Gallops

Parfois hargneux, parfois planant, tantôt paré de touches électroniques, tantôt épaulé de cuivres... le rock dit « instrumental » (comprendre, large place faite aux instruments, et peu ou pas de paroles), est connu pour être protéiforme, mais, et c’est là tout le paradoxe, a quand même fini par tourner sur lui-même, jusqu’à lasser. Oui, mais ça c’était avant, car le premier album de Gallops vient tout juste de nous arriver.

A ces pérégrinations musicales tortueuses, qui en deviennent harassantes à force de ne plus savoir où ni comment en finir, à ces morceaux façonnés par des gens qu’on croirait plus intéressés par leur propres prouesses techniques que par le plaisir que vont pouvoir ou non éprouver celles et ceux qui tendront l’oreille, Gallops préfèrent faire la démonstration qu’une synthèse est possible, que le génie créatif, ce fameux talent, c’est avant tout de savoir faire appel à son courage sans négliger son sens de la mélodie. A ce petit jeu, les anglais ont donc réussi là où ont jusqu’à présent échoué Three Trapped Tigers, leurs néanmoins talentueux mentors (la production de ce premier album est d’ailleurs signée Matt Calvert), avec qui la filiation est aujourd’hui plus qu’évidente. Message d’espoir à destination de tous les futurs parents : on n’enfante pas que des monstres.

Vivifiant, voilà donc le mot qui convient sûrement le mieux à ce premier long format. (Presque) tous les goûts sont dans Yours Sincerely, Dr. Hardcore, mais s’il existe peut-être une constante pour lier entre eux les différentes pièces du puzzle, c’est cette sensation de chaud-froid induite à l’écoute de chacun des dix morceaux. Ainsi, toujours imprégné d’une bonne dose de vélocité, les titres de l’album semblent être aussi joueurs (les accents math-rock de Rythm Is A Misery, ou ces sons qui, sur Hongliday, évoquent le bruit que feraient en touchant le sol les sabots d’un poney un peu trop jovial) que décidés à nous remonter les bretelles. En témoignent, les relents grassement hardcore qui viennent égratigner des morceaux comme Hongliday ou Lasers, et le froid de cathédrale que vient souffler le baroque Bromden, où les cordes sont grattées jusqu’à provoquer le déploiement d’une immense vague d’effets stroboscopiques. Organique, électrique, mais aussi éclectique, le premier jet de Gallops est du genre charismatique.

Yours Sincerely, Dr. Hardcore, et ce n’est pas son nom sous forme de clin d’œil qui fera penser le contraire, est donc la signature d’un groupe tout neuf, mais déjà bien calé dans ses charentaises. Florilège d’ambiances et de surprises, l’album surprend autant qu’il émoustille, et devrait parler à plus de monde qu’on ne pourrait le croire. Et puis, il arrive juste à temps pour prendre la place qui lui revient de droit dans le panthéon UK de cette année 2012.