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The Divine Comedy

Paris, Philharmonie de Paris - 19 septembre 2022

Live-report par Laetitia Mavrel

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Trente-deux années. Une petite trentaine comme on dit, le début de la décennie où l'on jongle entre les véritables responsabilités (familiales, professionnelles...) et le luxe de toujours afficher une bonne dose d'énergie malgré les nuits qui raccourcissent. Les rides et autres pelures blanches n'étant généralement pas encore d'actualité, c'est une parenthèse idyllique dont il fait bon profiter pleinement avant de glisser insidieusement vers le côté obscur des personnes dites matures. C'est aussi l'âge qu'affiche au compteur The Divine Comedy, soit douze albums, deux backing bands, un mariage, un divorce, quelques milliers de prestations live et bon nombre de bouteilles de vin absorbées avec peu de modération mais toujours dans la bonne humeur. A la tête de cette aventure rocambolesque, Neil Hannon, songwriter et musicien de génie qui n'a eu de cesse durant ces trois décennies de parfaire son art de la composition pop en y apportant l'érudition tout comme la folie nécessaire pour rendre son style intemporel.


La discographie de The Divine Comedy étant intrinsèquement liée à l'évolution personnelle de son créateur, elle passe par des phases qui, par parallélisme des formes, renvoient aux différentes étapes de nos vies. Avec une carrière débutée à vingt ans tout rond, l'homme d'aujourd'hui affiche du haut de sa cinquantaine la maturité et l'expérience suffisantes pour proposer en guise de cadeau d'anniversaire à ses fans une série de concerts en mode rétrospective au sein de la Philharmonie de Paris, qui l'a déjà accueilli lors de son inauguration.
A la suite d'une histoire sordide de pangolins et de complot visant à nous implanter quelques nano-puces à notre insu, les projets de la quasi-totalité du monde ont été mis en stand-by. C'est dans ce contexte que la tournée anniversaire des trente ans s'est transformée en tournée des trente-deux ans pour enfin prendre possession de la salle de la Cité de la Musique à Paris, nichée au cœur du parc de la Villette. Ainsi, les vaillants admirateurs du groupe on après deux sessions stressantes de mise en vente des billets décroché le sésame pour assister cinq jours durant à l'interprétation de deux albums par soirée dans leur intégralité, dans l'ordre chronologique de leur sortie. De Liberation (1993) à Foreverland (2016), dix albums aux textures et nuances hétérogènes, imprégnés de l'esprit d'un Neil Hannon naviguant dans un spectre émotionnel allant de la mélancolie profonde au cabotinage le plus fougueux.

La première soirée est d'ores et déjà la plus attendue, le succès de Liberation et Promenade en ce début des années 90 s'étant fait particulièrement ressentir en France. C'est donc face à une salle comble que Neil Hannon interprète fidèlement les deux disques, entouré de ses complices depuis maintenant une bonne décennie (Andrew Skeet, Tosh Flood, Simon Little, Tim Weller et Ian Watson). A cela s'ajoutent la guitare de John Evans et un ensemble à cordes, cuivres et flutes qui apportent la majestuosité nécessaire à un tel événement. Car même si une bonne partie des présents ont assisté aux débuts du musicien, nombre d'entre nous ont raccroché les wagons au National Express Hannon-ien dans la foulée des deux premiers disques. Cette soirée constitue donc une incroyable opportunité de revivre les émotions des débuts.


