Après la parution de son cinquième album, le remarquable
Iechyd Da, Bill Ryder-Jones se lance enfin dans une tournée. L'emploi du mot "enfin" est d'autant plus pertinent, car lors d'une interview à la fin de l'année précédente, l'artiste anglais avait expliqué qu'il ne partait pas en tournée. Il se contentait de quelques concerts, souvent en solo, sans réellement s'engager dans une série de concerts à part entière. Cependant, cette fois-ci, après quelques dates au Royaume-Uni, l'ancien membre de The Coral a décidé de franchir le pas et de traverser l'Europe, marquant une étape unique en France à la Maroquinerie de Paris.

II fait un vent glacial ce soir-là et malgré un concert complet depuis des semaines, la salle n'est pas encore bondée lorsque
Pet Snake prend place sur scène pour le démarrage de la soirée. Pet Snake, projet solo d'Evelyn Halls (Clean Cut Kid), a rejoint Bill Ryder-Jones pour la tournée. Se tenant seule avec sa guitare électrique, elle offre des chansons teintées de mélancolie, abordant des thèmes tels que le café ou les histoires familiales, comme dans
Still doing the same, où elle rend hommage à son père. Bien que légèrement tendue en début de set, Evelyn se détend rapidement grâce à un public encourageant et curieux de découvrir cette artiste méconnue dans notre pays. Les trente minutes qui lui sont accordées lui permettent de présenter six compositions à l'audience et de marquer avec un certain succès son premier passage en France.

Une fois la première partie terminée, la salle se remplit rapidement pour atteindre sa capacité maximale. L'excitation est palpable, et l'attente d'une demi-heure avant l'arrivée du Liverpuldien semble interminable, bien que les morceaux de Belle And Sebastian ou Bonnie "Prince" Billy, parmi d'autres, diffusés dans la salle, contribuent à divertir l'audience. Vers 21 heures, les lumières s'éteignent enfin, et la mélodie de Jake Thackray,
Lah-Di-Dah, résonne dans la Maroquinerie alors que le groupe investit la scène. Vêtu d'une chemise à carreaux ample, portée avec nonchalance,
Bill Ryder-Jones affiche un sourire radieux. Il lance plusieurs fois un joyeux "Iechyd Da" au public, qui lui répond avec enthousiasme. La première surprise de la soirée réside dans la composition du groupe : outre Bill à la guitare et au chant, deux guitaristes, dont Liam Power de By The Sea, un bassiste, un batteur, un claviériste et Evelyn Halls, au violoncelle, complètent la formation ! Personne ne s'attendait à une telle richesse musicale pour ce concert.
Le bal s'ouvre avec
I Hold Something In My Hand. Le son est impeccable, les instruments fusionnent à merveille, et même si Bill oublie quelques paroles - probablement à cause d'un verre de trop comme il le mentionnera -, le public est instantanément conquis. Les compositions de
Iechyd Da sont à l'honneur en ce début de concert. Le groupe enchaîne avec
Christinha, puis livre une version fabuleuse de
If Tomorrow Starts Without Me, sublimée par le violoncelle. Malgré l'émotion suscitée par les chansons, Bill Ryder-Jones garde son flegme, plaisantant avec le public de la Maroquinerie.
Après une entame dédiée aux morceaux de son dernier album, l'Anglais enchaîne avec des blocs de chansons tirées de ses précédents disques. Tout d'abord, il revisite
A Bad Wind Blows In My Heart, en extrayant quatre passages, dont
A Bad Wind Blows In My Heart, Part 2 et l'émouvante
Anthony & Owen, qui devient l'un des moments les plus poignants du concert. Malgré l'aveu de Bill Ryder-Jones selon lequel il oublie chaque soir qu'il doit jouer
Wild Swans, la chanson est interprétée avec brio, introduisant parfaitement la suite du concert avec une énergie punchy. En effet,
West Kirby County Primary se retrouve à l'honneur avec
Wild Roses et la puissante
Daniel, dédiée à son frère aîné décédé durant son enfance, apportant une profonde émotion dans la salle avec sa mélancolie et son énergie électrique. Le Britannique prend ensuite un moment pour exprimer sa gratitude envers l'équipe de Domino Records en France pour tout le travail accompli au fil des années. Puis, il se retrouve seul sur scène, son groupe prenant une pause en coulisse, pour des interprétations somptueuses en acoustique de
The Lemon Tree #3, suivi de
Seabirds.

De nouveau réuni avec ses musiciens, une bande diffuse la voix envoûtante de la chanteuse brésilienne Gal Costa, puis le groupe entame une magnifique interprétation de
I Know That It's Like This (Baby), dont le final se résume à un échange délicat entre le clavier, la guitare et la voix de Bill. Vient ensuite la superbe
A Bad Wind Blows In My Heart, Part 3, sublimée par les notes envoûtantes du violoncelle. Alors que les minutes s'écoulent et que le concert touche déjà à sa fin, Bill poursuit ses plaisanteries, demandant notamment à l'audience si quelqu'un a déjà visité Berlin, car il trouve cette ville merdique.
Two To Birkenhead, avec sa rage électrique déchaînée, s'affiche comme l'un des moments les plus percutants du concert. Avant de conclure, Bill Ryder-Jones présente ses musiciens avec humour, s'annonçant lui-même comme William Shatner, avant d'entamer le fameux
This Can't Go On. Le concert se termine sur cette note, sans rappel, laissant le public conquis et terriblement désireux de prolonger cette expérience musicale.
Après cette performance, nous sortons à la fois heureux et profondément émus par l'expérience musicale que Bill Ryder-Jones et sa formation nous ont offerte. Superbe et maîtrisée de bout en bout, l'heure et demie passée sur scène nous a semblé incroyablement courte tant nous avons pris du plaisir à vivre ce moment précieux. On espère avoir la chance de revoir cet artiste charismatique accompagné par ce groupe pour une nouvelle expérience musicale chargée d'émotions.