Morcheeba

Avec son sixième album, Morcheeba aurait bien trouvé son Atlantide, et nous entraîne à la rencontre de son Dive Deep, aussi fascinant et mystérieux qu’une raie manta sous acides. A l’image de sa sublime pochette bleu lagon, qui encouragera plus d’un pirate à renier ses convictions immatérialistes, le groupe des frères Godefrey, offre une nouvelle étendue de sa capacité de renouvellement, aux antipodes de tous les styles musicaux, à la fois impalpable et pourtant si saisissante. Sur ce Dive Deep les lois de la soul et de la pop sont défiées. Chaque morceau est un bouillonnement instrumental, un tsunami perpétuel qui balaye ce qu’on sait déjà sur le trip hop et toutes autres formes de musiques nomades. Morcheeba nous embarque dans un voyage dont eux seuls connaissent la destination ; un fabuleux mirage apparut sous un soleil de plomb, où le clapotis innocent de l’eau fréquente le blues le plus torturé ; Washed Away.

Il faut dire que depuis une douzaine d’année, le trio, à l’époque porté par la voix de Skye Edwards, s’est vite imposé dans le rôle du fantastique bidouilleur de sons, aux côtés de groupes tels que Massive Attack ou Portishead, instigateurs des premiers styles hybrides. Ecouter un album de Morcheeba, revient à inviter la Motown à Brighton pour un set prodigieux, à scratcher dans un champ boueux du Nick Drake, bref à oublier tout ce qu’on sait sur la musique et à se ré-inventer l’histoire. Désireux de pousser l’expérience à son extrême sur Dive Deep, et d’étendre son univers, la fratrie séparée de Skye a recruté quelques voix, comme Manda, une française qui les a contactés via Myspace, ou Judie Tzuke, dont Paul était très fan.

L’imaginaire de Morcheeba est une bouffée d’opium inhalée par un ado devant le bocal à poissons de ses parents. Fermez les yeux et le poisson rouge prendra des allures de sirène multicolore, qui viendra vous murmurer des mots doux à l’oreille (Gained the world). Le groupe invite à prendre part à son trip, et nous emmène découvrir une mystérieuse cérémonie vaudou (One love Karma) orchestrée par Cool Calm Pete et son hip hop new age. Le son oscille délicatement entre guitares acoustiques et arrangements surréalistes avec un naturel déconcertant, totalement dépaysant, tant et si bien que la remontée à la surface nécessite un sacré coup de pied au fond. Un seul regret : les vrais poissons, eux, devront se contenter du chant des baleines.