Le Festival Cool Soul proposait sa première affiche vendredi 8 avril au Bataclan.
Avec une météo encore anormalement chaude en ce début de printemps, la moitié de la salle du Bataclan prend l’air devant les barrières métalliques de l’entrée principale ou plutôt s’enfume allégrement dans un nuage nicotinique stagnant au-dessus des têtes tel un orage d’été très localisé et transforme le trottoir et les grilles des deux pauvres arbres présents là, bien malgré eux, en cendriers géants.
Le lettrage de l’enseigne du Bataclan affiche « Festival Cool Soul ». Et il faut être journaliste en pige, animateur TV en camping car ou demander à deux graisseux tatoués et percés jusqu’aux coudes pour s’assurer qu’on ne s’est pas trompé de salle, de date ou de ville ! Car ce soir, sont notamment programmés : The Legendary Tiger Man, The Bellrays et The Jim Jones Revue.
On a bon espoir de trouver, à la prochaine édition, le rapport entre la dénomination Cool Soul et cette affiche de dignes représentants du rock pionnier qui n’hésitent pas à jouer Little Richard, Chuck Berry voire du AC/DC, à la manière du MC5 !
Quoi qu’il en soit, la programmation de ce soir, en plein revival vestimentaire rockabilly où les femmes fréquentent des écoles d’effeuillage façon Dita Von Tesse est bien sentie et ne peut en aucun cas souffrir d’un opportunisme qu’il serait facile de mettre en avant...
Si on ne présente plus The Jim Jones Revue ou The Bellrays, on est heureux de découvrir
The Legendary Tiger Man, officiant depuis seulement 2009 (il était apparu pour la première partie de Jarvis Cocker). Paul Furtado, Portugais, c’est assez rare pour être souligné, le fondateur de cette formation à taille et style variable, joue lui depuis 2002 soit en solo, soit dans des groupes blues rock de son pays d’origine et possède déjà plusieurs albums à son actif.
On a souvent lu qu’il officiait dans un blues rock sexuel, voire sale comme le pare brise d’une vieille Cadillac mordant la poussière de la route 66 et ses photos de presse, très mises en scène abondent dans ce sens. Invitant des femmes dont il est fan comme Asia Argento ou Peaches, ce soir c’est Rita Redshoes qui s’y colle sur une reprise très minimaliste du
Fever d’Eddie Cooley et John Davenport.
Dans cette optique de mélanger les formations sur scène, excellente idée soit dit en passant, Lisa Kekaula des Bellrays montera accompagner Paul le temps d’une chanson. Excentrique à souhait, minet sixties monté d’une paire de Ray Ban façon
Etoffe des Héros et doté d’un son de guitare à la Jack White, The Legendary Tiger Man passe en revue tout ce qu’un Jim Jarmush ou un David Lynch pourraient oser mettre en image dans un nouvel opus de Sailor et Lula... da Silva !
Seule artiste à qui le mot Soul pourrait faire référence ce soir,
Lisa Kekaula (qui participa également à Basement Jaxx), chanteuse du groupe américain
The Bellrays, est une panthère noire de bonne largeur à la chevelure afro dépassant toutes les espérances de Pam Grier dans Foxie Brown ! Un batteur torse nu, couvert par une chevelure à la Angus Young, un guitariste ressemblant à Dave Steward, un bassiste et une diva noire, le tout à la sauce punk rock blues sur des titres originaux tournant à fond la caisse depuis 2002. Avec un duo voix/guitare très rhythm 'n' blues pour fermer le set, ils donnent le tournis aux plus rasés des coupés à la brosse de cette soirée où l’on croit voir le clone de Brian Setzer tous les dix mètres !

Vous pensiez avoir poussé le moteur dans ces derniers retranchements, avoir fait grimper les tours dans le rouge le plus salissant ? Voilà que débarquent Jim Jones et sa clique ! Non, pas Davie Jones le pirate maudit des Caraïbes et son Hollandais Volant ; encore que, là aussi, ce pourrait être un Hollandais encore fumant au volant tant ces cinq-là nous conduisent sur la route du garage, à la source du rockabilly qui a fait ressurgir les standards des pionniers sous la houppette des Brian Setzer, Poison Ivy et autres Paul Fenech des Meteors.
Cauchemars des ingénieurs du son qui n’arrivent pas à contre balancer les « say Yeah » démesurés d’un Jim Jones - dont les cordes vocales sont faites de rocailles - en introduction de chaque titre avec le piano bastringue d’Eliot Mortimer, ce soir ne fait pas exception à la règle, et si critique négative il y a, elle se situe au niveau du son qui pêche sur la voix de Jim, souvent inintelligible. Mais est-ce bien là l’essentiel quand on joue tous potentiomètres explosés ? Le roadie de service s’arrache les cheveux qui lui restent devant les multiples demandes de Jim pour monter son retour, déjà à fond bien avant de débuter le concert !
Ça roule vite, ça crie fort et ça tape dur du côté de la scène. Même le bassiste a le style, mais pas encore la classe d’un Paul Simonon, bandoulière détendue au maximum pour faire reposer l’instrument au niveau des genoux. Le public s’étale de 7 à 77 ans, les papas sont venus avec leurs enfants et les gaillards d’avant sont envoyés par les fans par-dessus la foule, traversant la salle les bras en croix, tels des messies, de droite à gauche, sans jamais toucher le sol !
Il y a peu de groupes rock dont le piano sonne plus fort que les autres instruments, pas étonnant après cela que les amplis marshall ne suffisent plus à retourner le répertoire devenu classique de
Shoot First à
Burning Your House Down entrecoupés de pauses n’excédant pas les trente secondes. Certes, le rock à la papa tendance Chuck Berry et Little Richard n’est pas une avancée musicale en soit mais The Jim Jones Revue arrive à en retirer une substance qui ne ressemble ni aux vagissements des Cramps, ni aux sonorités tranchées à la lame de rasoir des Stray Cats.

Ne dérogeant pas à l’altruisme de leurs prédécesseurs ce soir, ils terminent ce show chaud en invitant sur scène Lisa Kekaula et Bob Vennum des Bellrays pour un
Good Golly Miss Molly du petit Richard, balancé de gauche à droite entre Lisa et Jim qui se partagent le micro et les satisfécits complets d’une salle lessivée par deux heures et demi d’essorage à mille tours minute !