Début septembre, à l'occasion de la sortie de
Come And See, l'ébouriffant premier album de Gurriers, quintet sonique en provenance de Dublin, nous avions rencontré le Dieu du Rock UK© qui nous confiait en off : « L'album de Gurriers, c'est de la bombe bébé mais attendez de les découvrir en live, je vous le dis tout net, vous n'avez encore rien vu ! ». Connaissant son caractère chafouin, nous n'osions pas lui préciser avoir déjà assisté à un concert du groupe en novembre dernier au Supersonic à Paris à l'occasion des soirées Avant-Garde du Pitchfork Music Festival. Grand bien nous en a pris car Dieu avait mille et une fois raison, nous n'avions encore rien vu.
Espoirs du post-punk irlandais il y a un an, Gurriers sont aujourd'hui devenus une implacable machine de guerre sur scène, le groupe que tout fan de rock qui tâche doit avoir vu en 2024. Quoi de mieux que Le Point Éphémère, cette salle qui sent la bière et l'animal, les tacles et la mauvaise foi pour accueillir la bande de lads la plus chaude du moment ? Vous êtes prêts ? Alors accrochez vos ceintures car ça risque de remuer sévère. On vous aura prévenu, vous n'avez encore rien lu.
Complet de chez complet, tout le monde était au rendez-vous : votre serviteur, Robert Gil et son iconique couvre-chef, Jacky, mon boucher fan de Kneecap et My Bloody Valentine, Nicolas, le géant du Supersonic et même Zaho de Sagazan. Impossible de trouver en ligne les horaires de passage des groupes, par conséquent la salle atteint sa jauge maximale dès vingt-heures. Gurriers prendront la scène quatre-vingt dix minutes plus tard, de quoi passer plusieurs fois au bar et faire monter la pression. Toutefois il n'y a pas que le jus de houblon et le gin-tonic pour chauffer à blanc un public, il y a Gogojuice aussi. Groupe de Rouen composé de quatre jeunes gens chevelus à l'énergie débordante, Gogojuice assènent avec une belle maitrise et un enthousiasme dévorant leur post-pop-punk influencé par The Strokes, Sonic Youth, Pulp et blink-182. Ces Normands parviennent même à contredire la célèbre maxime « le rock français c'est comme le vin anglais ». Alors John Lennon, on fait le moins malin maintenant ?

Réussissant l'exploit d'être à la fois les auteurs d'un des meilleurs albums de l'année, une des plus excitantes formations à voir en live actuellement et des sacrés chics types bien sympathiques, il ne manquerait plus que les membres de Gurriers soient tous des canons de beauté parfaitement sapés. Je vous rassure, il existe bien une justice sur terre (note : il fallait bien enfin lâcher une saloperie sur le groupe tant on ne cesse, à juste titre, de l'encenser dans nos pages). De toute évidence, la fosse va ce soir se transformer en octogone sans règles, nous décidons donc de nous décaler sur le côté de la scène, juste devant l'espace merchandising, surplombant ainsi de trois marches la foule à l'exception du géant Nicolas qui nous prend encore quelques centimètres. De nouveau, grand bien nous en a pris car le concert n'avait pas encore commencé qu'une bagarre éclatait dans les premiers rangs. Fort heureusement, cette rixe sera mesurée sur l'échelle de Richter de la violence à un niveau de 0,02 et le seul blessé constaté sera une pinte de Grolsch à moitié pleine (ou à moitié vide selon le point de vue). Rappelons qu'à un concert de punk à Nancy en 1983, on appelait ça tout simplement une petite discussion entre amis.
21h30, les lumières s'éteignent pour une petite discussion entre amis avec à ma droite les cinq soldats de Gurriers et à ma gauche un parterre de gens plus ou moins jeunes mais tous parfaitement hydratés. Croyez-moi sur parole cette discussion va s'avérer autrement plus musclée que cette première échauffourée car les Irlandais ne sont pas venus à Paris les mains dans les poches mais munis de quatorze armes de destruction massive. Premier titre, première missive,
Nausea provoque une éruption de joie dans le public ainsi que quelques coups d'épaules et de sacrés montées de sueur.

Pas le temps de reprendre son souffle que déjà le cinq du trèfle introduit dans la mêlée un saignant
Des Goblin. Mark MacCormack tend sa guitare aux premiers rangs pour que ceux-ci en grattent les cordes, participant ainsi dans un geste inédit à la communion entre le groupe et le public. Le bassiste en kilt se jette dans la foule pour un premier slam et Dan Hoff, chanteur habité et charismatique, éructe tel un animal sauvage. Dans un même élan Gurriers enchaînent
Close Call,
Boy,
Today's Not Enough,
Dipping Out et
No More Photos. On comptera quelques dommages collatéraux dont vingt-sept pintes de Grolsch sacrifiées, trois genoux déboités et quelques acouphènes à soigner.
Nous aurons ensuite droit à une poignée de minutes de recueillement grâce à
Prayers, titre hommage au Dieu du Rock UK© (et Irlandais !) avant la reprise des assauts.
Sign Of The Times et
Approachable, tout premier single du groupe, font toujours autant d'effet tandis que
Top Of The Bill et
Come And See, ultime titre joué en rappel, prouvent que le groupe excelle également dans un registre plus complexe avec des titres mid-tempo à la lisière du shoegaze. Cerise sur le gâteau, le groupe nous réservera la toute première interprétation sur scène de
Dissolve, nouveau morceau composé lors des premières semaines de leur tournée car même sous les bombes de Gurriers, Paris restera toujours Paris !