Sur une scène incroyablement sobre en comparaison avec la joyeuse ébriété qui gagnera petit à petit la star du soir, sous un lightshow tamisé baignant la salle dans une ambiance de séminaire d'entreprise, nous retrouvons le Neil Hannon qui nous narrera en mode confession autour d'un verre les anecdotes entourant la genèse des deux disques. Liberation et Promenade n'étant pas les albums les plus propices au swing, exception faite des quelques tubes festifs comme Europop, A Seafood Song ou A Drinking Song, place est faite à l'harmonie et à la musicalité raffinée de Your Daddy's Car, Queen Of The South, Victoria Falls et le déchirant Timewatching. L'occasion est donc donnée d'enfin découvrir en live des raretés telles les iconoclastes The Booklovers, Neptune's Daughter (qui sera le seul titre à connaître le petit dérapage du concert du fait d'un faux départ très vite rattrapé par un Neil hilare mais exigeant), Ten Seconds To Midnight non suivi des tambours amenant à Tonight We Fly, ce dernier clôturant significativement la fin des deux sets.

Tout au long de ces deux heures et trente minutes, Neil Hannon est heureux de nous narrer l'historique de ces albums phares qui lui ont alors permis de s'évader de sa campagne nord-irlandaise et de se faire une place à coup d'épaulettes de tailleur souvent trop grandes parmi les énormes pointures britpop de l'époque représentées par la flamboyance et la sophistication de Brett et Jarvis, et la gouaille mal dégrossie de Ian et Liam.
Toujours incroyablement en phase avec ses compagnons de route, on sent le plaisir non feint et une réelle reconnaissance envers le public français d'avoir toujours eu la curiosité de s'intéresser à ce personnage atypique, à l'allure de dandy provincial, étonnant de par son érudition et fort attachant. Face à lui, un public qui, probablement sous couvert de cette première soirée où il semble s'attarder à prendre la température, ne trouvera la hardiesse nécessaire pour enfin se lever et se planter devant la scène qu'à la toute fin du second set dès les premières note du classique Tonight We Fly, malgré les quelques invitations semées de-ci de-là par Neil Hannon, pour qui cela ne le dérange en rien que son public vienne enfin, et comme il en a maintenant l'habitude, s'éclater en vague à ses pieds. Avec en rappel un avant-goût de ce qui nous attend par la suite, Absent Friends et Generation Sex, Neil Hannon nous attend dès le lendemain pour la suite d'une épopée qui restera unique.


Comment ne pas céder à la grâce de ces deux premiers albums qui ont marqué le personnage de Neil Hannon à tout jamais ? Reprenant les mêmes codes vestimentaires sur la pochette du Best Of Charmed Life sorti au printemps dernier, l'avatar a marqué nos esprits. Ce dernier ayant permis à son créateur de laisser libre court à toute la frivolité et l'audace de sa prime jeunesse, Neil Hannon, trente-deux ans après, continue de nous charmer tant et si bien que les cinq soirées figurent à l'agenda de la majorité des spectateurs.
Déjà en mode révision avec ce qui sera l'épiphanie de cette semaine grâce à la sublime et inégalée trilogie Casanova, Short Album About Love et Fin de Siècle (cette position assumée n'appelle pas à débat dans les commentaires), je clôturerais ce modeste compte rendu avec les mots d'un autre grand admirateur de The Divine Comedy, le journaliste Christophe Conte qui, ayant signé les textes d'introduction du programme des récitals, conclut lui-même en précisant que «nous mesurons ainsi la chance d'avoir vécu à la même époque que l'un des musiciens et chanteurs le plus brillants de l'histoire de la pop ».

Je ne vois rien à ajouter.
setlist
    Festive Road
    Death Of A Supernaturalist
    Bernice Bobs Her Hair
    I Was Born Yesterday
    Your Daddy's Car
    Europop
    Timewatching
    The Pop Singer's Fear Of The Pollen Count
    Queen Of The South
    Victoria Falls
    Three Sisters
    Europe By Train
    Lucy
    ---
    Bath
    Going Downhill Fast
    The Booklovers
    A Seafood Song
    Geronimo
    Don't Look Down
    When The Lights Go Out All Other Europe
    The Summerhouse
    Neptune's Daughter
    A Drinking Song
    Ten Seconds To Midnight
    Tonight We Fly
    ---
    Absent Friends
    Generation Sex
photos du concert
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