Humour

Les années se suivent et ne se ressemblent pas complètement pour Humour. Fin 2022, ils sortaient un premier EP très apprécié d'une partie de la rédaction de Sound Of Violence. La plupart des morceaux avaient alors été composés en fin de confinement. Aujourd'hui, le groupe de Glasgow sort A Small Crowd Gathered To Watch Me qui reflète assez bien l'année qu'ils viennent de passer sur les routes, au bord desquels de petites foules se sont formées pour les voir jouer, chanter et crier.

Si vous avez récemment assisté à un concert de Humour, ou si vous les suivez sur les plateformes numériques, vous connaissez la plupart de ces morceaux sortis un par un au cours de l'année et rodés sur scène. Halfwit, le premier titre à en être extrait, est une belle allégorie d'un groupe en tournée. C'est ainsi l'histoire d'un homme qui s'en va vers un endroit lointain et se transforme progressivement en animal, et commence une nouvelle vie à la fois triste, solitaire, paisible et insouciante.


Les guitares ciselées me rappellent celles des débuts d'Interpol, le fatalisme romantique les récits d'I LikeTrains, et la fougue le premier album des Arctic Monkeys. Mais c'est la voix d'Andrea Christodoulidis, tantôt étranglée, tantôt gueulante, toujours en hyper tension, qui donne l'ambiance du moment, en équilibre entre punk et post-punk, colère, angoisse et tristesse. Chacune des chansons est une capsule qui, en trois minutes, raconte comment la folie des personnages les place dans des situations de quasi non retour.

Le second single, Wrangel, basé en partie sur l'expédition du Capitaine Scott et de ses cinq hommes qui ont été les premiers à atteindre le Pôle Sud mais sont morts dans le blizzard au retour, n'est guère plus optimiste. L'autre partie de l'histoire est toute aussi glaçante, celle d'une Alaskaine (ndlr : habitante de l'Alaska) qui a dû survivre seule sur l'île de Wrangel pendant près de deux ans.


Big Money traite librement de la personnalité d'un magna cruel du caoutchouc dans le Pérou du début du XXème siècle qui avait déjà inspiré le film Fitzcarraldo de Werner Herzog. Enfin, Take A Look At My Tongue traite des visites au Musée d'Anatomie d'Edimbourg que le chanteur, par ailleurs enseignant d'art, effectuait avec ses étudiants. L'une des expositions présentait un moulage en plâtre du visage défiguré d'un soldat français ayant perdu la moitié de ce dernier dans la révolution belge de 1832. Avec la mâchoire manquante, sa langue pendante était retenue par un masque en argent conçu pour lui redonner une apparence humaine.

Pour l'instant, seul le morceau éponyme n'a pas eu droit à sa vidéo. Mais encore plus regrettable, aucune sortie en support physique n'est prévue pour le moment. Dommage, car Andreas Christodoulidis nous a habitués à des pochettes et illustrations très soignées.