Rencontre en visio avec Ian Parton quelques jours après la sortie de Get Up Sequences Part One. Entre Sound of Violence et The Go! Team, c'est une vieille histoire, je les avais interviewés pour la sortie de Thunder Lightning And Strike, leur premier album, en 2005.
Quand j'ai écouté Get Up Sequences Part One, j'ai instinctivement pensé à Thunder Lightning And Strike. Est-ce volontaire ?
Non, je n'ai jamais essayé de faire référence à quelque chose que j'ai fait dans le passé. Ce n'est pas un effet volontaire. J'essaie juste d'écrire les dix meilleures chansons que je puisse composer. Bien sûr, comme la plupart des gens, j'aime toujours les mêmes choses que j'aimais il y a vingt ans. On n'oublie jamais vraiment qui on est.
En fait, la plupart de ces chansons, je n'aurais pas été capable de les écrire à l'époque, je n'avais pas les connaissances en songwriting pour faire une chanson comme A Bee Without A Sting. Je pense être un meilleur compositeur aujourd'hui, je comprends mieux comment une chanson doit évoluer. Je suis toujours obsédé par la notion de sections, avec des choses différentes qui se passent dans chacune d'entre elles. C'est un processus assez naturel, je ne peux pas l'expliquer. Je ne me dis pas « tiens je vais faire un album joyeux ». Je ne sais pas pourquoi je crée de la musique positive, je ne peux pas m'en dépêtrer. Ça m'ennuie quand les gens insinuent que l'Art doit être misérabiliste et déprimant, alors j'essaie vraiment de me démarquer de ce monde qui veut faire un pont entre l'art et la misère du monde.
Qu'est-ce qui déclenche le processus créatif chez toi? Quand décides-tu d'écrire quelque chose de nouveau ?
Avant d'écrire un nouvel album, j'écoute des milliers de disques pendant des semaines. Ça me donne des idées de mélodies et je collectionne des idées de samples. Je ne m'enferme pas dans une pièce avec une guitare, je préfère écouter des chansons. La bonne idée en musique est assez rare, je préfère aller à la pêche ou creuser pour trouver la bonne mélodie. Je suis toujours en train de chercher, c'est ce que je faisais avant que tu appelles, et c'est ce que je ferai demain. C'est une quête sans fin pour une mélodie délicieuse.
J'ai lu quelque part que tu pouvais écouter de la musique psychédélique turque pendant une semaine. Ou est-ce que tu trouves une semaine de musique psychédélique turque ?
Sur Spotify ! La plupart n'est pas terrible, mais il y a ici et là des moments complètement magiques. Je dois être extrêmement patient et dévoué à cette tâche. La plupart du temps je fais avance rapide ou suivant jusqu'à trouver la pépite. Je pense que très peu de gens ont l'endurance pour faire ça. Je veux trouver des moments qui me captivent, j'ai une oreille pour repérer ces passages. Et quand ça arrive, je prends ma guitare pour comprendre pourquoi ça marche et en faire ma version. C'est ce que je fais jusqu'à avoir dix chansons. La plupart d'entre elles ne tournent pas autour d'une seule idée, mais plutôt six ou sept mises ensemble avec un déroulement qui se transforme en une bonne chanson. Je n'écris jamais une chanson du début à la fin, c'est plutôt la compilation de plein de petits morceaux que j'assemble. Je peux avoir un refrain et essayer différents couplets avec. Ça peut prendre des mois ou des années.
Et à quel moment décide tu de ce que la chanson va raconter ou de son thème ?
En général c'est quand le refrain est prêt. Par exemple pour I Loved You Better, quand j'ai eu le « tutute tut tututa » (nldr : il le chante), j'ai naturellement pensé à plaquer dessus « I love you better » (nldr : il le chante de la même manière). Et donc forcément le couplet sera sur les raisons pour lesquelles elle l'aime davantage.
De la même manière pour World Remember Me Now, j'avais le « papampampampam ». Au début je pensais à « lord remember me now », mais je trouve que ça faisait trop chrétien. Et puis ça m'a emmené vers l'idée d'être perdu dans une grande ville où chacun est occupé à ses propres affaires et tu te sens complètement anonyme. Tu vois, le principe c'est que le refrain génère une idée et je la développe en essayant de lui rendre justice.
Peux-tu m'en dire plus sur POW ? Quand je l'écoute, parce que le son est électronique lo-fi, je pense aux vieux jeux Nintendo et à Super Mario Bros, mais j'ai l'impression que ce n'est pas du tout le thème de la chanson...
C'est une des chansons de Ninja, c'est elle qui a écrit les paroles, mais je crois qu'elle a voulu faire une chanson sur la boxe.
L'album s'appelle Get Up Sequences Part One, j'imagine qu'il va y avoir d'autres parties ?
