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La Route du Rock

Saint-Malo, du 11 au 14 août 2016

Live-report rédigé par François Freundlich le 21 août 2016

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Le fort de Saint-Père-Marc-en-Poulet ouvre ses remparts pour la 26ème fois avec une Route du Rock qui se déroule cette année sous un beau soleil. Si les scènes sont plus petites, l’espace disponible réduit, les fouilles anales et le public clairsemé, cette première journée s’annonce comme la meilleure avec notamment le retour des écossais de Belle & Sebastian ou encore les auteurs du meilleur album de l’année à ce jour : Minor Victories.

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Cette mini Route du Rock s’ouvre sur la petite scène des remparts avec les New-Yorkais de Psychic Ills, le groupe idéal pour bouger tranquillement la tête derrière ses lunettes de soleil sans risquer le torticolis. Le duo devenu quintet sur scène a sorti ses habits de lumière, costume blanc et robe longue, malgré leur petit coté dark et cette impression d’avoir Morticia à la basse et cousin machin au clavier. Les adaptations live apportent une dimension supplémentaire à des compositions déjà excellentes : on se souviendra longtemps de cette version à rallonge de I Don’t Mind et ses nappes de claviers krautrock divagants qui nous transportent au septième nirvana de zion. Alors que la chaleur nous rougit la peau, la psychédélique Another Change ralentit le temps, nous donnant l’impression d’être aussi oisifs que cette voix monocorde à la Lou Reed. On attendait avec impatience la douce Coca-Cola Blues et son harmonica façon Neil Young pour apprécier la face folk acoustique de Psychic Ills, le groupe idéal pour un après-midi de festival flâneur. Voilà un apéritif psychique rafraîchissant.

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Le folk se prolonge en début de soirée avec le charmeur Texan Kevin Morby qui nous prend par les sentiments avec ses ballades toutes aussi belles les unes que les autres. Les arrangements minimalistes s'ajoutent à la voix de la guitariste Meg Duffy dont le mélange avec Kevin provoque un sentiment de plénitude, comme une rivière qui s’écoulerait sans encombre. La mélancolique All Of My Life nous ressert la gorge avec ce blues viscéral. Son fameux tube Harlem River n’est pas oublié avec ces quelques notes introspectives s’étendant sur une dizaine de minutes qui nous resteront en tête bien après le concert. On sent que l’américain a acquis une bonne expérience depuis ses tournées dans de petits clubs et ses trois albums tous aussi réussis. Le virtuose à bouclettes explose devant nos yeux ébahis, enchaînant les tubes en mêlant cette profondeur mystique et cette nonchalance pour en sortir des pépites folk-pop torrides. La douceur de la voix de Kevin Morby nous a mis les lèvres dans le bon sens pour le reste de la soirée.

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La tête d’affiche du festival fête cette année ses deux décennies de carrière, tout juste dix ans après son dernier passage dans le fort. Nous gardons un souvenir précieux de ce concert de Belle & Sebastian et retrouvons nos Glaswégiens favoris avec quelques rides mais aussi quelques tubes en plus. L’un d’eux est le titre d’introduction, la pop-song Nobody’s Empire extraite de leur dernier album en date, qui nous confirme immédiatement que le moment à venir sera parfait. C’est une setlist de tubes et de surprises que nous propose le groupe avec l'entraînante I’m A Cuckoo qui nous fait remuer de sa guitare enjouée, ou l’estivale Another Sunny Day qui résonne alors que le soleil se cache délicatement derrière les remparts. Stuart Murdoch ne manquera pas de faire quelques références aux Jeux Olympiques en cours avec les titres The Stars Of Track And Field ou The Loneliness Of A Middle Distance Runner, une vieille face-b d'un single dédiée à la nouvelle recordwoman du monde Éthiopienne du 10 000 mètres. Le single titre de ce même disque, Jonathan David, est également interprété par Stevie Jackson au chant. Ces quelques surprises nous sortent d’une setlist de tubes, même si on aurait apprécié un concert plus long. Les arrangements de cuivres, claviers, flûte ou violoncelle sont toujours d’une précision orchestrale millimétrée, pour des titres d’une positivité à toute épreuve répandant la joie collective sur le festival. Celle-ci s’exprimera évidemment sur The Boy With The Arab Strap ou une partie du public viendra danser sur scène derrière un Stuart assis au piano. Avant cette invasion, une heureuse élue aura même le privilège de danser seule avec le chanteur sur Sukie In The Graveyard. Une dernière ballade achève le set avec l’émouvante Judy And The Dream Of Horses, autre surprise de l’album If You’re Feeling SInister. Belle And Sebastian a montré l’étendue et la qualité de son répertoire avec un set varié, un vrai cadeau pour ce festival qui possède d’après Murdoch la meilleure nourriture et les meilleures toilettes. C’est déjà ça.

