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Outfit

Interview publiée par Fab le 27 décembre 2013

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Auteurs depuis leurs débuts d'une poignée de titres proposés sur un EP et un single, Outfit ont confirmé en 2013 leur potentiel avec la sortie de leur premier album, Performance, chez Double Denim Records. De passage à Paris il y a quelques semaines pour y assurer la première partie de MS MR, nous avons rencontré les cinq anglais pour en savoir un peu plus sur leur univers...

Vous avez déjà joué à quelques reprises en France ces deux dernières années, quels souvenirs en gardez-vous ?

Thomas : Le concert donné à la Flèche d’Or était difficile. C’était notre première fois ici et le public était très silencieux entre les chansons qu’il est au contraire plutôt bruyant au Royaume-Uni. Celui donné l’an dernier au Pitchfork Music Festival reste l’un de mes meilleurs souvenirs avec Outfit, il était très important du point de vue mental comme au niveau de la taille du lieu. Nous étions tous très nerveux...
Nicholas : Et le concert était diffusé en direct sur Internet...
Thomas : Il devait y avoir environ mille personnes devant la scène et nous avions sans doute gagné quelques fans ce jour-là. Des personnes qui ne nous avaient jamais entendus auparavant.

Tout au long de ce mois de novembre vous allez assurer les premières parties de MS MR, Dutch Uncles, Crystal Fighters ou Everything Everything. Jouer en ouverture d’un autre groupe est-il une expérience que vous appréciez généralement ?

Thomas : Lorsque tu es en tournée de manière intensive, en jouant chaque soir, cela ne peut qu’être bénéfique. Tu prends certaines habitudes, tu gommes petit à petit certaines erreurs. Le sentiment peut être différent selon les soirs, mais en règle générale c’est une bonne chose d’assurer des premières parties. Quand tu prends le temps de discuter avec des gens près du stand merchandising après un concert, tu vois que certaines personnes ont aimé ce qu’elles ont entendu. Cela te permet de toucher de nouveaux fans.
Nicholas : Il y a quand même une différence entre le Royaume-Uni et l’Europe. Sur le continent le public prend le temps d’écouter la musique alors qu’au Royaume-Uni personne ou presque ne s’intéresse à ta musique quand tu es la première partie. Le promoteur te donne quelques bières, tu joues et cela s’arrête là.
Thomas : En France, jusqu’à maintenant, nous avons toujours eu l’impression que l’on s’occupait bien de nous. Nous sommes bien nourris, les conditions d’accueil sont bonnes.

La création d’Outfit remonte à quelques années maintenant, comment vous êtes-vous tous rencontrés ?

Thomas : Andrew et Nicholas sont frères, ils se connaissent donc depuis toujours. J’ai rencontré David pour la première fois à Glastonbury via un ami commun et nous avons commencé à jouer de la musique électronique tous les deux en plus des autres groupes dans lesquels nous étions impliqués. Je suis allé à l’école avec Andrew, il nous a par la suite rejoints et nous étions alors trois à cette époque. J’ai rencontré Christopher lorsque je travaillais dans un musée sur l’espace, nous nous entendions très bien et il m’a dit qu’il était un excellent bassiste. Je n’avais aucune raison de ne pas le croire, il est venu avec nous lors de répétitions et il s’est avéré qu’il ne m’avait pas menti ! Cela fait environ deux ans et demi que nous jouons ensemble.
Nicholas : Nous avions commencé par jouer une sorte de croisement de math-rock et de rock progressif. Un mélange entre Devo et King Crimson d’une certaine manière...
Thomas : Nous avons fini par nous ennuyer et avons souhaité jouer de la musique plus simple mais aussi plus directe d’un point de vue émotionnel. Andrew et moi écrivions les paroles ensemble et nous voulions que nos chansons possèdent plus de profondeur.
Nicholas : Pour faire simple, je crois que nous avons voulu jouer de la musique un peu plus mature. Pendant un certain temps je pense que nous cherchions à imbriquer le plus d’idées possibles mais à un moment il fallait passer à autre chose.

Le rythme de vos sorties a été plutôt lent depuis vos débuts : un single en 2011, un EP en 2012, puis votre album l’été passé. Comment l’expliquez-vous ?

