Emmy The Great porte vraiment mal son pseudo. Rien chez Emma-Lee Moss n’est "great" : ni sa voix, ni ses compositions, ni ses lyrics, ni son visage d’ange. Auraient été plus appropriés Emmy The Really Great, Emmy The Awesome, Emmy The Magnificent, Emmy The LegenWaitforitDary, ...
Là où elle dit juste, c’est dans le titre.
First Love. Impossible de ne pas succomber au charme de ce premier album d’une artiste qui, si elle n’a pas la prétention de faire avancer la musique, a au moins le mérite de faire reculer l’animosité.
Encore plus efficaces que deux tubes de guronsan ou un lancer de David Hasselhoff en maillot
, les 13 titres de ce premier amour s’enchaînent sans fausse note, dévoilant une artiste qu’on savait, depuis ce fabuleux
My Bad, talentueuse mais pas autant, pas sur un album de 43 minutes jamais en manque d’inspiration.
Après ne pas s’être fait remarquée sur les albums de
Lightspeed Champion et
Jeremy Warmsley, elle poursuit donc cette année son petit fantôme de chemin en livrant une œuvre personnelle et sincère, méritant davantage de buzz que Duffy ou autre chanteuse britannique en vogue.
Sorte de sur-Kate Nash, de sur-sur-Lily Allen, Emmy susurre des paroles succulentes sur fond de folk tantôt enjoué, tantôt mélancolique. Avec davantage encore de références que dans cette chronique,
First Love est une ode aux artistes qu’elle cite et auxquels elle se réfère.
Epaulée par un entourage de luxe, Emma-Lee Moss s’est offert ici les services de Christian Madden de
The Earlies à la production, tandis que derrière les instruments se cachent des membres de Three Trapped Tigers, Younghusband, Pengilly’s et Stars Of Sunday League – car Emmy The Great n’est finalement pas que Emma-Lee Moss, comme
Bright Eyes ne se compose pas uniquement de Connor Oberst et
Grandaddy de Jason Lytle (des artistes dont se réclame la jeune Hongkongaise de 25 ans).
Dépeignant un quotidien réaliste avec des mots simples mais poignants, le disque embrasse plaisirs et souffrances avec une sobriété, une précision et un sens de la mélodie sans pareil. »
Evoquant merveilleusement aussi bien
Dylan
«
And you say Dylan is a sentiment
that you don't want to share (…)
And you say Dylan is a sentiment
that no one else will ever understand.
And you say Dylan is a sentiment to you,
But you are only just a man. »
que
Bukowski (
24)
«
First we were born, then we ran slowly out of luck,
you are still not Charles Bukowski and I am not Diane Cluck. »
ou
M.I.A.
«
I always liked this singer,
I remember how you were the one who told me that her name
was either Mia
or M.I.A. »
, Emma-Lee Moss captive par ses paroles réfléchies et, généralement, en opposition avec la musique sur laquelle elles marchent, virevoltent, se tempèrent, allant jusqu’à citer
Cohen, sur
First Love, en réadaptant librement le sublime refrain de SON
Hallelujah :
«
Now the thought of you is burnt
on my body from the first time you did rewind that line from Hallelujah
.
The original Leonard Cohen version. (…)
Hallelujah! Hallelujah!
And the sky was so much bluer.
Hallelujah! Hallelujah!
And the world was so much newer. »
La France vient de perdre son dernier grand poète, le Royaume-Uni gagne un des meilleurs songwriters actuels, où le mot a véritablement autant d’importance que la mélodie. Espérons d’ici là que Emma-Lee Moss et ses musiciens se fassent remarquer et prennent autant d’envergure.