logo SOV

Steven Wilson

Paris, Salle Pleyel - 25 mai 2025

Live-report par Laetitia Mavrel

Bookmark and Share
Au mois de mars dernier, nous nous envolions pour un voyage très haut dans l'espace au-dessus de la Terre pour y tester l'effet « overview », ressentant ainsi soit un grand moment d'ivresse soit un lourd sentiment d'accablement en réalisant la petitesse de nos vies dans ce vaste monde. Cet incroyable voyage se faisait en compagnie de Steven Wilson, l'électron libre du rock anglais, avec son dernier album solo The Overview. Depuis, Katy Perry a également entrepris cette ascension vers les cieux glacés de la stratosphère, et même si son avis nous importe autant que ce que nous avons mangé il y a trois jours, nous demeurons un brin envieux. Nous nous reportons alors sur cet excellent nouveau disque de Steven Wilson qui renoue avec ses premières amours d'un prog rock exigeant, tout en nous offrant l'opportunité de mettre en perspective notre existence dans cet immense univers qui est le nôtre.

Ayant entamé à ce moment-là une série de rencontres avec ses fans lors de projection du film mis en images par Miles Skarin et venant illustrer le disque, Steven Wilson nous avait permis de poser un premier pied dans le nouvel univers tant visuel que musical qu'il allait nous offrir en tournée. Le rendez-vous parisien est donc donné à la prestigieuse Salle Pleyel, pour trois soirées d'affilées où l'anglais va, comme il en a l'habitude, nous proposer un show unique en son genre. Tel son album concept, les concerts sont découpés en deux parties : une première où est jouée l'intégralité de The Overview, soit deux titres de vingt minutes chacun, puis un second set piochant dans toute sa large discographie. Au total, c'est plus de 2h30 de show que nous offre Steven Wilson, et notre choix se porte sur la date du dimanche, seconde soirée qui aura l'avantage de débuter plus tôt, dès 19h.


Nous connaissons la méfiance de Steven Wilson envers les réseaux sociaux et toute la frénésie liée à l'addiction aux écrans, créant des comportements irrationnels, notamment avec le phénomène du spectateur qui filme plutôt que de regarder la scène. Ainsi, une première demande avait été faite de ne filmer ni photographier le concert du come-back de Porcupine Tree au Zénith à Paris il y a deux ans. Ce soir, la salle étant en configuration assise, cette même requête est formulée et est beaucoup plus facile à respecter, avec le renfort pour le parterre bas de quelques vigiles très dévoués à la cause (pour ne pas dire zélés). C'est aussi dans un esprit de véritable communion que Steven Wilson s'insurge contre les téléphones en concert, et le spectacle ce soir étant pensé comme une expérience immersive, il serait dès lors d'autant plus inapproprié de ne pas y pénétrer à 100%.

The Overview est donc interprété dans son intégralité, avec le film de Miles Skarin projeté sur l'écran géant derrière Steven Wilson, accompagné sur cette tournée par Randy McStine à la guitare, Nick Beggs à la basse et au Chapman stick, instrument amplifié à 12 cordes que nous découvrons pour la première fois ce soir, Adam Holzman aux claviers et Craig Blundell à la batterie. Nous plongeons à nouveau dans cette atmosphère aussi enchanteresse qu'angoissante, avec cette sensation de montagnes russes au travers des différents tableaux du disque, qui passent de puissants à apaisés, de tendus à aériens, leur transcription en live étant une réussite absolue. Le lightshow nous aide à pénétrer l'univers de ce concept album : passant d'ombre à lumière, tantôt simplement éclairé par l'écran vidéo, tantôt noyé sous des spotligts rouges ou bleus vifs, Steven Wilson joue presque au chat et à la souris avec son public, pourtant assis docilement à ses pieds, qu'il a toujours nus pour l'occasion.


