Tunng

Comme un passage obligé pour tout groupe affleurant une certaine renommée publique et une vraie reconnaissance de ses pairs, l'album live constitue une sorte climax pour les groupes qui s’y adonnent et, pour l’occasion, de la formation néo-folk Tunng, née en 2003 de l’association de Sam Genders et Mike Lindsay.

Orphelin des Peel Sessions, que l’infatigable John Peel aura menées pendant 37 ans jusqu’à sa mort en 2004, l’Angleterre retrouve dans les sessions de la BBC la relève et le ton des live joués en studio radio avec, comme pour les désormais célébrissimes Peel Sessions de The Cure ou Joy Division, des imperfections jouissives, des libertés de jeux et des sonorités que seules les conditions d’un live maîtrisé peuvent offrir à des titres déjà connus de tous.
En cela, ce This Is Tunng... Live From The BBC, compilation de sessions radio enregistrées tout au long du parcours du groupe est plutôt frustrant. Alors que Tunng, désormais sous la seule houlette de Mike Lindsay après le départ de Sam Genders, use, au gré des envies, de coquillages en guise d’instruments et joue sur scène les prolongations sur des titres comme Bullets – qui pour l’occasion peut durer jusqu’à huit minutes - les versions proposées ici sonnent trop studio et pas assez live. Peu de folie, peu de dérapages dans les tonalités ou les sonorités dans cet univers, il est vrai, totalement contrôlé d’un studio de radio hautement technologique.
Tout ceci est d’autant plus surprenant que Tunng, qui peuvent paraître manquer de punch sur des versions albums, parfaitement travaillées et tirées à quatre épingles, donnent un tout autre ton sur scène. Ils y délivrent une nouvelle image et poussent la performance - signe de reconnaissance des grands - jusqu’à surprendre et faire redécouvrir des titres pourtant écoutés maintes fois mais bénéficiant là de prises de liberté et d’une folie qui ne s’expriment pas seulement dans les lunettes de Mike ou les tics nerveux de Sam mais aussi et surtout dans une expression personnelle de cette musique entre folk électro et rock paresseux ; héroïque même quand l’orchestration s’envole au dessus de la mêlée.

On notera le Tamatant Tilay (La Mort Est Là) repris et joué avec les Tinariwen, les musiciens Touaregs, dans une version intimiste enregistrée lors d’une session indélébile dans les cœurs des membres de Tunng. Leur affection pour les chœurs et cette musique arabisante donne toute l’étendue du son Real World qu’affectionne l’ancien groupe de Sam Genders, en retrait de Tunng depuis 2007 pour cause de dépression artistique... qui l'aura mener à former Diagrams en 2011. Mike Lindsay, après avoir joué au festival Airwaves en Islande, s’est lui-même mis en retrait et a déménagé dans les contrées glacées de ce pays de feu. Il travaille actuellement, dans un studio de fortune sur un album composé avec les Cheek Mountain Thief, membres de la communauté Islandaise Husavik.
L'univers de Tunng a ceci d’agréable que, sur des titres dont les compositions peuvent sembler simplistes ou déjà entendues, l’orchestration faite de dizaines de détails qu’il convient d’apprécier au calme voire au casque, ainsi que les voix de Mike, Sam et Becky, contrebalancent avec talent ce manque de complexité mélodique et réconfortent les auditeurs et critiques les plus exigeants.

Naked In The Rain ou l’inévitable et jouissive ballade militaro post Victorienne (réécoutez Jona Lewie et son Stop The Cavalry !) qu'est Bullets en sont ici les meilleurs exemples.