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Après ces moments de clarté, sombrons dans l’obscur avec les londoniens de HÆLOS et leur trip-hop orchestral, planant autour de deux batteries et de nappes de synthé hypnotiques. La voix aiguë de la prédicatrice chanteuse Lotti Benardout peut sembler froide et lointaine mais elle est bien souvent rejointe par celle d'Arthur Delaney dans un mélange aérien rappelant parfois The XX. Les instrumentations rappellent quand à elles davantage Massive Attack, dans ces instrumentaux trépident, s’énervant dans la délicatesse. Le tribal dansant côtoie ici la rêverie éveillée avec des samples électro noirs se mêlant à l’organique volcanique. Le halo noir a fait scintiller les premières étoiles sur le festival, nous fermant pour la première fois les yeux grâce à des compositions se vivant avant tout intérieurement. C’est pas là qu’est l’os.

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La formation la plus attendue de la soirée est un "super groupe" qui a sorti en juin un premier disque touchant au sublime. Minor Victories est composé de la divine Rachel Goswell de Slowdive, Stuart Braithwaite de Mogwai, Justin Lockey d'Editors ainsi que son frère James. Si le groupe connaît quelques difficultés en début de set avec une guitare inaudible, le son va s’améliorer par la suite pour rendre pleinement la puissance gigantesque de leurs morceaux. La voix de Rachel est évidemment d’une perfection abyssale, elle règne sur le fort en prêtresse dans sa robe brillante, le moindre de ses sourires nous faisant frémir. Le lightshow nous en met également plein la vue. On retiendra l’intensité des synthés de A Hundred Ropes, qui nous ont transpercé les organes, avec cette montée en puissance des cordes diaboliquement addictive. On a comme cette envie irrépressible que le morceau ne s’arrête jamais, on aurait bien aimé un bouton repeat pour l’ensemble de ce concert. La guitare reprend ses droits sur Cogs avec toujours cette voix mystérieuse et enveloppante. Le mélange des styles est parfait, comme un idéal trouvé entre post-rock, électronique et folk qui apparaît sur les douces harmonies de la géniale Folk Arp et son crescendo magistral. Le tube Scattered Ashes (Song For Richard) terminera de nous achever avec ce gimmick de guitare Springsteenien dansant dans le noir. Encore un titre qui ne nous a pas quitté l’esprit et qu’on doit depuis écouter à dose régulière pour éviter le manque. Minor Victories ont sans conteste livré la meilleure prestation de cette édition de la Route du Rock et peuvent sans trop de problème prétendre à une place majeure dans tous les tops 2016.

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Pour terminer la soirée, ce sont trois groupes de DJs qui vont s’enchaîner dans le fort. On peut se poser quelques questions sur la présence d’autant de musique électronique pour un public pas si adepte. Le fort va donc se vider tranquillement alors que le suédois Pantha du Prince va agrémenter sa techno minimale de samples de sa voix et l’enrichir de dérives bruitistes apportant une touche d’originalité supplémentaire à un style parfois ennuyeux. Le DJ parvient à nous surprendre en relançant ses compositions à chaque instant et en les faisant évoluer dans de multiples directions par l'ajout de percussions, parties vocales graves et robotiques ou autres basses funky. Gold Panda et Rival Consoles lui succéderont pour une fin de nuit froide et androïde.

Nous restons de notre coté sur la chaleur emmagasinée lors du fabuleux set de Minor Victories ou des excellents Belle & Sebastian et Kevin Morby. Voilà un enchaînement qu’on n’est pas près d’oublier et qui valait à lui seul le détour par Saint-Malo cette année !

Crédits photographies : Nicolas Joubard
artistes
    Aquagascallo
    Belle and Sebastian
    Gold Panda
    HÆLOS
    Kevin Morby
    Magnetic Friends
    Minor Victories
    Pantha du Prince
    Psychic Ills
    Rival Consoles