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The Go! Team

The Scene Between

The Go! Team - The Scene Between
Chronique Album
Date de sortie : 30.03.2015
Label : Memphis Industries
5
Rédigé par Xavier Turlot, le 30 mars 2015
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Il aura fallu attendre quatre ans depuis la parution de Rolling Blackouts pour enfin obtenir des nouvelles de The Go!Team, l'un des groupes de pop britanniques les plus atypiques qui soit. Leur science du mélange et de l'équilibre explosif a déjà fait ses preuves sur trois albums, et on aurait pu à raison redouter de l'efficacité de la recette onze ans après leurs débuts. Eh bien The Scene Between s'avère être très probablement le meilleur album de leur carrière. Ce disque est en réalité exclusivement orchestré par Ian Parton, pièce maîtresse de la formation, qui a décidé de réorienter sa manière de composer en accordant une place primordiale au chant purement pop et en s'aidant pour l'occasion d'une tripotée de chanteuses qu'il a voulues inconnues (Samira Winter, Casey Sowa, Glockabelle...). Finis les samples qui grésillent, les schémas répétitifs, les sections de cuivres survitaminées et la touche électrifiante si particulière de Ninja, la chanteuse originelle...

Le premier single livré en janvier, celui a qui a donné son nom au disque, avait déjà laissé espérer le meilleur avec sa mélodie rayonnante, sa débauche inimitable d'instruments et cette alchimie toujours si spéciale entre cacophonie et clarté. Le mixage osé a donné une surcharge de volts bruitiste aux transitions instrumentales. Le groupe avait déjà l'air d'être resté fidèle à lui-même et ce premier clip psychédélique associé à une pochette aux couleurs dégoulinantes fixait déjà les expectations à un niveau très élevé.
Tout l'univers du groupe de Brighton gicle aux oreilles dès la première note du premier morceau (What D'You Say) et fait replonger immédiatement l'auditeur dans ses souvenirs. Les voix des chanteuses sont toutes juvéniles, candides et presque naïves dans le sens le plus positif du terme. Elles possèdent toutes l'énergie et ce caractère un peu enfantin et nonchalant qui a toujours servi de base à la construction des morceaux. La batterie est spatialisée au loin, à la fois distante et extrêmement puissante, quant au reste de l'instrumentation on se retrouve une nouvelle fois au milieu d'un cyclone dont il est quasi impossible d'identifier les éléments. Beaucoup de synthétiseurs, des flûtes, des cloches, des violons... Peu importe la chanson est superbement construite et nous confirme la voie très engageante esquissée par le single.

The Scene Between révèle vite un aspect plus organique que les précédents albums, il possède moins de samples et les voix sont beaucoup plus mélodiques et pop que sur les deux premiers albums. Rolling Blackouts avait laissé quelques indices sur cette direction, elle est maintenant confirmée. La profusion de textures et cet arrière-goût de distorsion naturelle sont maintenant au service de développements mélodiques plus poussés et incroyablement efficaces. Il en est ainsi sur Blowtorch, une explosion d'énergie pure prend des accents étonnamment mélancoliques sur le refrain, ou sur Waking The Jetstream, sur laquelle la voix de la chanteuse commence avec un calme et une douceur qui tranche avec les classiques de The Go! Team. Le morceau possède un caractère très acoustique malgré l'habituelle orchestration cacophonique, mais c'est aussi sa tristesse qui marque.
Le registre a nettement évolué, on est très loin d'une énergie purement carnavalesque et bon enfant et le groupe a choisi de marquer cette démarcation en début d'album. Idem pour Did You Know, étrangement paisible et engourdie, qui accompagnerait volonté l'oisiveté estivale. Et pour une fois Parton s'est retenu sur la production : il doit y avoir probablement une bonne dizaine d'instruments mais il y a de la place pour tout le monde et nos enceintes ne nous donnent pas l'impression d'arriver à leur point de fusion... L'Anglais fait montre d'un savoir-faire impressionnant dans l'art du dosage et de la subtilité, se consacrant tout entier à la célébration de mélodies accrocheuses et superbement ficelées, exercice qu'il a dit à juste titre être le plus compliqué en musique.

Il y a peut-être un morceau dispensable sur ce disque : Her Last Wave. Il n'est pas très inspiré et la montée de la voix sur le refrain est peut-être un peu maladroite, mais c'est vraiment chercher la petite bête. The Art Of Getting By, qui vient juste après, est l'une des plus grandes réussites de The Scene Between. Entre inspirations gospel et musique de Noël, la chanson s'articule autour de chœurs poignants et d'un orgue avant de partir comme à l'accoutumée dans des directions insoupçonnées pour revenir sur son flamboyant thème initial. Son âme n'est pas non plus spécialement joyeuse, sans qu'on puisse dire qu'elle soit triste, mais il est sûr qu'on est encore une fois très éloignée d'innocents défouloirs musicaux. Catch Me On The Rebound débute sur une esthétique enfantine enjouée à la limite de la j-pop (à mettre en perspective avec la participation cocasse de Parton au groupe japonais Momoiro Clover Z), avec des cascades fluorescentes de synthétiseurs et de lointains retentissements de cloches. Mais encore une fois le groupe ne s'en tient pas là, et le morceau part sur un pont en mineur qui prend aux tripes, un passage brillant sur lequel on sait qu'on reviendra de très nombreuses fois, même si à ce stade on ne peut plus retenir le nom des bonnes chansons. Reason Left To Destroy clôt le disque en poursuivant ce chemin esthétique couronné de succès, avec une mélodie accrocheuse soutenue par un vrombissement synthétique.

The Scene Between est le digne successeur de Rolling Blackouts. Il possède sa couleur et reflète le même univers étrange et unique, sorte de bande originale d'un film qui n'existera jamais, un mélange d'époques et de lieux fixés sur une cassette vidéo gondolée par la canicule. Ian Parton continue ainsi son projet fou, se transformant en DRH alternatif pour le faire évoluer vers une espèce d'association musicale aux membres hétéroclites, réunis par sa seule vision esthétique. Il a choisi d'explorer un aspect plus pop et mélancolique mais avec un talent exceptionnel qui lui a permis de ne pas trahir le son originel. Gageons qu'un talent si multiforme n'est pas près de s'enrayer.
tracklisting
    01. What D'You Say
  • 02. The Scene Between
  • 03. Waking The Jetstream
  • 04. Rolodex The Seasons
  • 05. Blowtorch
  • 06. Did You Know
  • 07. Gaffa Tape Bikini
  • 08. Catch Me On The Rebound
  • 09. The Floating Felt Tip
  • 10. Her Last Wave
  • 11. The Art Of Getting By
  • 12. Reason Left To Destroy
titres conseillés
    The Scene Between, Waking The Jetstream, The Art Of Getting By
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