logo SOV

Fat White Family

Tourcoing, Grand Mix - 3 juillet 2024

Live-report par Laetitia Mavrel

Bookmark and Share
Nous nous étions séparés à la suite de la soirée ARTE Concert Présente Ground Countrol sur l'impression que cette troisième rencontre avec Fat White Family depuis le lancement de Forgiveness Is Yours ne suffirait pas à étancher notre soif. Pire que cela, c'est tous les symptômes d'une addiction qui se faisaient alors ressentir : démangeaisons, bouffées de stress, insomnies, perte d'appétit et l'écoute inlassable du dernier disque qui nous a vu nous faire bannir de la salle de conférence de la rédaction à grand renfort de lancer de chaises et de menaces intentant à notre intégrité physique. C'est donc logiquement que le besoin d'assouvir notre vice une énième fois nous a guidé vers les Hauts-de-France afin de goûter à nouveau au souffre que dégage notre famille préférée sur scène, précisément au Grand Mix de Tourcoing.

Cela faisait vingt et un an que votre rédactrice n'avait pas remis les pieds dans la salle qui depuis a refait peau neuve et dont l'accueil chaleureux demeure sans commune mesure. Dans la dernière ligne droite de leur tournée marathonienne, Lias Saoudi et ses comparses (exception faite d'Adam J Harmer qui a rejoint sa seconde famille, Warmduscher, pour se produire à Londres en première partie d'Arcade Fire), à la suite d'une prestation épique à Glastonbury, atterrissent en douceur avec un retour en France dans des salles plus intimistes, pour clôturer le tout dans un festival Beauregard trouvant tout de même encore un peu de place au rock dans sa programmation dorénavant aux antipodes de nos habitudes de vieux routards de la six cordes.


Dans une salle pas tout à fait pleine mais garnie de fidèles, on découvre sur scène un Lias qui de la gaine est passé au shorty toujours couleur pêche, avec maintenant comme tradition de garnir son entrejambe d'objets insolites dont le jeu pour les fins observateurs est de deviner ce qui s'y cache. Le set est dorénavant rodé, et malgré un membre de moins sur scène, ce dernier ne perd rien de son incandescence et de sa folie furieuse. Cependant, c'est bien face à un public plus sur la réserve que Lias Saoudi doit se révéler encore plus fiévreux et incontrôlable, le défi étant de ramener à lui les brebis égarées et surtout de ne plus céder à la colère, comme cela avait été le cas en 2015 lorsque le groupe, pour des raisons qui nous restent encore obscures (bien qu'avec quelques soupçons sur l'état pas vraiment frais des membres à ce moment), avait quitté la scène au bout de vingt minutes, sans un mot, pour ne jamais y revenir.
Les spectateurs nordistes ont semble-t-il pardonné aux anglais, et malgré le fait que l'ambiance n'atteindra jamais le degré volcanique des fosses observées à Paris ou à Angers, le public répond bien présent tout en laissant Lias redoubler d'efforts : les allers et retours dans la fosse se multiplient en comparaison d'avec la Cigale, et le dialogue s'installe alors beaucoup plus sur scène. Ce concert est celui où nous aurons le plus entendu Lias et Alex White s'exprimer, échangeant blagues et commentaires un peu moqueurs sur la ville de Tourcoing qui semble ne toujours pas être connue d'eux, un brin provocateurs s'agissant d'évoquer la situation politique encore plus catastrophique en France qu'au Royaume Uni, également appelé aux urnes ces jours-ci.


La setlist fait toujours la part belle à Forgiveness Is Yours, ses titres étant dorénavant parfaitement maîtrisés et toujours interprétés trois fois plus intensément que sur le disque. Les cadences augmentent, la sueur dégouline à flot, avec Lias dans un état quasi-second qui demande nonchalamment à l'audience si elle peut éventuellement le dépanner en Kétamine ou en herbe, promettant deux titres en plus si un généreux bienfaiteur se manifeste. Pas de chance pour eux (et pour nous), la récolte sera nulle, nous nous en tiendrons donc à la setlist prévue et cette dernière regorge de petites perles d'époque comme I Am Mark E. Smith et Satisfied, les classiques Tinfoil Deathstar et Touch The Leather, l'arrivée de Bobby's Boyfriend et enfin, malgré quelques titres en moins en comparaison d'avec leur dernière prestation parisienne, le final explosif avec l'enchainement Feet, Work et Whitest Boy On The Beach.


Sous un lightshow entièrement fait d'un rouge vif et oppressant comme on en trouve dans les peep-shows, Lias ne cessera de jouer littéralement avec les spectateurs tout au long du set, allant les toucher, se jeter à leurs pieds ou sur eux, tout en leur criant dessus allègrement pour leur demander de la fermer entre deux titres et en nous exposant ses parties les plus tendres, s'étalant telle une muse de peintre sur le devant de la scène et exerçant sa souplesse avec une impressionnante roulade arrière figée. L'anglais nous laissera ainsi admirer pendant de très longues minutes son séant et viendra titiller nos sens avec moult gémissements, cris rauques et autres contorsions subjectives. C'est donc finalement une baguette de pain qui apportait cette impression de rembourrage et c'est avec ferveur que le pape de la soirée viendra le rompre pour procéder à l'eucharistie, comme il se doit directement dans la bouche des communiants. Un grand moment de délire total, baigné dans un rock explosif et hyper sexy, orchestré par un maitre de cérémonie sans aucune limite, qui offre le défouloir parfait avant une week-end tendu, que l'on souhaite sans fin tragique.

A bon entendeur, à vos urnes, à vos procurations et à votre cahier de vacances spécial éducation civique pour réviser sur la plage. So who's the whitest boy on the beach, now ?
setlist
    Without Consent
    Tinfoil Deathstar
    Polygamy Is Only For The Chief
    Touch The Leather
    Bullet Of Dignity
    I Am Mark E. Smith
    Visions Of Pain
    Hits Hits Hits
    Today You Become Man
    Satisfied
    What's That You Say
    Fringe Runner
    Bobby's Boyfriend
    Religion For One
    Feet
    Work
    Whitest Boy On The Beach
photos du concert
    Du même artiste