Retour à Boulogne-Billancourt, toujours par la ligne 9 mais sans fans de football dans le métro pour la seconde soirée du BBMIX Festival, qui propose ce samedi de lever le pied s'agissant des beats et autres rythmes funky pour laisser place à la féérie toute en électronique de
R.AGGS, la pop bucolique de
La Féline et la majestuosité dépouillée d'
Arab Strap grâce à leur version « undressed » de
Philophobia.

Ces derniers semblent avoir attiré un peu plus de monde avec cette promesse d'une nouvelle interprétation de leur chef d'œuvre de 1998, le public se déployant un peu plus dans le vaste amphithéâtre. A 20h pétantes, la soirée débute et nous accueillons alors
R.AGGS alias Ray Aggs de son véritable nom, jeune multi-instrumentiste originaire de Glasgow œuvrant dans différentes formations telles Trash Kit et Shopping. Ce soir, c'est en solo armée d'une boîte à rythmes, d'un violon et d'une guitare que R.AGGS, tout en sourire et décontraction, viendra durant une petite demi-heure nous proposer une musique dynamique, porteuse de messages pour la cause des femmes (on apprécie le sticker « Fuck Macho Bullshit Forever » qui trône fièrement devant elle sur scène), la communauté LGBTQiA2+ et plus largement pour les populations en souffrance, avec lesquelles la jeune musicienne nous invite à partager leur peine afin de ne pas les oublier. Mais point d'accablement, la bonne humeur de R.AGGS est communicative et malgré quelques loupés dus à des branchements défaillants, la jeune femme nous fait passer une première partie de soirées des plus agréables.

La suite se fait avec le groupe
La Féline. Les français nous proposent une pop plutôt intellectuelle, munie de textes vaporeux, susurrés par leur chanteuse-bassiste l'autrice, compositrice et philosophe Agnès Gayraud. Cet univers assez lunaire n'est pas désagréable mais ne décolle jamais, et les très nombreux textes du groupe dédié à son amour de la ville de Tarbes (ses quartiers, ses montagnes, sa place Verdun et son ennemie jurée Jeanne d'Albret, mère d'Henri IV qui y a fait brûler une cathédrale garnie d'habitants, probablement lors d'une soirée où elle manquait de distraction) ennuient plus qu'ils ne divertissent. Vous noterez que la leçon a tout de même bien été retenue, et tout cela sans subir un énième roman de gare signé Lorànt Deutch.

Place est enfin faite à la tête d'affiche de ces deux journées qu'est
Arab Strap, en tournée pour célébrer les 25 ans de
Philophobia, second album qui a fait exploser le groupe sur la scène indie britannique et qui s'est vu à l'époque classé 17ème dans le top annuel du NME, ce qui n'est pas rien tant le journal anglais aime à dresser des listes interminables. Après un hiatus de dix années qui vit Aidan Moffat et Malcom Middleton de retour en 2016, la présence du duo écossais a continué de se faire rare sur nos terres. Grâce à la sortie en 2021 de
As Days Get Dark, nouvelle pépite aussi sombre que délicieuse, Arab Strap semblent avoir repris un rythme de croisière s'agissant des tournées en nous faisant les honneurs de leur retour l'an dernier dans un Trabendo loin d'être complet mais dont les présents nous chantent encore les louanges.
Ainsi, pour se et nous faire plaisir, Aidan Moffat et Malcom Middleton se sont embarqués dans une tournée intimiste, dépouillant volontairement leur album pour se présenter à nous en duo, Aidan armé d'un tom basse, d'une cymbale et de la sacro-sainte boite à rythme, emblématique du son Arab Strap, et Malcom d'une guitare électrique et d'une basse.
Situé de part et d'autre de la grande scène nue, dans la semi-pénombre, le duo arrive discrètement, Aidan nous saluant très brièvement avant de débuter l'interprétation de
Philophobia. C'est seulement au bout de trois titres que ce dernier prendra quelques minutes pour remercier les présents et présenter son initiative. Ravi de nous voir tous confortablement assis dans cette salle qui se prête idéalement à cet album, loin d'être leur plus gai selon ses propre mots, le musicien tout en barbe blanche et chemise noire réussira à donner encore plus de prestige et de profondeur à ce disque qui a bercé pour la plupart d'entre nous nos jeunes années, nous immergeant dans sa douce mélancolie, élevant sur un piédestal cet art du slowcore qui a rendu le spleen si tendance en cette fin de XXème siècle déjà fortement tourmentée.

Sans aucun discours superflu, les morceaux s'enchaînent tout en nous berçant par leur interprétation encore plus à nue que sur l'album. La voix de Moffat continue de nous prendre aux tripes, sa prestance nous intimide presque et c'est un caractère messianique que prend cette soirée tant les spectateurs semblent littéralement hypnotisés. La rythmique ici ralentie et tout en écho apporte aux titres une couche supplémentaire de beauté glacée, le chant sensuel et caverneux de Moffat qui se bonifie d'année en année terminant de parfaire le statut de culte de cet album, incontournable des discothèques des génération X et Y (fortement représentées dans la salle ce soir).
Le set se termine avec en rappel
The Turning Of Our Bones et
Fable Of The Urban Fox, issus de
As Days Get Dark, nous rappelant que le groupe est de nouveau bien actif, avant le retour de
The Shy Retirer, qui continue de clôturer les concerts d'Arab Strap de la meilleure des façons.
S'éclipsant aussi vite qu'ils sont arrivés, les écossais prennent quand même le temps de nous annoncer la sortie d'un nouvel album pour l'an prochain et de nous donner à nouveau rendez-vous à cette occasion. Une occasion qu'on ne manquerait pour rien au monde, la magie envoûtante d'Arab Strap continuant d'opérer après toutes ces années.