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Outfit

Performance

Outfit - Performance
Chronique Album
Date de sortie : 12.08.2013
Label : Double Denim Records
45
Rédigé par Fantin, le 6 août 2013
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L'heure tant attendue par les fans d'Outfit est enfin arrivée. Encore trop peu nombreux compte tenu de la perfection dans laquelle évolue leur groupe fétiche, ceux-ci devraient enfin voir leur faim rassasiée. Il faut dire que les deux premières livraisons de la formation avaient de quoi attiser les plus grandes passions. Aussi vaste que soit la scène musicale britannique, rares sont les acteurs qui, à l'image de ces cinq liverpuldiens, y créent un son nouveau, y écrivent une poésie aussi admirable.

Sombres, psychédéliques et pop, Two Islands/Vehicles (2011) et Another Night's Dreams Reach Earth Again (2012) ont posé les bases d'une aventure qui a su dès ses premières lignes se distinguer et séduire. Apparemment conscients de leur réussite précoce et pour le moins ambitieux, les membres d'Outfit n'ont pas choisi la facilité pour leur première Performance long format. Après deux ans passés dans la capitale anglaise, les liverpuldiens s'en sont allés retrouver leur ville d'origine, là où leurs premiers accords ont été joués alors qu'ils vivaient ensemble dans un foyer d'artistes multi-disciplinaire : le dénommé The Lodge. Il faut dire qu'ils doivent beaucoup à ce dernier. Les avoir fait vivre dans un environnement aussi densément peuplé et pourtant sans contrainte les a poussés à une réflexion sociale et personnelle qui, d'après Andrew Hunt (chanteur assurant également claviers et guitares), a été fondatrice de l'identité du groupe et même de ce premier album.

C'est d'ailleurs le propriétaire des lieux qui a permis son enregistrement. Le landlord possédait un block d'immeubles abandonnés dont l'un, à l'architecture rétro-futuriste que l'on peut observer sur la pochette du disque (un ancien refuge qui accueillait les demandeurs d'asile, pour l'anecdote), a été transformé en studio d'enregistrement au bénéfice du groupe. Ses membres ayant alors la possibilité de prendre tout le temps qu'ils désiraient pour concevoir de façon perfectionniste cet album, purent s'y installer dès octobre 2012. L'enregistrement dura jusqu'en février dernier, et nous parvient à ce jour grâce au prolifique label Double Denim.

Et l'on n'est pas déçu. Performance déballe dès ses premières mesures un son puissant, d'une sublime profondeur. Entre samples, synthétiseurs et beats ravageurs, Outfit, à travers une modernité remarquable, témoigne d'un grand talent de production. Nothing Big, n'évoquant aucun groupe déjà existant, nous immerge dans la noirceur à laquelle on savait les liverpuldiens attachés, et non sans poésie. "Staring into space / I can see it all / There's nothing big anyway", tels sont les vers au travers desquels le cynisme d'Andrew Hunt témoigne d'un désabusement social et matériel des plus parlants. Ainsi démarre cette oeuvre majestueuse qui, tout en faisant varier les plaisirs auditifs, forme une réelle unité.

Entre tubes sombres et entrainants et titres d'une mélancolie des plus touchantes, le groupe parvient tout au long de ces quarante-quatre minutes à allier une production électronique puissante à son écriture subtile. Les tubes ravageurs que constituent le néo-post-punk de I Want What's Best et l'impressionnant House On Fire (probablement l'un des meilleurs singles de 2013) rendent vite compte d'un fait peu banal : Outfit est d'ores et déjà entré dans la cour des grands. Difficile encore une fois de lui trouver des pairs. Si les sons de synthèse saturés orchestrant House On Fire peuvent tout de même évoquer certains producteurs électro actuels, ce n'est pas un hasard. Le quintette s'est dit inspiré par les oeuvres de Nicolas Jaar, également par celles de Caribou.

Mais là où réside l'excellence de cette jeune formation, c'est bien dans sa capacité à varier les ambiances, les textures et les émotions. Passés ces tubes majestueux, Outfit plonge au travers de Spraypaint dans un psychédélisme troublant. La mélancolie qu'il contient, d'abord déguisée par une rythmique dansante, vient au fil du titre prendre le dessus. Sublime.
Performance l'est tout autant. Seule composition armée d'une mise en forme pleinement minimaliste, celle-ci affiche davantage la sensation de malêtre, allant jusqu'à la transmettre à son auditeur, bouleversé.
Jamais la musicalité ne perd en qualité. Le songwriting, lui aussi constamment remarquable, parvient tout au long du disque à émouvoir par sa mélancolie. Et quand démarre Thank God I Was Dreaming, Outfit surprend une fois encore, associant de la plus belle des manières une composition pop et personnelle à des percussions post-dubstep, des samples et, au premier plan, une basse des plus entraînantes.

Achevé sur le single qui avait révélé le groupe en 2011, ce premier album réussit jusqu'à sa fin à maintenir dans une cohésion sans faille les titres qui le composent, tout en faisant varier les atmosphères et sonorités. Si certains pourront y trouver quelques longueurs, notamment au cours du progressif Elephant Days, celles-ci tendent à se faire oublier au fil des écoutes tandis que les subtilités d'écriture se font davantage sentir. Quel groupe peut se vanter d'avoir abouti une telle œuvre en guise de premier album ?
Bande son d'une modernité foisonnante et mélancolique, Performance constitue à la fois une oeuvre sincère et une prouesse technique. Il est l'un de ces albums que l'on continuera d'apprécier dans dix ans, alors qu'on l'espère, le groupe aura gagné en notoriété et nous aura livré bon nombre de nouvelles pépites à son image.

Pour l'heure, on se contente d'écouter à répétitions cette merveille sans réel défaut, que l'on peut dès à présent classer parmi les très grands albums de cette année déjà bien entamée.
tracklisting
    01. Nothing Big
  • 02. I Want What's Best
  • 03. House On Fire
  • 04. Spraypaint
  • 05. Performance
  • 06. Elephant Days
  • 07. Phone Ghost
  • 08. Thank God I Was Dreaming
  • 09. The Great Outdoors
  • 10. Two Islands
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    House On Fire - Spraypaint - Thank God I Was Dreaming - Two Islands
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