Bear's Den

« Les histoires d'amour finissent mal, en général », on le sait et on l'a déjà chanté. Alors pourquoi s'échiner à le répéter en chanson ? C'est bien la question que je me suis posée en écoutant le nouvel EP quatre titres du groupe Bear's Den, à paraître le 23 juin chez Communion Records, First Loves.

Le combo londonien surfait jusqu'ici sur la vague du succès mérité, œuvre d'une évolution et d'un enrichissement de leur musique folk d'origine. Leur album studio précédent, Blue Hours, sorti en mai 2022, s'était hissé à la sixième place des classements d'albums au Royaume-Uni. Bear's Den composaient la même année la bande originale de la série à succès d'Apple TV Trying (3ème saison), en collaboration avec Maisie Peters et Jade Bird. Alors quel est l'intérêt, quelques mois plus tard, de sortir cet EP au titre évocateur ?

Andrew Davie (chant, guitare) et Kevin Jones (chant, guitare, batterie) se sont-ils réunis pour parler de leurs premières déceptions amoureuses ou avaient-ils déjà inscrit ces quatre mélodies douces et mélancoliques dans leurs carnets d'adolescents musiciens en herbe ? La remarque peut paraître sévère ou déplacée, mais c'est l'interrogation qui prédomine à la première écoute de First Loves. Où sont passées les harmonies vocales riches, les arrangements électroniques planants, les échappées lyriques orchestrales ? On ne peut pas parler de progression musicale cette fois-ci, l'instrumentation ayant été perdue en route (feu banjo, feu trompettes, feu électronique). Restent la voix et la guitare relevées par une rythmique classique et un piano. Le dépouillement musical exhorte-t-il la richesse des textes ? Oui, en principe. Faut-il encore créer de l'émotion !
Parlons donc d'amour. Ne soyez pas déchus ! Si vous recherchez des chansons abordant cette thématique vieille comme le monde, vous trouverez autant de titres que d'étoiles dans un ciel d'été. Ecoutons encore plus loin et félicitons-nous tout de même que, pour ce premier titre Evelyn, Andrew Dawie, la voix principale du groupe, emploie le mot platonique : « Evelyn, our relationship was strictly platonic ». C'est bien la seule singularité de ce morceau. Ballade plaintive piano-voix aux faux airs de Coldplay année Parachutes. Entame de cet EP où le duo semble déjà se prendre les pieds dans un parachute précédemment déployé. Un trou d'air dans le ciel bleu de la pochette de l'album.

Changement de prénom et donc de conquête pour le second titre, Helen Of Hammersmith Bridge. Un démarrage plus original aux faux airs folk country. Très vite on comprend que cette conquête sent aussi « le souffre amoureux » et qu'elle conduit notre héro à une défaite « sublime ». Au clair de lune sur le pont de Hammersmith, l'amoureux transi est à deux doigts de donner sa vie. C'est gai ! C'est assez beau, retenons cela et empêchons-le jeune homme de faire une « connerie ».
Passons au troisième titre, Summer & Smoke, inspiré de la pièce du même nom de Tennessee Williams. Cette fois l'ours relève la tête et nous propose une jolie ballade musicale sublimée par la complicité vocale du duo de chanteurs. La tension sur ce nouvel échec amoureux se ressent et l'auteur compositeur principal Andrew Davie confie, enfin, s'inspirer de sa propre vie et d'un sentiment de solitude ressenti dès ses premières relations. « Cette chanson pour moi parle de tomber amoureux, de faire confiance et de se confier à quelqu'un seulement pour qu'il disparaisse juste au moment où vous pensez l'avoir trouvé. Cette intimité partagée autour d'une cigarette, la confiance accordée pour s'endormir dans ses bras, mais ensuite la solitude de se réveiller seul dans une maison en feu ». Oups ! Le garçon est morose. Avis aux fans qui iront voir Bear's Den en concert, venez en couple. A défaut, vous ne tiendrez pas seul avec votre briquet levé à bout de bras.

On terminera ce court EP avec ce quatrième titre, Teach Me Ava. On espère reprendre du poil de la bête mais nous voilà une nouvelle fois déchus. Ava ne nous aime plus (elle non plus !) et on a beau lui demander comment faire, de la plus belle des manières (piano / voix), rien n'y fera : « Teach me how to feel,Teach me what to say,Tell me who you're needing,Teach me how to change ».

Là où Cat Stevens sublimait la rupture amoureuse avec sa Lady D'Arbanville amplifiée de trémolos sur la reprise inspirée d'And Also the Trees en 1989, Bear's Den proposent quatre compositions au goût émotionnel d'un miel premier prix qui colle aux pattes. Insuffisant pour ce groupe qui nous avait habitués à mieux. Et si c'était cela les premières histoires d'amour ?