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Arctic Monkeys
Inhaler

Paris, Accor Arena - 9 mai 2023

Live-report par Jordan Meynard

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Neuf mois après leur prestation mitigée au festival Rock en Seine, les Arctic Monkeys se sont installés, le temps de deux soirées, à l'Accor Arena de Paris, dans le cadre de leur tournée XXL des stades et autres grandes salles du globe. Forts de leur nouveau statut de star planétaire, la promiscuité n'est donc une nouvelle fois pas au rendez-vous, et ne le sera sans doute plus jamais avec les natifs de High Green, Sheffield, à l'instar de tous les mythes et légendes qui ont foulé et posé une empreinte indélébile sur la scène de l'ex-Palais omnisports de Paris-Bercy. L'occasion pour Alex Turner et sa bande de présenter en live les nouveaux morceaux issus de The Car, septième album du groupe et considéré sans saveur pour certains ou véritable chef d'œuvre de leur discographie pour d'autres.


Et puisque que l'on parle de légende, le groupe se voit introduit par Inhaler, dont le leader du groupe s'appelle Elijah Hewson, fils de Paul Hewson, plus connu sous le nom de Bono. Si Elijah semble avoir hérité des bonnes capacités vocales de son père, fort est de reconnaître que la formation irlandaise possède ses propres influences, loin de l'univers parental du leader. En témoignent les titres de leur premier album It Won't Always Be Like This (2021) et du dernier en date Cuts & Bruises (2021). On reconnaîtra des sonorités proches de The Stones Roses, Joy Division ou encore des trop sous-estimés Echo & The Bunnymen - l'originalité en moins. En effet, la formule couplet / refrain / couplet / refrain / pont / refrain est usée jusqu'à la moelle et on regrette que ce groupe issu de la génération Z et aux influences surannées ne se montre pas plus aventureux. On est loin de voir une salle en pleine ébullition comme cela doit être le cas lors de leurs concerts outre-Manche. Il faut dire que le manque de communication de Bono Jr. n'arrange pas les choses en dépit d'un set de quarante longues minutes. Un manque d'investissement qui, couplé à l'exercice difficile d'ouvrir pour un groupe aussi attendu devant 17 000 personnes, rend la prestation complètement dispensable. Si ce n'était pas pour draguer un nouveau public, on n'a pas compris ce que sont venus faire les Irlandais ce soir à Paris. A part peut-être pour échanger quelques parties de baby-foot avec Matt Helders ou sillonner les rues la butte Montmartre ? Quoi qu'il en soit, nous leur donnerons une autre chance au mois d'octobre pour leur double date à la Cigale de Paris.


C'est au tour des Arctic Monkeys d'entrer en scène. Le temps de se remémorer que leur dernier passage en France hors-festival remonte en 2018 pour deux concerts au Zénith de la capitale. Une éternité. Les lumières de l'Arena s'éteignent et laissent place à l'ambiance oppressante de Sculptures Of Anything Goes, dernier morceau clipé de The Car qui rappelle à son géniteur la machine à tubes AM (2013) : « Cette chanson me fait penser au côté desert rock de AM. C'est comme s'il en restait quelques traces », confiait Alex Turner dans une interview. Sans surprise, c'est d'ailleurs cet album qui sera le plus représenté ce soir tant il a marqué une deuxième apogée dans la carrière du groupe, point de jonction entre les puristes et cette deuxième génération de fans issue principalement de la génération Z. Snap Out Of It, Arabella et même Why'd You Only Call Me When You're High? ne manqueront pas de faire chanter à tue tête tout ce beau monde. Avec maintenant sept albums au compteur, il ne doit pas être chose aisée pour Turner et sa bande de construire des playlists cohérentes où le groupe et son public s'y retrouvent. Pourtant, chaque époque de leur carrière est plus ou moins représentée, une approche qui demande une conscience aiguë de la nécessité de trouver le bon équilibre entre le nouveau et l'ancien.
S'ils n'en ont jamais sorti de leur carrière, le début du set proposé par les Monkeys a des allures de Best Of pour la plus grande joie de tous. Brianstorm, Crying Lightning, Teddy Picker, The View From the Afternoon... Autant d'anciennetés que l'on aime chérir et qui ne semblent pas perdre en intensité lors de leurs interprétations live au fil des années. Au-delà du fan service, ces chansons semblent intemporelles, bien que les paroles ne le soient pas ; on doute que les nouveaux aficionados évoqués tout à l'heure savent vraiment de quoi il en retourne quand Turner chante « When she's pressed the star after she's pressed unlock », comme sur un Nokia 3310, à l'ancienne.


