Difficile de se contenter d'un seul concert s'agissant d'une tournée de New Order, surtout lorsque nous goûtons lors du passage parisien à une excellente cuvée, construite autour d'une setlist « menu Best Of », agrémentée d'une rareté ou deux par soirée et surtout avec un Bernard Sumner au mieux de sa forme, c'est-à-dire sans ronchonner face au public. Quittant le Zénith de Paris comblée mais avec le sentiment de rester légèrement sur sa faim, votre chroniqueuse se décide alors à traverser de nouveau la Manche pour rajouter une date anglaise à sa liste afin de vérifier si le titre de « National Treasure » que le groupe porte depuis quatre décennies se vérifie sur ses terres.
Retour donc à Leeds après un petit passage estival pour le concert d'un autre mancunien tout aussi ronchon qui ne nous avait pas déçus non plus. Avec ce show qui sera ce soir le final de cette mini tournée européenne et britannique, il semblerait que cela soit une mise en jambe pour Barney et ses camarades à la vue des quelques dates américaines qui s'enchainent et d'un tweet de Phil Cunningham à propos d'une venue à Manchester qui, selon lui, « se fera ». En attendant, nous rejoignons la First Direct Arena et ses allures d'amphithéâtre bétonné pour retrouver New Order et le public anglais dont on soupçonne qu'une bonne partie a parcouru la quarantaine de miles qui la sépare de Manchester pour encourager ses champions. Comme à l'accoutumée avec nos voisins, les fans se présentent tous vêtus de nombreux tee-shirts aux couleurs du groupe tout en restant sagement agglutinés aux différents bars le temps que les australiens de Confidence Man tentent de chauffer la salle. Un petit échec comme sur toutes les autres dates britanniques, et l'on se félicite alors d'avoir eu les honneurs d'un court mais agréable DJ set délivré par Mark Reeder à Paris.

Bien que privilégié en se tenant au Zénith face à ces énormes temples du divertissement, le show français s'est vu privé de ce qui est dorénavant la touche New Order : le jeu de lasers venant mettre en exergue les morceaux les plus dansants. Nous découvrons donc ce soir en grande pompe la mise en scène saisissante qui donne au concert des airs de gigantesque boîte de nuit futuriste.
Avec une setlist constituée à 100% de classiques, aucun des gros succès ne manque à l'appel.
Crystal débute fidèlement le concert, suivi d'un va et vient entre années 2000 et le golden age des années 80 jusqu'à la version remaniée d'
Isolation de Joy Division dont l'interprétation électronisée et amplifiée la rend quasi méconnaissable, pour la plus grande joie de Barney qui semble prendre un grand plaisir derrière sa guitare à ce moment précis. Point de rareté sortie de la malle ce soir mais l'arrivée très attendue de
The Perfect Kiss qui manquait cruellement depuis ces quelques semaines venant compléter le bloc des méga hits, bien que l'absence de
Everything's Gone Green se fasse toujours sentir. Nous avons donc frôlé le sans-faute.
Quant à nos cinq musiciens, ils restent fidèles à eux même : Phil Cunningham et Tom Chapman inondent le public de sourires et viennent chercher son approbation au plus près du bord de scène, en retrait l'imperturbable Gillian Gilbert et Stephen Morris qui continue de nous épater avec sa cadence de mitrailleuse aux fûts, Monsieur ne collectionne pas les chars militaires pour rien. Bernard Sumner, quant à lui, viendra à quelques reprises chatouiller le public avec des petites bribes d'humour légèrement pisse-vinaigre tel le véritable mancunien qu'il est, ce qui ne l'empêchera pas de se rapprocher de plus en plus du premier rang microphone tendu pour capter les acclamations qui surgissent de cet harmonieux chaos, le comblant au plus haut point mais tout en retenue, le sourire à la Barney étant toujours dissimulé à l'intérieur.

C'est dès le milieu de set que sont actionnés les fameux lasers qui nous ont fait défaut à Paris. C'est une orgie visuelle et sonore qui prend alors place où la frénésie des spectateurs se démultiplie sous l'avalanche de hits allant de
Bizarre Love Triangle jusqu'à
Temptation qui voit l'intégralité de la fosse bondir en parfaite harmonie au rythme des "Up, Down, Turn Around !" tout en assurant tant bien que mal les chœurs.
La fureur s'apaise enfin et c'est dans une torpeur presque méditative que la trilogie dédiée à Joy Division débute en guise de rappel.
Atmosphere,
Transmission et
Love Will Tear Us Apart clôturent le concert et l'émotion reste la même quel que soit le pays à la vue du regard glaçant de Ian Curtis alors projeté sur l'écran géant suivi du mantra cher à tous les présents : Forever Joy Division. Le lien Joy Division-New Order n'a jamais été aussi fort malgré les dissensions et l'on peut compter sur les fans pour trouver leur compte chez tous les porteurs de ce fabuleux héritage musical.
Un concert de New Order où l'on rendra hommage au public anglais qui sait porter aux nues ses héros devenus légendes malgré eux et dont la communité ne cesse de se renouveler génération après génération. Un succès mondial qui semble encore étonner un Bernard Sumner aux airs toujours aussi désinvoltes et au chant toujours aussi faux. Comme défini très justement par un des fidèles lecteurs de Sound Of Violence, grand amateur des mancuniens, New Order reste le groupe éternellement amateur depuis plus de quarante ans, pour notre plus grand bonheur.