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Bill Ryder-Jones

Interview publiée par Xavier Ridel le 12 novembre 2015

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Boudé par les médias, Bill Ryder Jones avait pourtant surpris son monde en sortant A Bad Wind Blows In My Heart. C'est peu avant la sortie de son deuxième effort en solo, West Kirby County Primary, que nous rencontrons le jeune musicien. Pull troué, cheveux dans les yeux et bâillements à répétition : l'anglais semble sortir d'une longue et difficile nuit. Qu'importe, la fatigue n'empêchera pas le chanteur britannique, bien loin de toute sorte de posture, de se livrer à nous.

Pourquoi as-tu commencé à jouer de la musique en solo ?

J'avais besoin de me retrouver seul avec moi-même après les Coral. Cette expérience s'est assez bien terminée, mais j'avais beaucoup d'idées de chansons, et peut-être ne me sentais-je pas assez libre au sein d'un groupe. Aussi me suis-je mis à enregistrer tout seul dans ma chambre, sans forcément me dire que mes chansons allaient être publiées un jour, d'ailleurs. Puis j'ai envoyé mon premier album à Domino Records, qui l'a ensuite édité.

Comment as-tu géré le passage du statut de guitariste dans un groupe de rock à celui de d'un artiste solo, sous les projecteurs ?

Je n'ai pas réellement eu à le faire en fait. Quand j'ai quitté le groupe, je n'avais pas dans l'idée de devenir un artiste solo. Je souhaitais juste être tranquille, faire de la musique instrumentale dans mon coin. D'ailleurs, mon tout premier album était une sorte de Bande Origianel, tout était instrumental. Ce n'est qu'ensuite que ça a changé, lentement, et que j'ai commencé à enregistrer de vraies chansons, sous mon nom. C'est arrivé par accident, en quelque sorte.

Je me considère comme un musicien, avant tout. Pas comme un chanteur, ni comme un songwriter.

Était-ce une bonne expérience que d'écrire de la musique instrumentale ? Qu'est-ce que cela t'a apporté ?

Et bien, je me considère comme un musicien, avant tout. Pas comme un chanteur, ni comme un songwriter. Je ne voulais pas chanter devant des gens, chose qui est à mon avis assez horrible. Il fallait donc que je fasse d'abord de la musique instrumentale.

Tu sais donc écrire une partition ?

J'ai commencé la musique à six ou sept ans, et ai fait quelques années de solfège, donc oui.

Tu retranscris donc tes chansons ?

Non, enfin, je trouve ça beaucoup trop long à faire. Je l'ai fait pour quelques unes, mais en général, je préfère écrire sur mon ordinateur les accords, les paroles, et caetera. Je sais écrire la musique, mais je ne suis pas bon à ça, si on me le demande je peux le faire, mais c'est si long... (rires)


Tu penses écrire de nouvelles pièces instrumentales un jour ?

Oui, bien sûr ! Je le fais d'ailleurs de temps en temps. Je réarrange quelques chansons pour d'autres musiciens, ou pour des expositions, j'adore ça. Ces titres ne restent pas gravés, ils disparaissent, je trouve ça très joli, ils n'existent pas et s'évaporent dans le monde.

Tes deux albums traitent beaucoup de l'enfance, de la nostalgie et de la ville de West Kirby. Pourquoi ? Vis-tu toujours là-bas ?

Je pense être quelqu'un d'assez nostalgique, tout d'abord, notamment à propos de cette part de ma vie qui était l'enfance. Ensuite, je vis toujours à West Kirby, j'ai un petit studio chez ma mère dans lequel je passe le plus clair de mon temps. Je ne peux pas écrire sur des choses qui ne m'importent pas, sans doute ne suis-je pas un assez bon écrivain pour le faire. Et puis l'Angleterre du Nord m'inspire beaucoup, le village d'où je viens est tout petit, très calme...

J'ai vu quelques photos sur internet oui, c'est au bord de la mer ?

Tout à fait. Le temps est très lent, là-bas, c'est presque comme Twin Peaks (rires). Il y a des tas de personnages, qui semblent très normaux, mais qui ont tous une histoire bien particulière. C'est un endroit assez étrange, en fait, en dehors de toute temporalité.

J'ai tout enregistré moi-même, à quelques exceptions près.

Pourquoi avoir décidé de retravailler avec un groupe sur cet album ? Était-ce une bonne expérience ?

Je n'ai pas fait jouer le groupe sur West Kirby County Primary, j'ai tout enregistré moi-même, à quelques exceptions près. Mais sur cet album, j'ai voulu jouer sur un côté un peu plus électrique. Mon premier étant très calme, contemplatif, je voulais que celui-ci soit plus dur. Et très vite, j'ai ainsi développé un amour pour la distorsion, les batteries un peu plus lourdes, ce genre de choses. Et pour les concerts, je pense me faire plus plaisir, avec ces chansons plus énergiques.

