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Chalk
Aerial Salad.

Paris, Supersonic - 25 avril 2024

Live-report par Adonis Didier

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"C'est quand qu'on sait que c'est l'été, monsieur ?" me demandait Timothé, alors que la grêle frappait le toit des voitures garées en contrebas, un 20 avril. L'été, mon petit Timmy, c'est quand on arrive au Supersonic et qu'il fait jour ! Mais c'est quoi le Supersonic, monsieur ? Et vous êtes qui, et qu'est-ce que vous faites chez moi ? Des questions qui n'appelaient aucune réponse, venant d'un Timmy qui n'existe que dans ma tête, les yeux vissés vers la Seine, et vers le rayonnant soleil dont la route mène encore une fois à la porte du Supersonic. Une nouvelle soirée They're Gonna Be Big, une nouvelle tête de pont de l'underground Outre-Manche, et d'inattendues découvertes venues d'autres continents, pour une nouvelle édition bien remplie !


Car si c'est pour Chalk que l'on avait coché la soirée dans nos agendas depuis maintenant quelques mois, c'est bien pour smol fish que l'on arrive en avance pour profiter du joli temps. Un petit poisson australien ramenant dans ses écailles la chaleur solaire et humaine du pays des kangourous, dans un set de la douceur et de la bonne ambiance porté par deux chanteuses-bassiste-guitariste adorables et hilarantes, dont la maladresse et la jeunesse timide ne feront que sublimer le talent. On me souffle le souvenir de Peaness à ma gauche, j'y ajoute le rock rêveur et nineties de NewDad, et voici If Only, Sweet Taste ou Big Love, de sublimes et langoureuses mélodies avec juste ce qu'il faut de rock et de nuages à l'intérieur pour faire pleurer un peu de bonheur dans les fissures de nos cœurs fatigués. Cry All The Time nous va si bien qu'on la criera avec le groupe jusqu'à extinction des feux de la grosse boule de gaz au-dessus de nos têtes, jusqu'à ce que les petits poissons quittent finalement la scène, et que se rappelle à nous la faim de l'homme qui aurait mieux fait de manger avant d'aller en concert.


Une faim comblée par l'arrivée de la troupe de maîtres kébabiers connue sous le nom de Kara Delik. Oui, si on dit ça, c'est uniquement parce qu'ils font du post-punk-krautrock germano-anatolien, et que leur chanteur porte si bien la moustache turque. Une blague achetée, une blague offerte, et vous auriez fait la même, alors ne faites pas vos döners de leçons, et concentrez-vous plutôt sur la transcendance des riffs de saz électrique de Barish Öner, les frappes en 5/4 et la voix dure et claquante d'Eilis Frawley, les graves industriels d'Andi Sommer, dans un tout aussi berlinois que stambouliote, entre mosaïques psychédéliques et résonances de tôles ondulées. Une virée en Erasmus à la fois dansante, envoûtante, quelque peu droguée, ponctuée des regards de braise et du déhanché de Barish le frontman, claquant ses solos de saz comme Jean Dujardin en Egypte, dans un hangar tenu par des punks allemands sous crack vociférant l'un sur l'autre dans un canon illogiquement fonctionnel. Si vous avez compris un broc de tout ce qui vient de se dire, tant mieux pour vous, sinon retenez juste que Kara Delik, c'est Slap Rash croisé avec Kerala Dust, ou encore Squid croisé avec Altin Gün, en fonction des groupes que vous préférez.


Yo yo yo ! Check check check ! Oui, pardon, que se passe-t-il ? Yo yo yo ! Check check check ! Hum, mais encore ? Bref, c'était Aerial Salad. au Supersonic, trio ultra bourrin de punk bas du front qui va vite, du post-punk, du pop-punk, pas le temps de réfléchir, faut que ça bouge et que ça hurle, et pika pika fait le pikachu avec trop de sucre et de café dans le sang. Un concert passablement pénible sur sa première moitié, auquel on rajoutera d'être entassé de manière insupportable et d'avoir trop chaud, mais qui deviendra enfin sympathique à partir du salvateur ralentissement de rythme de As The World Eats Itself Again. Un ralentissement seulement dans le rythme mais pas dans la violence, qui permet de déclencher discrètement un premier pogo pour se faire un peu de place, et donner l'idée à d'autres de faire de même. C'est parti pour trois dernières chansons enfin construites sur autre chose que des hurlements, et le début de la mêlée sanguinaire qui marquera la fin de la soirée. Et alors que Telekon Five s'éteint dans un larsen strident, une seule pensée occupe désormais les esprits enfiévrés : Chalk.


Sans conteste le point d'orgue de la soirée, pour lequel notre Franck Narquin national aura fait quarante minutes de vélo pour voir une moitié du concert depuis la queue à l'extérieur, concert commencé tout en douceur, dans un calme inquiétant rempli de bruits électroniques et d‘attente fébrile. Une atmosphère en noir et blanc dans laquelle s'avance Ross Cullen et son col roulé, la main levée, l'air ténébreux greffé au corps et qui, d'un souffle, d'un cri, déclenche la tempête sous le crâne du Supersonic. Un ouragan balançant les hommes les uns contre les autres, projetant du noise-rock contre de la techno-rave, portant aux nues d'une vision mystique périodiquement découpée par la lumière un mec avec un col roulé. Le pogo est stupide, acharné, les coups sur la peau tendue éclatent contre les murs comme les corps s'entrechoquent, et devant la mer déchaînée le trio de Belfast reste égal à lui-même : mystique, arty, vivant son concert comme une performance aussi visuelle que sonore, jusqu'à extinction des feux à peine la demi-heure passée.
A ce qu'il paraît pour en garder sous le coude, avec dans l'idée de revenir jouer dans la capitale à la rentrée (et bien malin qui saura dire où), mais on restera tout de même sur notre faim d'en avoir vu tant et si peu, dans un concert en forme de teasing de l'immense groupe que le nord de l'Irlande s'apprête encore une fois à sortir.

Mais de cette soirée on retiendra aussi les australiennes beaucoup trop mim's de smol fish, qui nous font dire que les australiens à la base sont quand même très anglais, ainsi que le melting-pot particulièrement réussi de la musique de Kara Delik, en espérant qu'ils ne nous en voudront pas trop pour les blagues vaseuses. Quant à Aerial Salad., je me contenterai de reprendre ma conclusion du mois précédent concernant Heavy Lungs : « Si vous allez voir Aerial Salad., faites-le pour la baston, faites-le pour oublier que la vie c'est de la merde et que les gens sont tous des cons, faites-le pour remplacer ce sport que vous n'avez jamais le temps de faire, mais surtout, surtout, par pitié... ne le faites pas pour la musique, vous risqueriez d'être déçu ! ».
setlist
    AERIAL SALAD.
    New
    All Yer Dreamin'
    The Same 24 Hours (As Beyoncé)
    Chances
    Tied To Pieces Of Paper
    Big Business
    As The World Eats Itself Again
    Rottin' n Shakin'
    They All Lied To Me
    Telekon Five

    CHALK
    Non Disponible
photos du concert
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