Notre histoire avec Declan McKenna a débuté en février 2017, dans un Point Ephémère à Paris pas tout à fait plein pour accueillir les mignons Blossoms, alors en plein boom avec leur premier album. En première partie, se présenta à nous un petit bonhomme tout juste majeur, vêtu d'une salopette bleue digne de Tom Sawyer (celui du dessin animé japonais qui passait sur Récré A2, salut à tous les enfants des années 80 qui nous lisent !), encore un peu gauche mais dont on sentait dès les premier titres un talent immense qui ne demandait qu'à s'exprimer. Une première rencontre avec le jeune Declan McKenna, à quelques mois de la sortie de son premier album, et pour votre chroniqueuse alors au boulot pour la concurrence une conclusion à son papier digne d'une de ses plus fines prédictions à la Madame Soleil : le jeune Declan allait rapidement faire parler de lui et ce de façon exponentielle dans les années à venir. Son sixième sens lui donna raison quand le phénomène Declan McKenna explosa en plein ciel lors de la sortie de
What Do You Think About The Car fin 2017, alors sur l'autoroute du succès car encensé par les radios et la presse britanniques, et rapidement présent dans tous les plus grands festivals anglais.
A partir de ce moment, c'est à un public massif que Declan McKenna s'est adressé. Terminé le jeune lad à guitare folk sur les petites scènes intimistes, avec la sortie de
Zeros en 2020 et son look glam rock assumé, Declan s'est mué en idole pop à l'image de son excellent disque aux références très 70s, et a continué de gravir les marches de la gloire en attirant à lui tout un public adolescent, créant ainsi dans les salles où il se produisait un joli melting pot générationnel. Le concert parisien de l'Elysée Montmartre de 2022, initialement prévu à la Boule Noire puis au Trabendo, termina de nous convaincre sur le devenir de la jeune pousse anglaise : Declan McKenna s’imposait à à peine vingt-et-un ans comme un musicien et songwriter de poids.
Le retour dans les bacs en février dernier avec son troisième album
What Happenned To The Beach? a amorcé pour 2024 un nouveau virage. Ce disque plus expérimental, aux contours un peu flous, a eu le mérite de semer le doute dans notre esprit : le petit génie allait-il brûler sa lampe avec un album de transition trop précoce ? La venue de Declan McKenna à la Maison de la Radio et de la Musique en tout début d'année pour un set acoustique des plus sages semblait nous annoncer qu'un cap allait être franchi. Il fallait donc s'en assurer avec le nouveau concert parisien, cette fois-ci à la Cigale. Pleine comme une gare de Chatelet les Halles aux heures de pointe, la salle se voit littéralement envahie par une masse imposante de fans en majorité jeune et de profil TikTokeur, certains encore affublés des paillettes du concert de 2022, d'autres fièrement armés d'un pass VIP lié à la plateforme de streaming made in France leur permettant de passer dans une queue spécifique, avec cependant disséminé de-ci de-là quelques fans plus âgés, mais un peu plus en retrait dans la file d'attente.

Une fois les portes ouvertes et la fosse très rapidement remplie, il est donc temps de s'installer au premier balcon pour assister à la première partie assurée ce soir par
Soft Launch. Groupe inconnu dans nos tablettes encore quelques minutes avant le show, on découvre par la suite que le quintet irlando-londonien, détenteur à ce jour d'un single disponible depuis un mois intitulé
Cartweels, est un petit protégé de Declan lui-même, ce dernier l'ayant « lancé » lors de sa présence en studio sur la BBC Radio 1. Les heureux filleuls sont Josh McClorey, Conor Price, Benedict Quinn, Henry Pearce et Limmer (batteur sans nom de famille apparemment) et nous proposent une pop délicieusement baignée dans les influences aux milles harmonies des Beach Boys, en passant par les effluves psyché cool de Tame Impala première époque. En rang d'oignons pour quatre d'entre eux, les garçons se partagent ainsi les micros, guitares, basse et clavier, et nous régalent de morceaux où les voix en canons alliées aux mélodies catchy font merveille. C'est un répertoire qui nous est totalement inconnu qui réussit à rapidement nous séduire, et on apprécie la très bonne maîtrise d'une pop vintage par de si jeunes musiciens. Surpris de constater que certains titres sont déjà repris en cœur par quelques présents, on découvrira rapidement que « l'effet Declan » a fait son oeuvre et qu'une grande partie de ses admirateurs a suivi à la lettre ses recommandations en prêtant attentivement l'oreille à leur travail. Signés depuis chez Parlophone, on souhaite à Soft Launch une belle mise en orbite, tout en espérant qu'ils ne glissent pas trop rapidement vers le côté obscur de la pop mainstream, leur potentiel étant réel mais leurs petites gueules d'anges pouvant également les classer rapidement dans une catégorie dont il est difficile de s'extirper par la suite.

