Radiohead

L’été approche, les examens aussi alors penchons-nous quelques minutes sur le sujet du bac de philo qui sera proposé à tous les élèves français dans quelques jours: « Le best-of : mascarade commerciale ou réel bilan artistique ? ». Vous avez quatre heures, les lecteurs MP3 et téléphones portables sont bien entendu proscrits, mais vous pouvez néanmoins choisir de ne pas rendre votre copie et de la mettre à disposition gratuitement sur Internet une fois le devoir terminé afin que le public décide lui-même de votre note. Bonne chance.

La maison de disque EMI aura finalement osé : tandis que le groupe est plus que jamais en activité puisqu’en tournée mondiale quelques mois après la sortie du gigantesque In Rainbows et alors que les cinq membres de Radiohead se sont prononcés clairement contre la sortie d’un Best Of cette année, voilà que ce double album débarque quand même dans les bacs prouvant une nouvelle fois au monde entier combien les pauvres maisons de disque peuvent être à la rue quand il s’agit de discuter crédibilité artistique et non chiffre d’affaire...
Car s’il y a bien un groupe dont chaque album (hormis leur premier effort inégal Pablo Honey même si celui-ci contient l’indéboulonnable Creep) est un best-of à part entière c’est bel et bien Radiohead: du bouillonnant The Bends au patchwork synthétique Hail To The Thief, les cinq d’Oxford n’auront justement pondus que des albums d’exception, avec en point culminant le plus grand disque des années 90 (OK Computer) ainsi que la doublette la plus expérimentale qu’un grand groupe de rock "populaire" ait osé pondre au sommet de sa gloire (Kid A / Amnesiac).

Je ne vous ferais pas l’injure de détailler le contenu de ce double Best Of tant chaque fan aurait pu établir sa tracklist préférée et tant chaque chanson de ce groupe merveilleux peut toucher aux tripes comme à l’âme et nous entraîner dans un tourbillon émotionnel d’une puissance exceptionnelle.
Il n’empêche que l’enchaînement de tubes peut finalement nuire à la découverte lente et sereine de l’immense monde parallèle de Radiohead: c’est assez inhumain dans l’excellence d’enchaîner des morceaux comme Just / Paranoid Android / Karma Police / Creep. D’un autre coté, c’est profondément dérangeant de réécouter The Bends après Idiotheque ou encore de déguster la féérique How To Dissapear Completly juste après la jeunette Anyone Can Play Guitar, problème d’époque tellement le groupe a su évoluer d’un album à l’autre et justement refuser le surplace, la facilité et le confort pour toujours aller pousser plus loin l’expérimentation et le risque.

Bref, pour comprendre au mieux le phénomène Radiohead, rien de tel que de découvrir leur discographie lentement et passionnément dans l’ordre chronologique et notamment pour les plus jeunes qui perdent petit à petit la notion d’album et qui disposent là d’un exemple idéal pour ranger leur Ipod au placard et se remettre à feuilleter des livrets de CD ou mieux encore, des pochettes de disques vinyles. Ce double-disque ayant maintenant le mérite d’exister, vous pouvez quand même le copier, le télécharger ou le voler afin d’avoir sous la main un support de choix pour faire découvrir Radiohead à votre petit frère ou à votre grand-mère tout en insistant bien que c’est pour la bonne cause musicale que vous ne l’avez pas acheté.
En effet, à l’heure où le groupe se met encore et toujours plus les énormes médias dirigeants et la machinerie commerciale à dos avec leur volonté humaniste de continuer à se produire dans le monde entier tout en respectant au maximum l’écologie qui nous entoure, il est désormais temps de choisir son camp.

A ce propos, l’examen est maintenant terminé et je conseille vivement à celles et ceux qui ont choisi l’option "réel bilan artistique" à la question proposée de mettre les bouchées doubles quand aux révisions sur les maths et l’économie. A défaut de comprendre l’œuvre de Radiohead, il vous faudra au moins tout ça pour pouvoir espérer un jour diriger EMI…