The Horrors

Les médias musicaux français avaient un peu boudé Strange House, excellent disque de freakbeat crado et punk. Il faut dire que la légère hype qui tournait autour de leur look gravure de mode néo-goth avait peut être écorché leur crédibilité indie de ce côté ci de la Manche. Pourtant, cette bande de cheveux noirs est franchement savante, de vrais amoureux de la musique, plus cultivés que beaucoup de leurs ainés. Après le monochrome noir de Strange House, The Horrors dévoilent leurs couleurs primaires : le post-punk, le shoegaze et le Kraut.

Primary Colours souffre du syndrome de la musique d'érudits, impossible de ne pas se lancer dans une grande série de name dropping à l'écoute de l'album. Qui oubliera de citer Joy Division en écoutant Scarlet Fields ou Who Can Say ? Leur sublime Sea Within A Sea ne ressemble-t-il pas à s'y méprendre au Mother Sky de Can ? Et la liste est longue, on pense inlassablement au cours des 10 morceaux à tout nos groupes cultes mais aussi My Bloody Valentine dans ces guitares schizophrènes et le chant hanté de Farris.

Pour autant, Primary Colours s'avère être un excellent disque. La synthèse de toutes ces influences est finalement assez exclusive. Savoir renouveler, innover et creuser des pistes reste toujours un exercice tendu et rarement réussi. Mais les Horrors prouvent avec succès qu'il existe un pont suspendu au dessus des trois gorges. Les chansons sont accrocheuses (Scarlet Fields, Three Decades, New Ice Age) et ne souffrent d'aucun temps morts. Enfin, La production est sublime : les claviers notamment sonnent incroyablement avec des textures kaléidoscopiques grisantes (Mirror's Image, Sea Within A Sea). Merci Geoff Barrow ?

Difficile de ré-inventer un langage rock, les bases de cet idiome se sont profondément encrées. Les Horrors ont beau être jeunes, ils en maîtrisent les expressions avec talent, goût et érudition. Primary Colours parle dans ce registre soutenu et habité. Mais, pour leur prochain album, nous leur demanderons juste de rechercher une note d'innocence.