Cat's Eyes

Et un nouveau side-project au sein des Horrors, avec cette fois-ci Faris Badwan qui vole de ses propres ailes avec la très charmante Rachel Zefira, soprano canadienne. Des univers différents ? Pas tellement puisque leur premier concert en forme de récital s’est passé au Vatican et a offert une performance à la fois sombre (Faris) et angélique (Rachel) à l’ensemble.

Pourtant, on pouvait avoir quelques appréhensions sur une bonne idée potentiellement mal finalisée. Après avoir entendu cette sublime version de I Knew It Was Over au Vatican, la chanson Not A Friend avait refroidi les ardeurs : si la présence des cordes et la mélodie jouant sur un accord entre obscurité et sonorité sortie tout droit d’un marécage étaient plutôt convaincantes, le tout était plutôt lassant à la longue, sans véritable accroche pour l’oreille. M’attendant à trouver deux ou trois titres réussis et trop de remplissage de ce genre, je me lançais donc à l’assaut de ce disque avec pas mal de craintes...
Quelle ne fût pas mon erreur. Car ce premier album de Cat's Eyes est aussi bon que la série à laquelle le groupe emprunte le nom (et dont le rapport est sans doute inexistant) : bien entendu, et cela a été dit un peu partout, Faris Badwan et Rachel Zefira ont opté pour un exercice de style très convaincant, à savoir une musique empruntant beaucoup aux Girls band des années 50-60. Mais si cette base est évidente, l’atout majeur de Cat's Eyes est l’enrobage, la consolidation faite autour de cette base : nappes brumeuses, sonorités lorgnant vers le shoegaze, le krautrock, l’ambiant... Inutile de dire que les fans du dernier album des Horrors risquent fortement d’apprécier le présent ouvrage (Sooner Or Later, par exemple, semble échappée des démos de Primary Colours).

Et c’est dès les premières notes de l’album que la claque arrive, vous retournant totalement : Cat’s Eyes est vulgairement un « hit », un titre puissant et qui, grâce au chœur interprété par Rachel, atteint des hauteurs bien connues des locataires du Vatican. Oscillant entre titres rapides et fougueux (Face In The Crowd, single classieux, ou encore Over You, qui ferait frémir cette chère Lesley Gore) et autres titres beaucoup plus calmes (le très beau The Best Person I Know pouvant concourir pour l’une des meilleures balades de 2011), l’album de Cat’s Eyes n’atteint pas la demi-heure, ce qui est finalement un bon point. Nombreux sont les groupes aux bonnes idées qui ont décidé de s’éterniser pour finalement ennuyer l’auditeur : ici le tout est plutôt bien maîtrisé, et en faire plus aurait été sûrement une grave erreur pour le duo.
Not A Friend reste par exemple le titre le moins abouti, avec The Lull, puisque ne parvenant pas à captiver notre attention et se laissant aller à une monotonie musicale qui fait tâche sur l’ensemble de l’album. Heureusement le duo nous étonne en nous livrant des titres comme Bandit, à la fois farfelu et terriblement accrocheur.

A la sortie des écoutes, nous voilà plus que rassurés : si le duo peut encore faire mieux, Faris et Rachel parviennent toutefois avec un court album à nous infliger une véritable décharge de son « frais », avec au départ un exercice de style que le duo s’est réapproprié pour donner lieu à un disque à la fois irrésistiblement charmant de par ses aspects « pop de girls band » mais teinté de cette noirceur dangereuse et parfois étouffante qui donne toute sa saveur à l’ensemble. Et s’il ne devait rester qu’un titre pour vous convaincre, sans doute serait-ce I Knew It Was Over, final incroyable de beauté, de densité. Des chœurs qui vous hanteront, à n’en pas douter.