Alors que Les Inrocks Festival renaît de ses cendres pour une 35eme édition assez enthousiasmante, le Supersonic de Paris propose le jour même de son ouverture une soirée 100% Shoegaze, intitulée
Vapour Trail (les fans de Ride auront la référence) qui nous rappelle un peu les premières éditions du festival, comme cette mythique soirée Lush / Blur / Pulp de 1991.
Petit rappel pour les retardataires, en 2024, les guitares angulaires et les basses ronflantes post-punk ont été remplacées par les nappes vaporeuses et les sons saturés inspirés de Slowdive, My Bloody Valentine ou Ride. En un mot, le revival shoegaze bat son plein et, bonne nouvelle, les propositions musicales des jeunes pousses s'avèrent aussi quantitatives que qualitatives. On vous conseille d'ailleurs de vous ruer sur les disques de TTSSFU, deary et Whitelands, qui se produiront tous les trois à la Block Party du Supersonic en mai prochain. On vous en reparle vite, mais vous pouvez prendre vos places les yeux fermés tant la programmation est de toute beauté et pour vous guider nous vous avons concocté une petite sélection, à lire et à écouter, des groupes à ne surtout pas rater.
L'affiche de la soirée nous faisait saliver depuis quelques semaines grâce à son line-up de haute volée avec tout d'abord les londoniens The Youth Play, que vous pourrez retrouver sur notre Playlist Sound of 2024 dédiée aux jeunes groupes britanniques à suivre, les berlinois YEAHRS, qu'on découvre sur scène pour la première fois ce soir, et enfin cruush, tout droit venus de la cité royale de Manchester et qui animent déjà au sein de notre rédaction de houleux débats j'aime / j'aime pas, preuve s'il en fallait que les mancuniens sont une des formations les plus en vue de cette nouvelle scène.
Pour un mardi soir de février, l'affluence est quasi-idéale. Pas de quoi ouvrir le bar du premier étage, mais juste ce qu'il faut de monde pour assurer l'ambiance tout en permettant une déambulation fluide. Lorsque le Supersonic est vide, ce qui est de plus en plus rare, c'est un peu triste, lorsqu'il est plein à craquer, on peine à trouver une place pour voir apercevoir le groupe dans de bonnes conditions. Entre shoegazers de la première heure, indie kids ne crachant jamais sur un bon concert gratuit et anglais venus pour la fashion week en goguette à Bastille, le public du soir est joyeusement hétéroclite et on s'en réjouit. Vous êtes prêts pour trois heures de shoegaze ? Acouphènes, même pas peur ! C'est parti pour le récit de cette soirée en trois actes avec au menu mélodies cotonneuses, mur de sons et cirrus homogenitus.
Acte 1. The Youth Play : Jeux interdits et amours de jeunesse.
Les jeunes londoniens de The
Youth Play sont loin d'être des inconnus pour les plus fidèles lecteurs d'entre vous. Après une première prestation ici-même en septembre dernier lors d'une soirée They're Gonna Be Big, le quatuor a sorti un excellent EP intitulé
Wildflowers, quelque peu éclipsé dans nos pages par la sortie simultanée du premier EP de deary, fer de lance de Sonic Cathedral, le grand label du revival shoegaze. Que ce soit sur disque ou sur scène, The Youth Play ne respectent pas pleinement le cahier des charges des parfaits shoegazers. Soucieux d'écrire de réelles pop songs avec couplets-refrains aux mélodies typiquement british, les influences new wave ou indie rock 90's semblent peu à peu prendre le pas sur les sonorités saturées shoegaze. Mené par le charmant et charismatique Diego Bracho, le groupe délivre une prestation nettement moins brouillonne qu'il y a quelques mois. Avec des titres de la qualité de
When We Talk About Love et
After A Moment, et l'aisance prise sur scène, The Youth Play progressent à grands pas et nous ont prouvé qu'ils avaient tout pour devenir grands.
Acte 2. YEAHRS : L'Allemagne, ça vous gagne.
Yeahrs, c'est trois français, un allemand, un style all-black leur permettant d'entrer aussi bien au Berghain qu'aux soirées dark wave du bar de la Bastille Le Chaton Indépendant (ndlr : le nouveau nom du Pop In), des influences allant du death metal à Mazzy Star, une énergie débordante sur scène, une esthétique et un merchandising au design soigné très arty et branché et un premier album
Spirtitual Sickness qui vient marquer Berlin sur la carte du revival shoegaze. Il ne leur manque plus qu'à écrire quelques titres un peu plus marquants pour réellement exploser tant leur univers et leurs sons sombres et violents en font une formation à l'identité bien marquée. A l'issue de leur set, on tapera des mains en disant YEAHRS.
Acte 3. cruush : Candide crush
Après ces deux belles entrées en matière, il est temps de passer à la tête d'affiche de la soirée avec
cruush. Bien que sa fan base soit encore assez confidentielle, le groupe jouit d'une forte reconnaissance critique outre-Manche, les annonçant comme de potentiels leaders de la scène du revival shoegaze. De toute évidence, la proposition musicale de cruush est de loin la plus aboutie de la soirée tant le groupe maîtrise à merveille l'alternance de passage ambiant avec une pop cotonneuse et des ruées de guitares saturées et saignantes. Leur son est ample et fort, un peu trop même et on se colle vite nos bouchons d'oreilles de peur de repartir avec des acouphènes, mais leur jeu de scène est malheureusement bien trop statique. Cela à beau être une marque de fabrique du genre, cela provoque tout de même un peu de lassitude et dessert un peu la prestation globale du groupe qui demeure encore un peu trop scolaire. Sans que ce soit notre grand coup de cœur, on garde une oreille attentive sur cruush dont un second EP sortira au mois d'avril.
Cette soirée Vapour Trail nous a permis de découvrir trois groupes proposant différentes facettes d'un même genre, d'y voir de gros potentiels tout en confirmant qu'il est particulièrement difficile pour des groupes participant à un revival de proposer des univers personnels se démarquant de glorieux ainés aux ombres encore trop présentes.