cruush

Remarqués avec Wishful Thinker, leur premier EP sorti il y a tout juste un an, les mancuniens de cruush nous avaient convaincus qu'ils avaient écouté les mêmes disques sortis à l'orée de années quatre-vingt-dix que nous mais bien qu'ils aient suivi à la lettre le manuel du parfait petit shoegazer, ils en avaient oublié un ingrédient essentiel : écrire de vraies chansons. Entre temps les vétérans de Ride et Slowdive ont rechaussé leurs crampons et sorti deux albums de haute volée, envoyant ainsi un message direct à la nouvelle génération : « il va falloir sérieusement muscler votre jeu les enfants car les papis ont retrouvé leurs jambes de vingt-ans ! ».

Considérés par la presse britannique comme de potentiels leaders de la scène anglaise du revival shoegaze, cruush se voyaient également sérieusement concurrencés par de nouveaux entrants venus de Londres et notamment les excellents deary et Whitelands, tous deux signés chez Sonic Cathedral, ou même de Manchester avec la brillante TTSFU. Partis comme les grands favoris des bookmakers, cruush allaient-ils se faire décrocher tels Manchester United, grave à la ramasse derrière City, Arsenal et Liverpool ?

Vus sur scène en février dernier au Supersonic à Paris en compagnie de The Youth Play, nous avions été impressionnés par leur mur de son, ample et intense, mais leur prestation encore trop statique et scolaire nous avait vite lassée, leur préférant finalement l'enthousiasme des jeunes londoniens. Trop candides, cruush allaient tout droit vers le crash. C'est donc avec le même enthousiasme que lorsque l'on regarde un match de coupe de l'UEFA que nous avons lancé le nouvel EP du groupe, se disant qu'au pire on pourrait toujours zapper sur C8 pour regarder une rediffusion de Y'a que la vérité qui compte avec Bataille et Fontaine qui, après vérification n'ont aucun lien de parenté, avec Georges, Lily ou Emilie. On peut déjà vous avouer qu'on ne saura jamais si Jennifer a accepté de lever le rideau pour prendre dans ses bras Thierry, ému aux larmes de retrouver vingt ans après celle qu'il avait croisée un soir dans un bar et qu'il n'avait jamais oubliée. Avec Nice Things Now, All The Time, cruush bombent le torse, lèvent le menton , remontent leur col, les deux poussent pointant le numéro 7 inscrit dans le dos de leur jersey et assènent un violent high-kick à tous les haters et sceptiques.

Water Breathers, avec son longue introduction sombre et tendue et sa voix aérienne, ravira les fans de Cocteau Twins tout en réussissant à éviter de sombrer dans la monotonie grâce à plusieurs faux départs d'envolées de guitares saturées et violentes qui laissent espérer un final à la Mogwai qui, bonne idée, n'arrivera jamais vraiment. On voit ici que le groupe a nettement progressé car plutôt que de singer leurs idoles, ils arrivent enfin à s'en inspirer pour proposer une œuvre personnelle.
Sorti en octobre 2023, As She Grows est le titre de cruush le plus écouté et frappe par sa proximité avec Heaven de deary, publié presque en même temps. Il ne faut au groupe que deux petites minutes menées tambour battant par une batterie métronomique aux cotés de laquelle des voix planantes à la My Bloody Valentine se mêlent à des guitares grungy pour remporter la partie. Dans le 18ème, on appelle ça un putain de banger !

Avec Cotton Wool le groupe confirme sa capacité à calmer le jeu tout en restant passionnant sur une plage plus longue et atmosphérique et, avec Ladybird Song, à nous émouvoir avec un bedroom dream-pop délicate et enlevée. Dans le même style, notre préférence va à Headspace qui surfe tout du long sur une crète entre rêverie cotonneuse et violence sourde pour un résultat « soft as snow but warm inside »

Depuis le 26 mai 1999, le monde entier le sait, il ne faut jamais enterrer trop tôt les mancuniens. Avec Nice Things Now, All The Time cruush reviennent fièrement dans la course au titre et confirment qu'ils sont largement taillés pour la Champions League.