Peter Doherty dans tout cela ? Il colle parfaitement au lieu; et le paradoxe n'est qu'apparent. D'abord, Doherty est une icône, il le sait, il en joue, et la Cité de la Musique, le sachant tout autant, le programme peut-être précisément parce qu'il représente dans sa perfection classique ce qu'est le rock des années 2000. Ensuite, parce que Doherty a mûrit. Assagi, lit-on ici ou là : ce n'est pas tout à fait ça. Au-delà du fait que le bonhomme est désormais capable de se présenter à ses concerts et de les jouer jusqu'au bout, son choix d'être seul sur scène, ses textes, le retour au « Peter » de l'état civil au détriment du « Pete » trop adolescent, tout montre qu'il a fait le choix de la maturité. Comme sa musique, comme le rock.

Ce soir, les invités annoncés se réduisent à deux danseuses venant, sur quelques chansons, faire des entrechats (le classique, encore une fois), de façon purement décorative. Pour le reste, Peter Doherty se tient au centre de la scène avec sa guitare acoustique, son air de dandy moqueur et ses textes superbes qui parlent de drogues dures et de malaise urbain avec une mélancolie prégnante. Assis sur un ampli, il débute avec Arcady, en sirotant un verre de rouge. Doherty fait tableau, volontairement, manière d'assumer et de contrôler son ionisation forcée.
Les chansons s'enchaînent, avec toujours ce goût doux-amer qui est celui de l'Angleterre d'aujourd'hui. Ardent et superbe, You're My Waterloo suscite des lancers de culottes de la part de jeunes spectatrices impressionnables. Doherty les repousse délicatement du pied. Il préfère qu'on lui lance des livres (« Jack Pervert ? Oh, Jacques Prévert... »), des poèmes, des billets qu'il lit à voix haute et dont il s'amuse avec le public, choisissant la connivence dans le spectacle plutôt que la distance. Il semble jouer sans setlist préparée et réagit aux demandes, proposant par exemple une chanson des Libertines, Can't Stand My Right Now, où il compense l'absence d'orchestration par un effet d'épure et un beau final instrumental. Après le très beau Salomé, il partage son pinard avec la foule; on lui apporte immédiatement une autre bouteille, décoration symptomatique.
Le très convaincant Smashing, où il s'essaie même à chanter le refrain en français, est suivi d'un Albion qui clôt le concert avec danseuses vêtues de l'Union Jack. Lorsque Doherty se retire en coulisses, les deux petits rats s'attardent quelques instant pour prendre le public en photo, inversant les rôles, comme l'a fait Doherty pendant plus d'une heure en faisant semblant de se donner en spectacle tout en se contentant de jouer ses chansons. Car pour lui, l'enjeu est de prouver que s'il est une icône, ce n'est pas à cause de ses frasques, mais bien parce que son style est exactement celui qui va avec l'air du temps.

Sans rappels, il a réussi sa démonstration, avec élégance, humour et talent.
setlist
    Arcady
    Last Of The English Roses
    Sweet By And By
    From Bollywood To Battersea
    For Lovers
    You’re My Waterloo
    Sheepskin Tearaway
    France
    Can't Stand Me Now
    (A Bit Of) Blue Moon
    Back From The Dead
    Salomé
    Good Old Days
    Lost Art Of Murder
    Robin Hood (Ocean Colour Scene cover)
    Smashing
    Albion
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