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Tom McRae

Interview publiée par Anne-Line le 22 février 2010

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Pour son cinquième album studio, Tom McRae a décidé de nous emmener voyager. Enregistré entre Londres et New York, la pop classieuse de Tom McRae se teinte de folklore américain et est-européen. Entre deux avions, il a bien voulu se poser pour répondre aux questions de Sound Of Violence et nous faire découvrir ces sonorités nouvelles dans son répertoire.

Le titre de l'album, Alphabet Of Hurricanes, laisse suggérer que ces dernières années ont été assez agitées pour toi. Peux-tu nous en dire plus ?

Je me suis inspiré des noms que l'on donne aux ouragans. Ils suivent les lettres de l'alphabet. Et dernièrement, pour moi, tout a été tellement agité que j'ai eu l'impression de passer à travers plusieurs alphabets ! Ce n'est pas une mise en garde contre le dérèglement climatique, c'est juste une observation sur l'état de ma vie privée. Mes chansons sont comme un parapluie qui m'aident à me protéger de tout ça.

Ç'a donc été une période difficile pour toi ?

Non, pas difficile, mais c'est une manière de vivre peu ordinaire. C'est dur d'être toujours en mouvement et de rester en bonne santé morale et physique. Je ne voulais pas faire partie de ces gens qui semblent être toujours sur des montagnes russes, qui vivent à toute vitesse et sont toujours très agités. Je l'ai fait pendant un temps, puis j'ai eu besoin de m'arrêter et de prendre du recul, de réfléchir sur ce que je voulais vraiment faire de ma vie.

L'instrumentation des morceaux de l'album est beaucoup plus intimiste et spontanée que sur tes albums précédents. Comment l'expliques-tu ?

Je voulais vraiment changer ma manière de procéder. Cette fois-ci, c'est moi qui joue pratiquement tous les instruments. Parfois il n'y a que moi à la guitare, ou bien moi au piano. En plus de cela, j'ai rajouté les instruments que je trouvais autour de moi, de la mandoline, du banjo, des maracas. Tout est allé très vite, presque sans réfléchir. C'était très intéressant, parce qu'en fait je ne joue d'aucun de ces instruments vraiment bien ! Je ne connais que quatre notes au banjo, par exemple. Ce que j'ai voulu sur cet album, c'est que l'on ait vraiment l'impression de m'entendre jouer moi, que ma personnalité ressorte vraiment à travers les instruments.

Pourtant, sur certaines chansons, on entend très clairement les influences du sud et de l'est de l'Europe...

C'est arrivé par accident. J'ai commencé à jouer de la mandoline sur le morceau Won't Lie qui est une valse. Je suis parti d'une base slave, donc j'ai rajouté du banjo, qui sonnait comme une balalaïka, et puis une clarinette, qui donne un côté Nouvelle-Orléans. C'est ainsi qu'on obtient ce mélange très intéressant.

D'un côté il y a ce son slave, et de l'autre il y a beaucoup de références aux Etats-Unis. Summer Of John Wayne, Me & Stetson...

Qu'on le veuille ou non, la culture américaine est notre culture à tous. Je n'essaye pas à tout prix de devenir américain, mais j'ai vécu un temps en Amérique. Inévitablement ces images se retrouvent dans mes chansons. J'ai d'abord atterri à Los Angeles, puis j'ai déménagé à New York, où je suis resté un moment.

Tu as préféré la côte Est ou la côte Ouest ?

La côte Est. New York est très différent du reste des Etats-Unis, un peu comme Londres ou Paris. L'accès à la culture est très facile. Il y a des librairies partout, il y a des cafés, on peut s'asseoir tranquillement à une terrasse. À Los Angeles, on ne peut pas faire ça, ni à San Francisco. Los Angeles n'a pas de centre-ville à proprement parler, pas de centre historique. C'est une ville très morcelée. L'âme de Los Angeles ne réside pas dans ses pierres mais dans ses habitants.

Dans les titres de l'album, tu fais aussi beaucoup référence à la navigation : Told My Troubles To The River, Fifteen Miles Down River...

Je suis très attiré par l'eau. Quand j'en parle dans mes chansons, ce n'est pas juste une métaphore pour parler du cours de la vie, ou de la succession des émotions. Lorsque je cherche l'inspiration, je vais marcher au bord de la rivière, ou au bord de la mer, sur la plage. C'est aussi simple que ça. C'est une très bonne manière d'emmagasiner de l'énergie et de se reconnecter avec soi-même. C'est apaisant de penser que quoiqu'il arrive, les rivières continuent de couler.

Au cours de ta carrière, tu a changé très souvent de maison de disques. Comment cela se fait-il ?

C'est vrai, j'en change tout le temps. Mais c'est normal quand on a une carrière assez longue. Sauf si tu as énormément de succès, auquel cas tu peux te permettre de rester dans le même label et poser tes propres conditions. Ce qui arrive de plus en plus rarement de nos jours... Je suis content du dernier label que j'ai trouvé, Cooking Vinyl, ils aiment vraiment la musique. La plupart des labels ne s'y intéressent pas vraiment, ils la publient juste. Je suis comme un footballeur, je vais de club en club pour chercher le meilleur.

Pourtant tout-à-l'heure, tu disais vouloir rechercher une certaine stabilité...

Oui, mais cela est parfois impossible dans ma vie professionnelle. L'industrie de la musique est dans un état tellement grave en ce moment... Peut-être qu'elle n'existera même plus dans quelques années. Le plus important est de trouver le meilleur moyen de faire entendre ma musique. Et si je dois pour cela changer de label, et bien soit. Et si l'industrie disparaît, et bien je prendrais ma voiture et j'irais jouer chez les gens. Et lorsque je ne pourrais plus conduire, j'inviterais le gens à venir chez moi. Je continuerais coûte que coûte.