Ta voix me rappelle parfois celle de Mark Oliver Everett de Eels ou Julian Casablancas, mais peut-être est-ce dû au traitement de la voix, souvent noyée dans la distorsion. As-tu travaillé pour chanter d'une manière différente ?

J'adore Julian Casablancas. Il a une voix très particulière. En conséquence, je ne pense pas que nous soyons comparables, mais je prends ça comme un compliment ! En tous cas, effectivement, James Ford a mis un peu de distorsion sur ma voix, sans doute pour la rendre plus énergique. Je ne sais pas crier, donc il le fallait peut-être...

Quel a été le processus d'écriture de West Kirby County Primary ?

Bizarrement, environ quatre ou cinq titres ont été écrit au tout début de janvier. J'étais dans une bonne période, j'ai écrit de belles chansons à ce moment là. Pendant ces quelques semaines, j'enregistrais des beats ou des parties de guitare la nuit, j'allais au studio la journée, les travaillais, et voilà. J'ai adoré faire ça, c'était vraiment de chouettes moments. Il m'arrive aussi de m'enregistrer avec mon portable, dans la rue, ou d'écrire une note dans mon téléphone, ce genre de choses.

Et comment sais-tu qu'une chanson est terminée ?

Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas du tout... Mais il doit y avoir un moment où ça arrive (il réfléchit). Je ne mets pas beaucoup d'instruments sur mes chansons, quelques guitares, une basse, de la batterie, quelques synthés... Je suppose que je sais que c'est terminé lorsque je me rends compte que ce que j'ajoute rend la chanson moins bonne. Je n'y avais vraiment pas réfléchi en fait, mais je vais le faire (rires).


As-tu des influences littéraires ?

Non, et je n'en ai pas envie. Je lis plutôt beaucoup, mais je n'aime pas m'inspirer d'autres auteurs. Mes chansons portent sur des choses qui m'arrivent, je ne veux pas écrire sur des choses floues, mais sur des situations, des gens que j'ai connus... En fait, je lis quand je n'aime plus la musique, donc je ne me trouve pas dans l'état d'esprit qui est celui de rechercher de l'inspiration. Il en va de même avec le football, le théâtre, ce genre de choses. Tout ça, je m'y plonge quand la musique m'ennuie.

J'aime beaucoup les paroles sur cet album, en particulier celles de Daniel et Satellites. Sont-elles inspirées de faits réels ?

Merci beaucoup ! Chaque chanson dans cet album est inspirée de faits réels. Je suis content que tu t'y sois intéressé, c'est assez rare, et je crois que les gens devraient faire plus attention aux paroles.

Penses-tu collaborer à nouveau avec les Arctic Monkeys dans le futur ?

Je ne sais pas du tout. On n'appelle pas les Arctic Monkeys, le plus grand groupe du monde, en leur demandant de travailler avec eux, en leur disant « Hé les mecs, j'ai une idée, ça vous dirait de passer à la maison ? ». (rires) Ils ont tellement de succès qu'il est aussi très difficile de travailler avec eux sans y être affilié. Je ne pourrais pas vivre ma vie comme Miles Kane, à être dans leurs pas et à voir mon nom toujours accolé au leur... Je ne pourrais pas faire les choses que je fais, mais sans doute suis-je d'un naturel plus introspectif. En tout cas, je le vois bien quand je poste, parfois, quelques photos avec eux sur Instagram. C'est tout de suite l'hystérie, ces gars là obsèdent les gamins du monde entier. Et c'était génial de collaborer avec eux, leurs albums sont excellents mais on n'est plus du même monde, et je suis bien à West Kirby (il sourit). Mais bien sûr, si Alex Turner m'appelait, je n'hésiterais pas et monterais tout de suite dans l'avion.

Tu parlais d'Instagram tout à l'heure. Que penses-tu des réseaux sociaux, de l'image qu'un artiste se doit d'entretenir ?

C'est un mal nécessaire. J'aime bien Instagram, tandis que Twitter... Je n'aime pas ça, et n'y vais d'ailleurs pas souvent. Je vois beaucoup de petits groupes qui ont énormément de followers, et qui pourtant ne font rien. Twitter peut agir comme un piège. Tu es dans la représentation constante, et pas dans l'action. Mais peut-être suis-je trop vieux, j'ai trente ans, après tout. Il y a beaucoup de fois où j'ai eu envie d'envoyer des mails à des gens pour leur dire de vivre une vie réelle. D'un autre coté, il faut garder à l'esprit qu'Internet peut être un outil merveilleux pour la musique. Tout ça peut nous permettre de découvrir des groupes inconnus, venant de tous les coins de la planète. Je crois aussi que la gratuité de la musique est une bonne chose, enfin ceci étant dit, si les gens pouvaient acheter mon album, ça m'arrangerait ! (rires)