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Honeyblood

Honeyblood

Honeyblood - Honeyblood
Chronique Album
Date de sortie : 14.07.2014
Label : Fatcat Records
2
Rédigé par Hugues Saby, le 10 juillet 2014
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Quelque chose ne tourne pas rond dans ce groupe. Pourtant, la musique des deux Glaswegiennes de Honeyblood a beaucoup d'atouts.

À commencer par l'intensité et l'urgence, ce qui n'est pas donné à tout le monde. Dès les premières secondes de l'album, on est accroché par des guitares dont la lourdeur (ce n'est pas toujours un vilain mot) et l'énergie vitale prennent aux tripes. Ce n'est pas mal ça, pas mal du tout. Mais on a déjà entendu la même chose quelque part. Deux fois même. Écoutez les premières secondes de We Were Aborted, chanson qui ouvre Ignore The Ignorant, quatrième album des Cribs. Écoutez les premières secondes de Feud, sur Mirage Rock de Band Of Horses. Et puis écoutez les premières secondes de Fall Forever. Les mêmes, à s'y méprendre. J'ai même cru m'être trompé de disque ! Alors oui, d'accord, tout le monde utilise les mêmes accords depuis la nuit des temps. Oui, c'est vrai. Et puis, on ne juge pas un disque sur quelques secondes. Non, c'est vrai. On continue, donc.

Les voix sont un autre gros point fort du groupe. Tantôt grondant, tantôt chafouin, l'organe de Stina Tweeddale nous emmène très loin, à l'aise sur les résonances des refrains autoroute comme sur les lignes de crête d'harmonies plutôt intelligentes. Pas toujours originales, mais bien ficelées. Pourtant, là encore, on ne peut s'empêcher de jouer au jeu des 7 familles. Sur certains morceaux, les similitudes vocales sont flagrantes. (I'd Rather Be) Anywhere But Here est quasiment un morceau de Best Coast, tant le style vocal (et, à vrai dire, tout le reste également) est identique à celui de Bethany Cosentino. Souvent, on pense aussi à Dee Dee Penny des Dum Dum Girls. Alors, c'est sûr, on ne peut pas s'arrêter à ces ressemblances. Non, c'est vrai. Et puis, Dee Dee, Bethany, ce sont de belles voix non ? Oui, c'est vrai. On continue, alors ?

Pas forcément. Car, le hic, voyez-vous, c'est que ces points forts ne restent pas forts bien longtemps. Au fil des titres, l'énergie viscérale du début se perd. Parfois, la patte d'un groupe ou d'un producteur est un plus. Ici, c'est un moins. Elle est trop présente, et s'impose presque aux morceaux, qui du coup semblent bien similaires malgré des rythmiques et des ambiances plutôt différentes. Comme si les effets de voix, les petits gimmicks, la rythmique (impeccable batterie, qui tient le disque tout du long, à grands coups de cymbales) s'estompaient, se noyaient dans la masse sonore. Prenons Haim, tiens. Ce groupe est cité comme une influence de Honeyblood. Personnellement, je ne vois pas pourquoi. En revanche, c'est un excellent exemple pour illustrer notre propos. Le disque de Haim est un bijou d'homogénéité. La production, l'identité sonore, le traitement des voix et des guitares nous tiennent en haleine du début à la fin. Pas sur Honeyblood. Mais alors, comme dirait Cyprien : Pourquoi ? Tout simplement parce que les trois sœurs de Haim sont incroyablement douées, certes, mais surtout jouent une musique originale (malgré ses influences perceptibles). Pas Honeyblood.

Les petites ressemblances citées plus haut entre la musique du duo écossais et celle d'autres groupes, si elles restent de petites ressemblances, se multiplient au fur et à mesure de l'écoute. On se dit que ces voix, ces guitares, ces mélodies, ces ponts, ils sont agréables, mais on a toujours entendu quelque chose dans le même genre, quels que soient ses propres références ou son background musical. Allez tiens, encore une, pour le sport : le début de Fortune Cookie, ça ne vous rappelle pas Cornershop ? Le son de guitare, la rythmique... Je sais, je pousse un peu, mais c'est un exemple parmi tant d'autres, représentatif de l'agacement qui monte après plusieurs écoutes du disque. On a déjà entendu ça, et on l'a entendu en mieux. Parce que oui, l'album est aussi truffé de petites fautes de goût fort désagréables. Parfois ce sont des facilités d'écriture (« Why won't you grow up ? », « What doesn't kill you just makes you stronger »...), parfois c'est une minauderie de trop à la voix. Souvent, c'est pénible.

Et voilà ce qui ne va pas dans ce groupe. Manque d'originalité + manque de goût = disque pas terrible, voire parfois un peu vulgaire, musicalement parlant, et qui ne parvient jamais à toucher ni à susciter la moindre émotion. La musique en soi-même est assez difficile à qualifier. Globalement, les morceaux sont orientés rock, mais l'opposition entre la pesanteur des instrumentaux et l'effet aérien (souvent raté) de la voix ne fonctionne pas, et on bascule souvent dans le « rock quoi » avec des ballades aux refrains bien lourdingues ou des effets de manche mélodiques et de composition téléphonés.

En pleine deuxième guerre mondiale, le 13 mai 1940, Winston Churchill assurait à la Chambre des Communes n'avoir rien d'autre à offrir que du sang et des larmes. Dans ce disque, vous ne trouverez ni sang, ni miel. Juste une musique facile et pleine de clichés, qui plaira forcément à pas mal de gens peu exigeants. Les autres lui préfèreront une musique qui a de la gueule, comme celle de Haim ou de Best Coast. L'original et la copie, en somme.
tracklisting
    01. Fall Forever
  • 02. Super Rat
  • 03. (I'd Rather Be) Anywhere But Here
  • 04. Bud
  • 05. Killer Bangs
  • 06. Biro
  • 07. Choker
  • 08. No Spare Key
  • 09. Joey
  • 10. Fortune Cookie
  • 11. All Dragged Up
  • 12. Braidburn Valley
titres conseillés
    Fall Forever - (I'd Rather Be) Anywhere But Here - Choker
notes des lecteurs
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