The Victorian English Gentlemens Club

Dans cette guerre séculaire qui oppose le mainstream à l'expérimental, la musique populaire dite « bas de gamme » à l'underground (forcément) hype, certains feraient presque figure de marginaux à vouloir tenter le grand écart entre deux extrêmes vendus comme irréconciliables.
N'en déplaise à celles et ceux qui aiment à cataloguer, ces équilibristes se moquent des étiquettes comme de la guigne : attachés à leur liberté de composer, ils n'en oublient pas pour autant de trousser de chouettes mélodies, de celles qui vous donnent envie de fredonner, de taper du pied, et, plus important encore, de revenir au disque la première écoute révolue.
Avec Bag Of Meat, The Victorian English Gentlemens Club confirment à qui veut l'entendre qu'ils appartiennent bien à cette frange d'artistes casse-cou et volontaires.

On n'ira pas jusqu'à dire que la musique des gallois est « for the masses », la balance penchant d'ailleurs plus de l'autre côté. Sur Bag Of Meat pourtant, pas de fougue crado-punk sans accalmie salvatrice, pas de rythmes déstructurés sans refrains faciles d'accès, pas d'expérimentations éreintantes et baroques sans émotions des plus primaires.
A cloche-pied sur la corde raide, le trio s'efforce de maintenir ce précaire équilibre, et s'il lui arrive de donner à plusieurs reprises dans le dispensable (la grande majorité de John Denver's Wife ; les couplets, crispants, d'un Pistol Whipped aux faux airs de musique de cirque), ce qu'il nous livre in fine sonne comme un joli dérapage semi-contrôlé. Parmi les moments les plus marquants de l'opus, on retiendra alors le doux-dingue Richer Than My Tribe, le groove racé de Fire In The Wife, et la schizophrénie affichée (en atteste l'enchevêtrement sans fin des voix d'Adam Taylor et Louise Mason) de A Conversation.

Pourtant dénudé de singles bien gras, Bag of Meat sait donc se montrer stimulant et prenant pour qui aiment les groupes aux univers affirmés autant que singuliers ; aventureuse, la musique de The Victorian English Gentlemens Club n'en reste pas moins pop dans l'âme, et c'est ce qui la sauve à n'en pas douter du néant qui s'offrait à elle. Car si nos trois gallois ont jusqu'alors fait preuve d'une relative retenue, ils éprouvent encore un certain mal à canaliser leurs pulsions expérimentales : avec eux, on le sait, l'excès (et donc le maniérisme) n'est jamais bien loin, et c'est là tout ce qui les empêche de produire ce qu'on a pour habitude d'appeler un très bon produit.