Thomas : De nos jours, n’importe quelle personne peut sortir des disques à partir du moment où elle est équipée d’un ordinateur. En un sens, il est devenu facile d’être prolifique. En tant que groupe, nous avons préféré prendre notre temps pour bien faire les choses plutôt que de sortir nos chansons juste pour une question de principe. Je ne crois pas que notre rythme de travail a été si lent : notre premier single est sorti en septembre 2011 puis notre EP a été achevé en février 2012 pour une sortie en mai. Nous avons donné des concerts durant quelques temps puis nous avons consacré environ six mois à notre album. Si tu ajoutes à cela la nécessité de traiter tous les détails liés à la sortie du disque par la suite, nous avons suivi un rythme plutôt normal je crois.
Nicholas : Pour entrer dans le moule de l’industrie du disque, nous aurions sans doute du publier quelques singles entre temps avant de passer à l’album. De l’extérieur je comprends que tout cela puisse sembler assez lent, mais en tant que membre du groupe je ne vois pas comment nous aurions pu procéder plus rapidement.
Thomas : Lorsque nous avons écrit et enregistré des démos en vue de ce premier album, nous avons décidé de jeter un certain nombre d’idées pour partir sur de nouvelles bases.
Nicholas : Nous avions certaines certitudes avant de commencer à travailler sur l’album mais petit à petit nous avons abandonné des idées qui ne nous semblaient pas fonctionner. Peut-être aurait-il été préférable pour nous de sortir des singles plus rapidement de manière à ce que la presse continue à s’intéresser à nous, mais au final cela aurait fini par nous desservir. Nous ne voulions pas être le groupe à voir pendant quelques semaines puis disparaître avant même de sortir un disque.

Parmi les chansons tirées de votre single et votre EP, seule Two Islands figure sur l’album. Pourquoi ce choix ?

Thomas : C’est la seule que nous ayons conservée effectivement. C’est une très bonne chanson et du point de vue des textes elle collait parfaitement avec le reste de l’album. Nous voulions prendre nos distances par rapport à notre EP sur ce disque mais la nouvelle version de Two Islands que nous avons enregistrée sonne encore mieux que l’originale, c’est pour cela qu’elle figure sur l’album. Nous ne voulions de toute façon pas conserver trop de vieilles chansons.
Nicholas : Toutes les chansons présentes sur notre EP sont au final déjà sorties, donc pourquoi les sortir à nouveau ?

Tous vos disques sont jusqu’à maintenant sortis chez Double Denim Records. Comment les avez-vous rencontrés ?

Thomas : Notre manager, Hari, est allé à l’université avec Andrew, et il a vécu un temps avec nous dans une grande maison à Liverpool où nous étions tous les cinq rassemblés. Il est ensuite allé à Londres et y a fondé Double Denim Records. Il était naturel de travailler avec lui, nous le connaissions depuis si longtemps... Il nous a toujours beaucoup aidés d’un point de vue artistique mais aussi organisationnel. Nous avons une excellente relation avec lui.

Vous avez-vous-mêmes vécu durant quelques temps à Londres avant de retourner à Liverpool pour y construire votre propre studio. Pour quelle raison ?

Thomas : Nous avions besoin de plus de flexibilité pour travailler. Si nous avions dépensé beaucoup d’argent pour quelques semaines en studio, notre album n’aurait pas été bon.
Nicholas : Si nous étions restés à Londres, nous n’aurions pas pu nous permettre de louer un studio pour trois semaines...
Thomas : A Liverpool, tout est beaucoup moins cher. Nous avons rencontré une personne louant un ensemble de chambres et nous nous sommes arrangés avec lui pour transformer sa salle à manger en studio d’enregistrement.
Andrew : Notre manière de travailler fait que les chansons évoluent par petites retouches lorsque nous sommes en studio. Il nous fallait que tout soit écrit dans un premier temps avant de procéder à des enregistrements et décider quelle portion devait évoluer ou rester la même.
Nicholas : Si ton temps en studio est compté, que tu sais que tu ne dois pas accorder plus de deux heures à une chanson, tu ne vas pas pouvoir t’attarder sur des détails ou prendre des risques pour améliorer les choses. Quand tu n’as pas de contrainte de temps, tu peux te montrer plus aventureux, tester tes idées et voir si le résultat te convient.
Thomas : Je pense que notre approche évoluera pour notre prochain album. Il sera intéressant de poser certaines limites pour voir ce que nous sommes capables de produire.
Nicholas : Il faut trouver un équilibre, ne pas toujours chercher à améliorer sans cesse de petits détails, sinon tes chansons perdent en spontanéité. Tu leur retires leur vitalité. Du point de vue financier, le groupe peut aussi continuer à exister facilement. Même si personne ne souhaite nous aider pour notre prochain album, nous serons capables de l’enregistrer quand même dans notre studio.

