logo SOV

The Victorian English Gentlemens Club

Paris, L'International - 31 octobre 2011

Live-report par Julien Soullière

Bookmark and Share
19h, c’est ce que ma montre bas de gamme indique, mais je fais déjà le pied de grue devant les portes branlantes de l’International. Annoncé à 20h, le premier concert ne débutera théoriquement qu’une heure plus tard. Une longue attente en perspective, donc, synonyme d’un cortège de bières bien fraîches, et de conversations plus ou moins intéressantes avec des gens qui le sont tout aussi aléatoirement. Plus que trois clopes. J’en prends une et l’allume, malhabilement.
Nul besoin d’être un fin limier pour se rendre compte qu’en cette nuit d’Halloween, la rue Moret est aussi vide d’âmes humaines que l’Oberkampf est noire de badauds. Cette dernière, il est vrai, croule souvent, pour ne pas dire toujours, sous le poids des gens et du bruit. De souvenir, pourtant, il y a toujours eu plus de monde que cela pour s’en griller une devant ce chouette bar-concert qu’est l’International. Il est encore un peu tôt, bien sûr, mais je me fais quand même à l’idée que beaucoup auront préféré donner dans la soirée déguisée.

SOV

Le temps passe, les minutes s'égrènent, et c’est donc non sans un certain étonnement que je vois le bar se remplir. Assez copieusement d’ailleurs, en conséquence de quoi j’opte pour la cave, histoire de mettre la main sur la fraîcheur qui semble s’être décidée à déserter l’étage supérieur.
Une fois en bas, à peine le temps de terminer ma bière que les trois bonshommes à ma droite se dirigent vers la scène pour empoigner leurs instruments. Les Polar Bird, c’est ainsi qu’ils se nomment, ont la lourde tâche d’ouvrir le bal, opération d’autant plus ingrate qu'il n'y a pas grand monde pour se soucier d’eux. Pas grave, les gaillards ont l’air d’en avoir vu d’autres, et c’est avec la nonchalance d’un bon groupe de potes qu’ils enfourchent l’estrade, un premier titre balancé dans la foulée.
Les morceaux s’enchaînent, et je me surprends soudainement à baisser la garde. Houston, we’ve got a problem. Pour être honnête, la prestation servie est un peu fade, si ce n’est carrément barbante. Il faut dire que les musiciens apparaissent comme particulièrement mollassons, et c’est d'ailleurs là que le bas blesse le plus. Si Dame Energie eut été de la partie, on aurait certainement pu assister à un concert sympathique. Rien de marquant, certes, mais dans la moyenne de ce qui sert habituellement de starter. Un set qui fait dans le titre expéditif, et qui lorgne tout autant du côté de Dinosaur Jr. que de celui de Sonic Youth, ça ne peut pas tomber à plat comme ça. Ça ne doit pas tomber à plat. Quoiqu'il en soit, j’entends des applaudissements, et celles et ceux qui sont là depuis le début - une petite poignée d’individus amassée au devant de la modeste scène - ne semblent pas vouloir partir. Ils resteront même jusqu’au bout. Victoire.

SOV

Mine de rien, la soirée a déjà fait son chemin. Sur scène, les petits gars de Polar Bird rangent leurs affaires à mesure que qu’Orval Carlos Sibelius et ses compères investissent les lieux. Derrière ce drôle de pseudonyme, un nom, un vrai: Axel Monnaud. Personnage à tiroirs, le français a déjà vécu plusieurs vies, au travers desquelles il a œuvré aussi bien dans la power pop que dans le prog-folk médiéval (dans un obscur groupe dénommé Centenaire). En six ans, il n’a signé que deux albums sous le patronyme d’Orval Carlos Sibelius; c’est dire si le monsieur est du genre occupé.
Une fois tout le monde en place, le maître de cérémonie rajuste son nœud papillon, de même que sa guitare verdâtre, regarde une dernière fois autour de lui, et se décide, enfin, à donner le la. Ni une, ni deux, sa joyeuse troupe lui emboîte le pas, débutant les hostilités à coups de basse, batterie et autre trompette costaude. Au bout de deux titres seulement, je me dis que tout ceci tient pour sûr de la fanfare pop estivale; il y a des mélodies, plus ou moins évidentes, j’en conviens, de la chaleur (Monnaud définit lui même sa musique de prog-tropicale...), et même un brin de festivité, autant d'éléments propres à les faire passer pour des cousins retors des Little Comets. Plutôt sympathique.
Du côté des invités, sans aller jusqu’à dire que la foule est en liesse, on se rend bien compte de l’intérêt suscité par le groupe ; les mains s’entrechoquent, entre chaque titre, comme en fin de set, et les sourires se dessinent sur les visages. Orval Carlos Sibelius a fait le boulot : il a séduit.

SOV

Ça y est, je bâille. La journée de boulot à fait son œuvre, et bien qu’impatient de voir The Victorian English Gentlemen Club jouer sa partition, j’ai un mal fou à ne pas m’endormir, raide sur mes deux jambes. Entre deux trous noirs, j’entre aperçois malgré-tout Adam Taylor et Louise Mason s’activer sur scène ; l’occasion pour moi de comprendre que je les ai très souvent croisés ce soir.
Affublé d’un horrible pull vert à paillettes, Adam déambule sur les planches avec l’air de celui qui ne sait pas bien ce qu’il fait là. Louise, elle, semble légèrement plus consciente, n’hésitant pas à escalader ce qui se trouve sur son chemin pour arriver à ses fins. Aucune classe, bien qu’efficace.
Quelques ornements floraux disposés ici et là, un micro-combiné de téléphone installé à droite de la scène, voilà pour les éléments de décor. Passées ces quelques fioritures, le groupe s’élance finalement ; c’est Card Trick With A Chimp qui sert de mise en bouche, et revêtir, sans le savoir vraiment, les frusques du messager de la mort. Piégé dans son monde, alors que déjà desservi par une acoustique effroyable (bien qu’elle ne fût pas exceptionnelle auparavant, ce n'avait pas été aussi flagrant), le groupe va proposer un set hermétique au possible, et plus proche d’un maelstrom sonore que d’une pièce d’horloger suisse. Une véritable douche froide pour ceux qui, comme moi, connaissaient les mauvais travers du groupe (tendance au brouillon, à l’expérimentale lourdingue, en atteste notamment John Denver's Wife), mais espéraient malgré tout un concert plus empathique et professionnel que cette potée. Même A Conversation et My Imagination Can't Save Me Now sont sabordés, c'est dire.

La fatigue n’aidant en rien, la migraine montre soudain le bout de son nez, et ce qui n’était, quelques morceaux durant, qu’une simple envie devient pure réalité : je tire ma révérence.