La parole sera prise à la fin du premier set, Steven Wilson endossant son rôle de maître de cérémonie en annonçant le principe du concert ce soir, en saluant ce public parisien qui ne lui a jamais fait défaut. À la suite d'un entracte de vingt minutes (malgré l'heure encore précoce mais, comme le dit Steven Wilson, après tout, c'est le style exigeant de sa musique qui l'impose) ce dernier revient avec une nouvelle chemise noire et nous annonce une seconde partie qui viendra piocher largement dans son répertoire. En invitée pour entamer le set nous retrouvons la chanteuse Rotem Wilson qui interprète avec beaucoup de grâce The Harmony Codex, single phare du précédent disque. Le format classique permettra à l'anglais de prendre la parole par intermittence et de créer grâce à son sens de l'humour toujours caustique un véritable lien avec cette salle encore trop sage. Ainsi, les « vieux » fans sont évidemment pointés sympathiquement du doigt (il est vrai que la fanbase de Steven Wilson demeure majoritairement masculine et dans l'âge dit « de la maturité »), et les spectateurs qualifiés de « ici par erreur », soit les accompagnants de ces mêmes fans, souvent les épouses ou les enfants, peuvent donc être rassurés après cette première partie éprouvante : oui, le concert leur réservera tout de même quelques titres qui ne s'étirent pas de façon chaotique au-delà de huit minutes.

Les admirateurs hardcore du Steven Wilson « prog rock circa 1972 » dominant l'assemblée, il fait donc bon de les contredire un peu avec des titres beaucoup plus accessibles, comme le très beau Pariah avec en bande enregistrée le chant de Nina Tayeb et What Life Brings aux accents pop mélancoliques délicieux. Petit répit offert pour les moins aguerris, la setlist privilégiant tout de même des morceaux beaucoup plus complexes comme Home Invasion / Regret #9 ou le duo Harmony Korine / Vermillioncore qui dévoilent l'étendue des talents de Steven Wilson, épaulé de ses camarades tout aussi talentueux (on apprécie tout particulièrement l'extrême brio de Randy McStine, dernière recrue dans la team Wilson et la cadence dévastatrice de Craig Blundell aux fûts) et qui nous expose sa véritable nature de musicien chevronné quand il entame ses solos de guitares épiques. Même assis confortablement dans nos sièges, nous partageons l'intensité qu'exprime Steven Wilson dans son jeu, toujours hissé sur ses orteils comme pour aller puiser dans la plus lointaine extrémité de son corps toute son énergie.


Arrive le moment des rappels, où juste avant, les premiers fans enfin surexcités vont se lever de leur siège, entraînant le reste des présents à faire de même et insufflant enfin dans la trop calme Salle Pleyel une véritable vague d'énergie. Steven Wilson saura alors reconnaître que ce second public se démarque de celui de la veille, resté semble-t-il un peu trop sur la réserve. La fin du concert se fait donc debout et au son de Ancestral avec un frontman envoûté, qui prend alors soin de venir se poster devant chacun des fans venus se coller à la scène et du magnifique The Raven That Refused to Sing, un des plus beaux et émouvants morceaux écrits par le musicien à ce jour, qui rappelle aux plus butés que Steven Wilson maîtrise tout autant le prog rock pointu que la pop orchestrale.

Le concert se termine sous les yeux embués des fans déclenchant une totale standing ovation (se faisant se dresser les derniers réfractaires) après deux heures et quarante minutes d'un show intense, véritable petite œuvre d'art ayant réuni émotions visuelles et sonores, le tout sans portables, porté par un musicien unique, authentique et qui n'a pas encore fini de nous surprendre.
setlist
    Objects Outlive Us
    The Overview
    ---
    The Harmony Codex
    Home Invasion
    Regret #9
    What Life Brings
    Dislocated Day (Porcupine Tree cover)
    Pariah
    Impossible Tightrope
    Economies Of Scale
    Harmony Korine
    Vermillioncore
    ---
    Ancestral
    The Raven That Refused To Sing
photos du concert
    Du même artiste