Votre premier album a pour nom Performance, à quoi se réfère-t-il ?

Nicholas : A l’image du nom du groupe, c’est un terme universel en quelque sorte. Tu peux y voir de très nombreuses significations relatives au comportement, à la musique, à qui tu es... Enregistrer un album est une sorte de performance.

Certaines de vos chansons à l’image de House On Fire, dégagent une atmosphère plutôt sombre. Le disque l’est-il lui aussi d’une manière générale ou est-il plutôt optimiste selon vous ?

Andrew : Il y a sans doute un peu des deux. Il n’est pas question dans nos chansons que tout soit parfait, mais si je prends l’exemple de Thank God I Was Dreaming l’idée est de parvenir à obtenir quelque chose de positif à partir d’éléments négatifs. Je pense que tu peux trouver deux facettes différentes sur le disque : le désespoir mais aussi l’optimisme.
Thomas : Certaines chansons peuvent avoir des passages plutôt sombres...
Nicholas : Nous ne sommes jamais nihilistes, nous n’évoquons pas le vide. Ce sont plutôt les moments de la vie où tu te sens triste que nous évoquons, mais cette tristesse peut être différente, se rapprocher de la mélancolie qui est pour moi une version optimiste de la tristesse. Ce n’est pas quelque chose de négatif car elle fait partie d’une introspection, tu es à la recherche de quelque chose de meilleur.
Andrew : Cela signifie que tu es conscient de tes émotions, ce qui est nécessairement positif.

Certaines sonorités ou rythmiques dans vos chansons se rapprochent du hip-hop. Ce style musical fait-il partie de vos influences ?

Nicholas : Je pense immédiatement à Spraypaint quand tu dis cela.
Thomas : La rythmique de Nothing Big également...
Nicholas : Ce genre de rythmique n’a pas été imaginé comme un groupe indie le ferait, nous nous sommes plutôt placés du point de vue d’un artiste électronique. Et en plus de cela, David aime beaucoup Drake ! (rires)

Comment parvenez-vous à trouver le juste dosage entre la musique indie et des sonorités plus électroniques ou expérimentales ?

Andrew : Nous nous sommes assuré que les éléments électroniques utilisés dans nos chansons ne sonneraient pas trop... électroniques. Nous cherchons toujours à rester conscients de la nécessité de conserver une texture organique avec ces sons, en utilisant par exemple des bruits de la vie de tous les jours. Les roues d’un skateboard sur le sol, le bruit des pas d’une personne marchant dans l’herbe... Nous les utilisons ensuite d’une manière digitale.

Que nous réserve Outfit pour l’avenir ?

Andrew : Nous parlons beaucoup entre nous de notre prochain album. Nous serons en tournée dans différents endroits jusqu’à la fin du mois de janvier puis en février nous allons débuter une réflexion sur la façon dont nous pouvons faire évoluer notre façon de travailler. Essayer de trouver un cadre de travail à suivre. Ce qui est sûr, c’est qu’à partir de février nous allons disparaître durant quelques mois pour cela.
Nicholas : Lorsque nous avons commencé à jouer de la musique ensemble, nous n’avions que très peu d’équipement donc nous devions apprendre à nous débrouiller au mieux. Maintenant que nous sommes bien équipés, nous allons pouvoir travailler étape par étape, nous poser dans le studio et jouer ensemble pour voir où cela nous mène. Ce ne sera sans doute ni mieux ni moins bien, juste différent de ce que nous avons connu pour notre premier album.