Entre deux sets, la playlist fait honneur à Britney Spears qui, rassurez-vous, ne souffre que de la cheville (minute Voici pour les plus anciens, Brut pour les plus jeunes). La fosse est maintenant comble, la scène se revêt d'un décor en papier mâché simulant comme des montagnes enneigées, les photographes se tassent dans le minuscule crash et votre chroniqueuse réalise qu'elle seule peut apprécier la référence de son tee-shirt aux Charlatans, tous ses collègues ce soir n'étant pas ou à peine nés lors de l'apogée du groupe de Tim Burgess.
Mais c'est aussi un sentiment de fierté que de continuer à assister à l'évolution de
Declan McKenna, et cette nouvelle soirée va le confirmer. L'anglais arrive accompagné de cinq musiciens dont sa camarade des premiers jours, Isabel Torres. Derrière eux nous retrouvons trois des membres de Soft Launch comme backing band. Sur une scène tout en blanc, oscillant entre pénombre et éclairages vifs, Declan McKenna va assurer une heure et quarante minutes de show, avec une énergie débordante, ne cessant de chanter, jouer et danser tout en simultané. Pas de tenue excentrique ce soir, mais plutôt un look bohème à la Saint-Germain-des-Prés avec veste en lin claire et petit foulard en soie, qui d'une certaine façon rend hommage à la maturité qu'à acquise Declan en tant qu'artiste depuis ses débuts.
Le dernier album est joué dans sa quasi-intégralité. On retrouve les titres les plus énigmatiques proposés de façon plus adaptée au live, ici très amplifiés par les deux guitares, le meilleur exemple étant
I Write The News et
It's An Act, où leur côté expérimental sur disque se voit remplacé par une guitare hyper punchy pour l'un et un piano sobre pour l'autre. On retrouve en un bloc les meilleurs titres que sont
WOBBLE,
Breath Of Light,
Elevator Hum et
Mulholland's Dinner And Wine, ce dernier perdant un peu son accent funky mais transformant néanmoins la fosse en dancefloor bondissant.
Zeros reste honorablement représenté avec ses singles comme l'excellent
Beautiful Faces,
The Key To Life On Earth et
You Better Believe!!!, morceaux permettant à Declan de se lancer dans des danses aussi approximatives que délicieuses, nous donnant nous même du haut de notre perchoir des envies de se dandiner. Une place de choix est faite au génial début album
What Do You Think About The Car et son défilé de tubes addictifs tels
Make Me Your Queen,
Isombard qui devient avec le temps de plus en plus élégant, ainsi que les hymnes
Brazil et
Paracetamol, incontournables du répertoire du jeune anglais. Declan interprète ensuite en guise de rappel un
Mystery Planet digne d'un jeune Paul McCartney, et ainsi finit d'enfoncer le clou sur
British Bombs, sur lequel la salle explosera littéralement à son écoute, Declan se prêtant alors au jeu de la rock star en s'armant de son foulard comme d'un bandeau à la Rambo et se projetant vers la crash-barrière pour venir toucher son public à grand renfort de high-fives.
Le concert s'achève avec un Declan McKenna heureux, sourire vissé au lèvres, reconnaissant envers ses fans de continuer à le suivre dans ses pérégrinations, aussi excentriques et audacieuses soient-elles. Nous avons encore eu ce soir la démonstration que ce dernier se pose en solide auteur compositeur, fier défenseur d'une pop à l'anglaise qui renoue grâce à lui avec ses plus belles heures. C'est alors qu'on se demande comment évoluera ce personnage : nous avons face à nous un jeune musicien prodige, qu'on ne peut qualifier ni de beau gosse ni de « Liam Gallagher », probablement encore en pleine mutation, face à un public massivement adolescent qui peut vous remplir en un clin d'œil des arénas entières. Qu'en sera-t-il de son intégrité artistique face à cette incroyable popularité ? Avec son don naturel pour la pop gracieuse et feelgood, son esprit fertile et sa bonne humeur hyper communicative, Declan McKenna s'impose quoi qu'il arrive comme un musicien majeur de la scène pop anglaise et on ne peut qu'attendre avec impatience de continuer à être témoin de son succès, à n'en pas douter ascensionnel.