Un vendredi soir de rentrée, les jours raccourcissent, les journées de boulot s'allongent. Le week-end salvateur s'approche et quoi de mieux qu'un bon concert electro rock pour marquer le break. Le téléphone sonne sur le bureau d'un rédacteur rester un peu plus tard, un label pénible appelle de Malibu pour avoir un débrief sur le Mercury Prize, et qui mieux que notre Franck Narquin pour disserter à n'en plus finir des mérites de
Charli XCX et d'
English Teacher. Et comme notre gars aime un bon débat, et que la discussion traîne en longueur, d'une main il envoie ce SOS "L'appel du vendredi après-midi qui te met le feu. Je pourrais en théorie finir demain, mais je ne veux pas commencer à bosser le week-end dès la rentrée. Donc il me faudrait un remplaçant pour VLURE".
On passe au plan Gé, j'enfile mes baskets, prend mon carnet et rushe au Supersonic, assez content d'être d'astreinte ce soir, il y a pire comme boulot. Mais on peut quand même se poser la question quand je vois l'état dans laquelle je trouve notre photographe. Prostrée dans un coin, un verre d'eau à la main, elle me dit avoir vu des démons, des enfants découpés à la hache, un Best Of, ou bêtisier, des films d'horreur sortis entre
Schools Out d'Alice Cooper et le revival gothique allemand des années 90. Apparemment
Contre Soirée n'ont pas fait dans la dentelle et, pour compenser le jeu statique des deux musiciens, se sont rattrapés par des projections gore.
Pendant ce temps-là, j'avais ma propre contre-soirée, comptant les nombreuses stations de la Ligne 1 entre La Défense et Bastille. J'arrive juste à temps pour voir le dernier titre d'un autre groupe français,
The Only Method. Ou plutôt pour voir les gars finir un morceau puis démonter trois tables de matériel en mode showcase chez les marchands de synthés de la rue Victor Massé. Il y a aussi une sorte de flûte bricolée à mi-chemin entre le tube cuivre écroui ø16 mm (ndlr : demandez à votre plombier), la pipe à chicha et la trompette. Ils ont l'air d'y mettre du cœur à l'ouvrage et c'est bien la seule méthode en matière de rock, on est au moins d'accord là-dessus.
VLURE aussi ont prévu une projection vidéo ce soir, mais il s'agit juste de leur logo stylisé en 3D façon compile électro. Le groupe assume complètement son identité club et son ambition de faire danser le public. La musique d'intro démarre en une longue séquence alors que les lumières commencent à flasher. A défaut de loges derrière la scène, le groupe s'échauffe sur le côté. Le drapeau écossais attend dans le fond, bientôt rejoint par le batteur qui sera le premier sur scène, pour doubler les rythmes par une vraie batterie.
C'est le très puissant
Heartbeat qui ouvre véritablement le set, avec son chant en forme de manifeste énervé, les riffs de guitare acérés, les grosses pêches d'orchestre electro et une rythmique de club. Le guitariste et le chanteur font des bonds, le batteur tape imperturbablement, alors que le bassiste et la claviériste resteront concentrés et imperturbables pendant tout le set. La musique électronique doit être précise, le rock doit être spontané, VLURE s'occupent du mix.
La scène est trop petite pour eux, le chanteur descend dans la fosse et demande “comment vivre à nouveau” à un public qui, loin d'être médusé, rentre immédiatement dans le jeu. Suit un nouveau morceau,
Fear, sur la même recette imparable mélangeant éléments live qui chauffent l'ambiance et séquences préprogrammées qui font de la figuration. Le groupe double ou triple les parties rythmiques pendant que le chanteur harangue la foule tel un prédicateur punk.
Entre
Cut it et
This Fantasy, le groupe veut s'assurer que tout se passe bien, et rappelle les règles d'un bon pogo : veillez à ce vos voisins et voisines aillent bien et à ce que tout le monde soit debout. Aimez vous les uns les autres, amen ! Avec leurs petits gimmicks hyper efficaces, la salle décolle et le Supersonic approche de l'orbite ou du paradis, les mains en l'air, une vague de joie déferle avec les basses qui résonnent (
Heaven Sent).
Toujours à un train d'enfer ils enchaînent leur premier single qui a maintenant trois ans,
Shattered Faith et des sons plus froids et dramatiques, avec un tout nouveau morceau,
Flees Lit Heaven, porté par une batterie ravageuse et un gimmick electro guitare diaboliquement séduisant.
Il est question d'amour dans la chanson suivante. A moins de connaître le gaellic écossais il aurait été difficile de savoir que "tha gaol agam ort" veut dire "je t'aime". Je resterai bien à danser comme ça toute la nuit, et ça tombe bien car on nous annonce que ce n'est pas la fin. Et pourtant le guitariste pose son instrument, se drape dans le drapeau de Saint Andrew et descend dans le public avec le chanteur alors que tout le monde scande en coeur
This Is Not The End... Et pourtant, ce sera bien la fin. Euphorique, mais sans leur sublime
Euphoria, le groupe quitte la scène et le DJ emmène la soirée jusqu'au bout de la nuit.