Notre présence ce mercredi soir au Trabendo n'était pas gagnée d'avance : en ce mois d'octobre, l'agenda des concerts parisiens entame son marathon qui nous mènera, éreintés, aux vacances de Noël pour la très attendue trêve des confiseurs. En attendant, c'est droguée à la Juvamine que nous faisons des choix, souvent cornéliens. Ainsi, l'heureux sélectionné est ce soir Starsailor, le groupe que l'on dit le plus mal aimé de la pop anglaise, et qui pourtant est toujours présent dans les bacs à disques et en live vingt quatre années après sa création.
Starsailor, c'est toujours, en 2025, James Walsh, Ben Byrne, James Stelfox et Barry Westhead, une bande d'amis inséparable depuis 2001 (hiatus pour carrière solo exclu), qui ont sorti il y a un an leur cinquième album studio
Where The Wild Things Grow. Starsailor, c'est aussi le groupe du tube planétaire
Four To The Floor, usé jusqu'à la corde par la télévision, les radios et les DJs du monde entier. Mais Starsailor, ce sont surtout des musiciens qui ont tout pour réussir mais qui subissent la malédiction du parfait premier album. Ainsi, à l'instar des compatriotes Keane ou Kaiser Chiefs, la suite de leurs travaux n'a jamais obtenu la notoriété ni atteint les mêmes sphères que leur tout premier essai. Difficile ainsi de rester totalement fidèle à la trajectoire de ce groupe pourtant si sympathique et attachant. Voilà pourquoi cette soirée, qui plus est la toute première date de leur tournée européenne et britannique, était l'occasion de raviver la flamme d'une passion depuis quelques années éteinte.

Dans un Trabendo qui n'affiche pas totalement complet, la faute également à la concurrence, nous nous retrouvons parmi les fans de la première heure. Vingt-quatre années exactement au jour près depuis la sortie de
Love Is Here, c'est la quasi-totalité des spectateurs qui revient, fidèle au groupe malgré des disques inégaux. Car la force de Starsailor réside dans leurs prestations scéniques : la bande à James Walsh ne déçoit jamais quand, une fois sur scène, sa pop rock se dévêtit enfin des productions maladroites et trop souvent ampoulées de ses disques. Face à nous, des amis qui ont pris de l'âge en même temps que leur public, s'approchant ou ayant fraîchement franchi la cinquantaine, qui ont à leur actif une liste de performances toutes aussi impressionnantes que glorieuses, ayant partagé la scène avec des pointures tels U2, Snow Patrol, The Pixies, James et, comme ça au passage, The Rolling Stones. Et malgré cela, ce sont bien quatre gars sans prétention aucune, d'une grande humilité, presque encore trop timides malgré leurs vingt années de carrière, qui ne cesseront de remercier le public français, cher à leur cœur car responsable de leur unique première place dans les charts à l'époque de
Foor To The Floor.
C'est ce soir l'occasion d'une setlist presque Best Of, le groupe misant en majorité sur les titres issus de ses deux premiers albums
Love Is Here et
Silence Is Easy. Accompagnés sur scène d'un second guitariste, les morceaux du répertoire de Starsailor auxquels nous pouvions reprocher une certaine linéarité gagnent en personnalité, les guitares prenant le pas sur les effets de claviers beaucoup trop présents sur disque. Ce qui nous ramène automatiquement vingt cinq en arrière est la voix de James Walsh. Ce timbre si particulier, très chaud, qui a gagné en profondeur avec les années et qui s'est définitivement séparé du côté un peu strident qu'il pouvait avoir au tout début de leur carrière. Un sacré contraste avec le look de « Monsieur tout le monde » de James, qui nous semble sorti d'une nuit passée en tour bus avec ses vêtements froissés et sa coupe de cheveux plus qu'incertaine. C'est là toute la magie de Starsailor, et leur authenticité transforme un répertoire parfois quelconque en série de hits en puissance. L'alchimie entre les membres du groupe opérant toujours, l'ambiance se veut très décontractée, on prend donc son temps pour s'accorder ou pour échanger quelques blagues mais surtout, c'est un James très loquace qui ravira son public, beaucoup de présents ayant fait le déplacement depuis la province, cette soirée étant l'unique date française de la tournée. Ce qu'il reconnaitra humblement, en promettant d'élargir leur parcours pour la prochaine fois.

C'est un défilé de classiques du groupe qui est interprété ce soir. Peu de place laissée à
Where The Wild Things Grow, ce qui est un peu regrettable car le dernier disque a amorcé une légère tendance vers plus de sobriété. Le fan service est ainsi assuré, et les spectateurs de reprendre en chœur
Alcoholic,
Silence Is Easy,
Love Is Here et
Good Souls. Une formule qui continue de faire son petit effet plus de deux décennies après et des musiciens conscients qu'ils ont touché les étoiles à cette époque. Nous aurons également droit à une magnifique reprise du
Jealous Guy de John Lennon, qui dans notre classement très personnel viendra se placer juste après celle d'Elliott Smith. Une bonne heure et demie plus tard, nous voici enfin avec l'hymne de Starsailor à jamais ancré dans les esprits,
Four To The Floor, sur lequel nos amis semblent toujours autant s'amuser. C'est donc face à une audience plus que comblée que le groupe quitte la scène, en remerciant généreusement ces fans qui les suivent fidèlement depuis tout ce temps, et reconnaissants envers la France de toujours répondre présente malgré les difficultés de se produire hors du Royaume-Uni ou d'acheminer leurs disques vers l'Hexagone depuis le Brexit et ses politiques douanières d'un autre temps.
Starsailor ont prouvé ce soir qu'ils sont avant tout un groupe de live, qui réussit de façon incroyable à embellir des compositions plutôt timides sur disque, et ce grâce à leur grande authenticité. Une bande de musiciens à laquelle on s'attache très facilement, et pour laquelle on souhaite de nouveau qu'elle caracole au sommet des charts, leur plus belle œuvre étant encore à produire.