The Crookes

The Crookes c'est un de ces nombreux groupes anglais dont le nom commence par « The », un de ces multiples quatuor qui propose de la pop ou du rock comme on en entend souvent outre-Manche. Une de ces énièmes bandes dont on connaît la ville d'origine grâce à leurs prédécesseurs, en l'occurrence ici de Sheffield, contrée des Arctic Monkeys. Mais The Crookes, c'est aussi deux albums déjà sortis, dont l'écho n'a pas réellement dépassé les frontières des îles britanniques. Armés de cette lucidité affichée quant leur très maigre reconnaissance dans le milieu musical, mais surtout animés par une ferme volonté de ne pas vouloir s'intégrer au système pour ne jamais cesser de suivre leur voie, ils reviennent avec un troisième album, Soapbox, fidèles à ce qu'ils ont toujours produit par le passé.

C'est d'ailleurs un thème abordé dans leur chanson Outsiders, terme employé par leur leader pour les décrire : quatre musiciens en dehors du système, jamais invités à le rejoindre. Mais peu importe. Outsiders, c'est avant tout un riff accrocheur joué à deux guitares – aiguë et grave pour donner plus de profondeur –, suivant l'air de la chanson dans ses différentes tonalités jusqu'à déboucher sur un solo parfaitement fondu dans une rythmique rodée, pour accélérer progressivement, avant de ralentir brusquement et laisser la chanson s'achever en fade out. Le style de The Crookes pourrait presque se résumer ainsi.
Retour quelques titres en arrière sur l'album avec Echolalia, morceau au riff de basse lourd mais efficace, une guitare égrainée avec delay puis stridente grâce à la distorsion dès que vient le refrain sur lequel les envolées vocales finales nous rappellent Suede par endroits. Trois minutes et cinquante secondes de couplets apaisés alternant avec des refrains puissants avant que les instruments ne se dispersent autour du riff initial. La recette est terriblement classique, récurrente chez les Crookes, mais elle est surtout réussie.

Le quatuor de Sheffield est en effet bel et bien dans la mouvance de ce fameux style pop-rock/indie bien anglais et les musiciens ne cherchent pas à s'en cacher, comme en témoigne le morceau Before The Night Falls qui commence tel un titre des Babyshambles. Une entame rapide avec une voix à peine imposée et le style des Crookes reprend ses droits : un riff de guitare aigu et mélodieux mène la chanson, le grain de voix claire de George Waite fait le reste.
Si les Crookes se distinguent par une mélancolie toujours un peu latente au sein des airs de chaque composition, ils savent y consacrer des chansons entières comme le prouvent la ballade Holly Innocents et la très légère When You're Fragile où George Waite murmure les paroles à l'exception des quelques refrains plus intenses.
Soapbox clôture les dix morceaux de l'opus avec énergie, mais surtout une touche terriblement britannique digne des années 60s : l'omniprésence d'une basse rapide, une guitare très en retrait voire absente par moments, pleine de flanger, de delay et autres reverb. Le chanson s'enflamme puis les instruments s'estompent avant de repartir de plus belle. Une fin en apothéose.

En guise de conclusion, cette image d'un homme fou, debout sur sa caisse au beau milieu d'une foule de passants qu'il harangue avec passion et sincérité. Comme l'expliquait Daniel le parolier, ce fou est ce qui représente le mieux les Crookes. Il y a d'ailleurs fort à parier pour que, à l'instar de ce fou, les Crookes, si attachants puissent-ils être, et mêmes en arrivant à capter l'attention le temps d'un instant, finissent oubliés au milieu de cet amas de groupes de leur genre. Mais c'est ce qui fait tout leur charme.