Morrissey

Lorsque les Smiths ont débuté, en 1982, Steve Patrick, dit Morrissey, n’en n'était pas à son coup d’essai dans le monde de la musique. Depuis 1970, date à laquelle il créa son premier fan-club dévoué aux New York Dolls, jusqu’à son premier concert, celui de T. Rex en 1972, en passant par la correspondance qu’il envoyait au NME en tant que critique rock amateur, Morrissey a constamment déversé et expié sa dépression chronique dans la musique et ses ramifications.

Après quatre albums studio, quelques compilations et un succès planétaire jamais démenti, The Smiths et la relation entre Johnny Marr (co-fondateur et futur membre de The The) et Morrissey se déchire pour finir par une séparation. Un an plus tard, Morrissey tente alors l’aventure tout seul et sort l’album Viva Hate dans la continuité de The Smiths. Le succès est immédiat pour le plus Playboy des Mods du milieu des années 80s qui enchanta toute une génération d’Anglais avec son The Queen Is Dead et dont, paradoxalement, même le premier ministre David Cameron s’est proclamé fan inconditionnel !
Morrissey, au delà du poète lettré qu’il a été, qu’il est et qu’il sera sans doute toujours, a souvent déclenché les polémiques les plus tordues concernant ses soit disantes prises de position (très) nationalistes ou très provocatrices ; mais avec une gueule d’ange déchu à la carrure d’athlète, celui qui fut le lad le plus aimé des Anglais n’a jamais transigé avec sa famille musicale versée du coté d’un indie rock à textes issu des complaintes d’une jeunesse Anglaise tout juste sortie du No Future et qui entrait dans l’époque encore plus sombre des golden boys et du Thatchérisme et, par voie de conséquence, en forte dépression.
Mais là où The Smiths chantaient Panic ou The Queen Is Dead, Morrissey solo s’est toujours plu à réviser la réelle dépression qui l’habite depuis l’école et à naviguer du coté des mélodies sentimentales et des textes mélancoliques. Pas étonnant donc, que sur cette neuvième compilation (!) en onze ans, on retrouve des titres comme The Last Of The Famous International Playboys ou Every Day Is Like Sunday, hymnes internationaux dédiés aux difficultés des relations homme-femme, homme-homme ou toutes associations d’êtres vivants capables de s’aimer et de s’entre-déchirer.

Sortie sur EMI, cette énième compilation, issue du grand bazar eighties ouvert 24h/24 depuis quelques années, regroupe dix-huit titres remasterisés de la carrière solo de l’ancien leader des Smiths. Une version plus riche est proposée en collector incluant un DVD de douze vidéos dont une version live et inédite de I’ve Changed My Plea To Guilty. Pour être complet, EMI publie également pour l'occasion des singles avec Glamourous Glue en version enchanced CD ou en vinyle simple ou picture disc. À noter que leurs faces B recèlent des inédits provenant des séances d’enregistrement de Viva Hate (Treat Me Like A Human Being et Safe, Warm Lancashire Home). EMI sort donc la grosse artillerie pour cette neuvième compilation du grand Morrissey.
Ceux qui ont suivi l’épopée de ce garçon terrible d’un mètre quatre-vingt dont les déclarations ne sont jamais anodines (il vient de se mettre à dos la Famille Royale d’Angleterre) et détiennent déjà ses huit autres compilations ne trouveront sûrement pas grand chose de neuf dans celle ci, musicalement parlant ; exceptés une remasterisation digitale de bonne qualité et quelques titres plus difficiles à trouver sur les précédentes (Interlude, November Spawned A Monster). Mais même le dernier titre, reprise de neuf minutes du Moon River d’Henri Mancini et Johnny Mercer qui, soit dit en passant n’a rien d’extraordinaire dans cette même version, était déjà présent sur la compilation The World Of Morrissey et ne mérite peut-être pas la surconsommation.

Autant foncer directement sur la version collector agrémentée du DVD et en profiter pour admirer la formidable prestance scénique de Morrissey, bien plus intéressante qu’une énième réédition de ses titres les plus connus.