Oui, c'est le plan. J'ai des idées et quelques chansons issues du travail sur l'album. J'aimerais qu'il sorte l'année prochaine vers octobre et d'enchainer sur une tournée. Personne ne peut tourner pour l'instant, c'est pour ça que je veux couper l'album en deux et tourner pour la seconde moitié.
C'est une bonne idée, c'est la pandémie qui t'as poussé à le concevoir comme ça ?
Pas seulement, j'ai commencé l'écriture bien avant. Même si une chanson comme Let The Seasons Work parle des cycles naturels et comment les choses finissent toujours par s'arranger et à redevenir comme avant, mais ça n'a rien à voir avec la pandémie. J'ai aussi eu des problèmes d'oreille au milieu de l'enregistrement.
C'est le pire qui puisse arriver à un musicien, ça va mieux maintenant ?
Oui, même si je n'entends toujours rien d'une oreille. C'est la maladie de Ménière, ça peut te faire perdre l'équilibre, mais ça n'a pas été jusque-là pour moi.
J'ai vu que c'est Don Letts (ndlr : vidéaste des Clashs, cofondateur de Big Audio Dynamite avec Mick Jones, initiateur des punks au reggae et au dub...) qui a écrit le dossier de presse de l'album. Comment est-ce arrivé ?
On a aussi fait une table ronde avec lui chez Rough Trade il y a quelques jours. C'est un de nos soutiens. Je savais qu'il jouait nos morceaux dans son émission, qu'il était venu nous voir en concert. Son approche de la musique est proche de la nôtre, il aime la musique noire et blanche, mélanger différents univers et genres. Son émission sur la BBC6 s'appelle Culture Clash Radio Show. Je me disais qu'il ferait un bon ambassadeur de notre musique.
Vous rééditez Rolling Blackouts pour son dixième anniversaire. Comment vois-tu cet album après dix ans ?
Je pense que les chansons tiennent toujours la route, qu'il y a des moments accrocheurs.Je le préfère à Proof Of Youth, c'est une meilleure représentation de ce qu'est The Go! Team.
Quel message t'enverrais-tu dans 10 ans à propos de Get Up Sequences Part One ?
Ah ah, je ne sais pas. The Go! Team est au statut de groupe culte, nous n'avons jamais vraiment percé, mais notre public est fidèle, passionné, mais pas très nombreux. J'espère que dans dix ans nous ne serons toujours là. J'essaie d'écrire une musique intemporelle et je me dis que si les chansons sont bonnes elles résistent à l'usure du temps. Dans un sens, j'écris les chansons avec un œil sur l'avenir, celles qui sont bonnes ne devraient pas vieillir. J'espère que les gens se rappelleront de nous. Une des choses dont je suis très fier est que nous sommes toujours là contrairement à d'autres groupes qui ont démarré en même temps comme CSS ou Klaxons. Je ne suis jamais à court d'idées et nous avons encore beaucoup à faire.
Tu as dit écouter beaucoup de musique pour tes recherches, qu'écoutes-tu pour le plaisir ?
Mon truc, c'est les groupes féminins des années 60 avec un bon groove. J'aime plein de choses comme Steve Reich et la musique instrumentale « plinky-plonky » (ndlr : style simple, répétitif et percussif).
Vous êtes basés à Brighton qui a une scène assez active, vous fréquentez beaucoup de musiciens ?
C'est une ville très musicale, mais nous avons toujours été à part. Je ne nous considère pas comme un « groupe de Brighton », nous sommes sans attache géographique et notre musique n'est pas autobiographique ou inspirée par l'endroit où nous vivons. Nous nous inspirons plus d'histoires qu'on nous raconte, de documentaires que nous avons vus, des films que nous aimons... En fait, tout ce que nous aimons en général. Ça peut être une BD de Charlie Brown, une chanson des Jackson 5, c'est la collection de tout ce que nous aimons.
Comment est le travail d'équipe dans The Go! Team ?
C'est moi qui écris la plupart des chansons, mais une fois qu'elles sont là, nous nous retrouvons en studio et chacun y met sa touche. J'aime construire les chansons en plusieurs couches. Simone est une incroyable batteuse et Adam un incroyable bassiste, les deux peuvent ajouter un groove que je ne pourrais pas atteindre moi-même. Je n'ai jamais voulu faire ça tout seul avec mon ordinateur, j'aime l'énergie du groupe et ce que nous pouvons apporter sur scène.
Justement, ma dernière question est sur les concerts. Tu as mentionné que vous tourneriez après la seconde moitié de l'album, peux-tu m'en dire plus sur ce qui est prévu ?
C'est difficile de prévoir et il y a des bébés en route pour deux membres du groupe. Nous avons besoin de temps. Nous n'avons pas joué en France depuis des années (ndlr : depuis mai 2015, nous étions là). Nous ferons un festival en mai à Los Angeles, nous en profiterons peut-être pour faire une tournée américaine. Avec mon problème d'oreille je me suis aussi demandé comment ça allait se passer, le prochain concert sera une grande étape pour moi.