Little Simz

Drop it like it's hot ! Sans crier gare, Little Simz a lâché vendredi dernier le septième volet de sa série d'EPs « Age 101 : Drop » inaugurée il y a déjà dix ans. Sept titres et moins de quinze minutes, il n'en faut pas plus à la reine du hip-hop anglais pour lancer avec Drop 7 un message très clair à la concurrence : Vous n'êtes pas prêts à me prendre mon trône. La rappeuse anglaise tient d'Inflo, son habituel producteur et leader des mystérieux SAULT, cette coquète lubie des sorties sans communication préalable. Ainsi, son précédent album NO THANK YOU avait été annoncé cinq jours avant sa parution, sans vidéo clip ni promotion mais également sans lésiner sur la qualité, à l'image du chef-d'œuvre Gorilla, instant-classic qui ferait hocher la tête au plus austère fan d'Einstürzende Neubauten. Pour cet EP, Simbi Ajikawo (le nom de la musicienne au civil) a confié la production à Jakwob, l'homme derrière Nia Archives, et opère un virage club aussi radical que maitrisé.

Si, en France, Booba se sert des réseaux sociaux pour clasher, avec plus ou moins d'inspiration mais sans jamais aucun temps mort, tous ceux qui pourraient lui contester son titre de Duc de Boulbi ou lui rapporter des followers (de Kaaris à Kylian Mbappé en passant par Angèle ou Nekfeu), en Angleterre, Little Simz n'a besoin que d'un micro et d'un DJ pour remettre tout le monde à sa place. Avec Power et Mood Swings, elle s'essaie avec brio à l'Afro-House et rappelle à Nia Archives que si celle-ci a beau posséder tout ce qu'il faut pour s'imposer, à savoir le style, l'attitude, les chansons et bien d'autres qualités encore, elle est encore loin d'avoir son flow. La rappeuse pousse encore plus son orientation club avec Torch et SOS aux beats technoïdes et prouve qu'elle peut être aussi arty qu'Actress tout en côtoyant les charts.

Tel Chow Yun-Fat, l'oubliable Killer de John Woo, elle arrive, sans se départir de son flegme, à flinguer deux opposantes dans un même geste. De la main droite, elle dégaine I Ain't Feeling It et atteint en pleine tête John Glacier, fleuron du néo-r&b pointu, tandis que de la main gauche, sa balle touche au cœur George Riley avec Far Away et ses sonorités néo-R&B douces mais jamais doucereuses.
En six titres, Little Simz a déjà calmé toute le scène UK. Il lui reste encore un morceau d'une minute et trente secondes, c'est l'occasion rêvée pour se laisser aller à la vague latino et pourquoi pas même chanter dans la langue de Luis Buñuel, le coréalisateur du mythique Un Chien Andalou avec Salvador Dali, auquel Quentin Dupieux rend un hommage aussi cocasse qu'émouvant dans l'hilaaaaaarant Daaaaaali ! Avec ses beats saccadés, secs et sexes, Fever fait monter la température au-delà des préconisations de cuisson d'un Chicken Teriyaki. Aussi improbable que réussi, ce morceau nous laisse rêver d'un duo au sommet entre Little Simz et Rosalía.

Qu'elle évolue dans l'univers soul et suave de Sometimes I Might Be Introvert, son meilleur album à ce jour, ou dans la frénésie électro de ce nouvel EP, Little Simz réussit à chaque fois la prouesse de nous régaler tout en nous surprenant. Drop 7 c'est Jakwob à la production, Little Simz en MC, sept titres, quinze minutes, trop court pour parler de masterpiece, assez long pour te mettre en pièce et qu'on pourrait résumer en une seule punchline : Kneel to the Queen and kiss the ring.