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The Academic

Paris, Boule Noire - 3 mars 2023

Live-report par Adonis Didier

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Pigalle. Y a comme un goût de boulette boulette sur les ondes, et comme un goût d'Irlande à la Boule Noire ce soir. Deux semaines avant la Saint-Patrick, le rock en provenance de l'île du trèfle s'installe dans le sous-sol parisien comme en terrain conquis, concert à guichets fermés et compatriotes dans la foule compris. Oh, super, des Irlandais, encore des clones de Fontaines D.C. pas inspirés, songerez-vous peut-être dans un élan d'aigreur non dissimulée ? Alors oui, mais non, car des groupes d'irréductibles pop-rockeurs résistent encore et toujours à l'influence du mastodonte de Dublin City, fiers de porter haut l'étendard d'une musique sans prise de tête et sans dissonances impromptues. The Academic, puisque c'est d'eux qu'il s'agit, font du rock 2000's en 2023 avec l'air de se foutre royalement de tout sauf des filles et des soirées au pub entre potes, tout ça la tête haute et le sourire en coin.

Une formule qui fleure bon la jeunesse, et c'est bien la jeunesse que l'on retrouve dans la salle de La Boule Noire. Peu de petites têtes blondes dépassent les vingt-deux ans, et on revoit même des visages aperçus à Circa Waves la semaine dernière. Les deux groupes partageant peu ou prou la même musique, pas étonnant donc de les voir également se partager le même public, et la même énergie live. Ainsi, The Academic n'attendent pas et saisissent la foule dès l'entame de Pushing Up Daisies. Départ dynamique, Craig Fitzgerald, chanteur aux airs d'éternel adolescent, interpelle tout de suite son monde, « bonjour Paris » en plein milieu de la chanson, et une avancée vers le premier rang pour les premiers cris de la soirée, mais certainement pas les derniers. Un Craig dont la voix mettra quelques chansons à chauffer, les premiers refrains manquant régulièrement de puissance vocale et finissant parfois à court de souffle.


La fosse ne mettra pas longtemps avant de l'aider, et de reprendre la majorité des refrains avec lui, le premier album remportant toutefois aisément la bataille des chansons retenues par cœur. Why Can't We Be Friends, jouée assez tôt dans le concert, déclenchera ainsi moults hurlements et un effort généralisé pour soulager le groupe du besoin de chanter les paroles. Craig en joue, tend le micro au public, mime chaque parole lorsqu'il n'a pas à gratter sa guitare, avance, recule, et coupe le son dans l'attaque du dernier refrain, pour regarder les gens chanter. Concernant le nouvel album, ses limitations indie pop mièvres s'envolent et même les peu convaincantes Let Go Of My Heart ou My Very Best se transforment instantanément en tubes rock, boostées par l'entrain et le surplus de guitare et de saturation sonore.
Craig profite d'un des rares interludes du concert pour évoquer leur visite touristique de Paris, comprenant dégustation d'escargots et passage obligé devant la Tour Eiffel. Pas le temps de niaiser, il s'agit maintenant d'émouvoir la galerie, et c'est chose faite devant une sublimissime Buying Smokes, conclusion parfaite du dernier album, et merveille absolue d'inspiration Bowie qui nous tirera une larme ou deux durant le solo Matthew Murtagh, ou serait-ce la brillance immaculée de sa veste en satin qui nous fend les yeux ? La vague balaye d'émotion du premier jusqu'au dernier rang, les pleurs de sa guitare emplissent la salle, ses larmes rebondissent contre les murs et nous reviennent comme un raz-de-marée, avant que la fin de la chanson ne se transforme en bordel total, incontrôlé et incontrôlable.

La maîtrise du show impressionne, on saute sur Don't Take It Personally, on crie sur Craig qui chante Acting My Age couché sur scène juste devant nous, celui-ci dégoulinant de sueur à force de se démener sur scène. Pause fraîcheur serviette-bière, le temps de régler une galère d'écouteurs de retour, l'occasion de passer un big up aux techniciens, et on repart pour des instants frissons et émotions dans l'enchaînement Homesick - Northern Boy. La plus belle chanson de Sitting Pretty suivie par le premier single du groupe, un premier single dédié à une suiveuse de longue date, encore une fois présente au premier rang. On est aux anges, mais le meilleur reste à venir au retour du groupe, pour un rappel de feu. Un accord. Un deuxième accord. On a compris, c'est celle qu'on attendait depuis le début, celle qui squatte nos playlists et nos oreilles depuis la sortie de l'album. Right Where You Left Me est une bombe totale, un hymne de pop et de rock qui va embraser la Boule Noire. Ca chante, ça crie, ça bouscule, ça danse, des cercles se forment, se défont, et personne ne restera insensible à ce trop court moment de folie.


La formule est connue, après l'effort le réconfort, Girlfriends permet à tout le public de chanter, même si on a déjà plus de voix, pendant que Craig Fitzgerald prend son pied et tente de remercier tous ceux qui sont venus les voir ce soir. Des tentatives sans cesse perturbées par ce contingent irlandais qui ne le laissera pas en placer une sans hurler, jusqu'à ce que Craig lâche l'affaire, mort de rire, les larmes aux yeux, sur un riff piqué à Weezer. Bear Claws lance des « Hey ! » et des « Oh Oh ! » dans tous les sens, les Irlandais en Erasmus donnent de la voix pour la dernière fois de la soirée, et on finit de se limer les cordes vocales au milieu du boxon.

Alors oui, la musique du groupe n'a rien de particulièrement originale, les concerts de The Academic ne le sont pas spécialement non plus, et pourtant l'expérience live saisit sans doute de la plus pure des manières l'essence même du rock n'roll. Du fun, de l'émotion, du partage, et un certain esprit de petit con impertinent qui préférerait mourir plutôt que vieillir. Tenez-le-vous pour dit, si tous les groupes de rock se pointaient avec ça au moment d'entrer sur scène, on perdrait beaucoup d'occasions de se plaindre. Bien heureusement, il nous resterait toujours notre légendaire mauvaise foi.
setlist
    Pushing Up Daisies
    Anything Could Happen
    Mixtape 2003
    Let Go Of My Heart
    Why Can't We Be Friends
    This Is Your Life
    Feel It Too
    Buying Smokes
    Don't Take It Personally
    What's Wrong With Me
    Acting My Age
    Homesick
    Northern Boy
    My Very Best
    Step My Way
    Different
    ---
    Right Where You Left Me
    Girlfriends
    Bear Claws
photos du concert
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