Avec les sorties successives de Tranquility Base Hotel + Casino (2018) et The Car, le groupe est arrivé à un carrefour artistique où certains fans les ont définitivement érigés en génie, pendant que d'autres sont restés sur le bas-côté. Enhardis par une course de festivals d'été qui a confirmé qu'ils avaient captivé l'imagination d'un public toujours plus nombreux, ils ont réservé les plus grandes salles de concerts et, ce faisant, ont soulevé la question de savoir si le groupe allait rester fidèle à sa dernière itération studio devant un parterre de plusieurs milliers de personnes. Après une dernière caresse dans le sens du poil avec un Suck It And See dont le premier couplet est joué au piano, mais aussi Fluorescent Adolescent et Do I Wanna Know (définitivement LE plus gros tube du groupe), les Arctic Monkeys glissent lentement vers leurs derniers morceaux plus créatifs, mais aussi plus lents, à l'instar de There'd Better Be a Mirrorball, Star Treatment ou encore Body Paint. La construction progressive et son explosion finale mettent tout le monde d'accord et il est fort probable que ce moment sera la discussion principale d'après-concert. Turner, O'Malley, Cook et Helders jouent avec un professionnalisme sans effort. Il est rare de voir un groupe pour qui il est si facile de glisser subtilement entre de gros bangers et des morceaux low tempo. Une intégration progressive des nouveautés qui se fait intelligemment pour leur laisser une place de choix en fin de set et ainsi se retirer de la scène en laissant une bonne impression de leurs dernières productions. Il fallait y penser... Seule ombre au tableau, l'interprétation de la cultissime 505, devenue virale sur TikTok depuis sa sortie en 2007, mais aussi méconnaissable tant les changements opérés en live la desservent.

Le groupe revient devant son public pour un dernier tour de piste. Il continue sur la même lancée d'avant-rappel avec I Wanna Be Yours, ce morceau doux-amer dont la musique a été créé à partir d'un poème écrit par John Cooper Clarke. Le calme avant la tempête, en somme. Le set se termine avec deux des chansons les plus turbulentes et indisciplinées du groupe, I Bet You Look Good On The Dancefloor et R U Mine?, couronnée pour l'occasion d'une longue prolongation. Dans un dernier instant, le public de l'Accor Arena s'époumone et déclare sa flamme à son groupe fétiche. Le show se conclut de manière prématurée, malgré un concert ardent, beau et maîtrisé. Dommage pour un groupe de cette ampleur de ne pas plus tirer profit de son excellente discographie.

Les Arctic Monkeys ont définitivement franchi un nouveau cap, une fois de plus, et répondu par l'affirmative à la question évoquée plus haut. Ils ont en effet réussi le pari de faire voyager leur public de l'adolescence à l'âge adulte en mêlant ses différentes époques artistiques. Le tout avec une classe qui fait souvent défaut à toutes les formations se produisant dans ce type de salles déraisonnablement grandes. Mais les Arctic Monkeys ne sont pas comme tout le monde et continuent de le prouver depuis bientôt vingt ans. Et encore pour vingt ans de plus ?
setlist
    INHALER
    Just To Keep You Satisfied
    These Are The Days
    Dublin In Ecstasy
    The Things I Do
    Who's Your Money On? (Plastic House)
    Love Will Get You There
    If You're Gonna Break My Heart
    It Won't Always Be Like This
    My Honest Face

    ARCTIC MONKEYS
    Sculptures Of Anything Goes
    Brianstorm
    Snap Out Of It
    Crying Lightning
    Teddy Picker
    The View From The Afternoon
    Four Out Of Five
    Big Ideas
    Why'd You Only Call Me When You're High?
    Arabella
    Pretty Visitors
    Suck It and See
    Fluorescent Adolescent
    Do I Wanna Know?
    There'd Better Be A Mirrorball
    Star Treatment
    505
    Body Paint
    ---
    I Wanna Be Yours (John Cooper Clarke cover)
    I Bet You Look Good On The Dancefloor
    R U Mine?
photos du concert
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