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Fuck Buttons

Paris, Trabendo - 22 mai 2008

Live-report par Arth

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« C'est l'printemps mon amour, Supeeer! ». Le label français des musiques sacrées et indépendantes nous a invité cette semaine à la première de leur festival qui se tient à Paris du 22 au 27 mai.

20h12 à la cité des Sciences, l'atmosphère ne peut-être plus agréable. Déjà sur un nuage, j'arrive dans la salle pendant le concert de Telepathe. Le trio de Brooklyn me laisse à peine le temps de redescendre. Ces deux filles presque jumelles à la voix réservée se cachent derrière le flegme bouloché de leurs vêtements fripés. La musique de Telepathe accompagne nos rêvasseries fumeuses. Entourés d'un filet rose de génériques de soaps, des portraits d'acteurs ringards défilent comme des spectres dans le ciel violacé des automnes new-yorkais. J'explore cet espace créé comme j'explorais REZ à l'époque, sur un tapis roulant aérien qui avance grâce aux tonalités légères de cette pop minimaliste.

L'habit ne fait pas le moine chez Fuck Buttons, avec un petit barbu roux vénitien avec une chemise de bûcheron et un micro Fisherprice, et un copain geek encapuchonné qui a gardé sa Gameboy Classic. Clichés absolus. Pourtant, sur leur table d'opération, ces deux chirurgiens arty s'autorisent des mouvements jamais tentés à Docteur Maboul. Musicalement c'est indéfinissable - beaucoup d'electro psychédélique et de « screamo » - la musique de Fuck Buttons est visuelle : ferme les yeux et regarde. Tu remontes le réseau par les pieds, partout où tu passes une nuée de points blancs s'active, le corps a ses merveilles et Fuck Buttons en exploite les recoins. Dix ans après, je retrouve les premiers logiciels vidéo ludiques faisant du corps humain un parc d'attraction tout en 3D à l'intérieur duquel on pouvait se balader à sa guise comme un Dieu minuscule, invisible et inconsistant, remontant du foie au nez, des poumons aux oreilles, du colon à la bouche. En toute logique, le voyage s'arrête au cœur, dans une avalanche sonique cadencée à la limite de l'infarctus. Posologie: un seul set de Fuck Buttons peut suffire à faire de Rick Moranis votre nouvel icône spirituelle.

Après ces quelques émotions sages, l'électrique duo des Crystal Castles débarque dans le noir total pour exploser le public. Epileptiques s'abstenir: noir, blanc, noir, blanc, noi-bla-no-bl-no-blanc-noir. La démence d'Alice jaillit à chaque flash, chaque instantané est une surprise. On la perd sur scène pour la retrouver collée au public qui ne cesse d'expirer, de joie, sa violence et un surplus d'énergie accumulé depuis les derniers concerts des Libertines. La comparaison semble étrange mais, pour moi, est justifiée, car je n'avais plus vu une telle intensité, une incandescence presque sexuelle, depuis les aventures scéniques de Doherty et Barat. Crystal Castles représente cette jeunesse un peu plus délurée qu'avant, formatée à l'electro d'Ed Bangers, préférant les clubs aux bars, les acides à la bière, et fragile sous ses fringues American Apparel, flashy pour détourner l'attention. Derrière l'insouciance et la facilité d'Alice Pratice ou d'Air War, on renifle les marques du romantisme adolescent, le meilleur, le plus bête, le plus sincère, le plus faible.

Avant, on écoutait tous France de Carl Barat avec nos premières cigarettes, assis sur le rebord de la fenêtre de nos chambres la nuit; aujourd'hui on s'en grille tous une assis sur le futon de nos studios en écoutant Magic Spells...