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Låpsley

Long Way Home

Låpsley - Long Way Home
Chronique Album
Date de sortie : 04.03.2016
Label : XL Recordings
4
Rédigé par Cassandre Gouillaud, le 9 mars 2016
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Il n'y a rien de répréhensible à vouloir établir des comparaisons, particulièrement lorsqu'elles ont la double qualité d'être à la fois parlantes et pertinentes. Mais il ne s'agirait pas d'oublier que c'est aussi s'exposer à des écueils somme toute assez gênants. Le premier, l'accumulation à outrance qui noie toute singularité sous des références surabondantes. Le second, ranger, de force s'il le faut, ce qui nous passe sous la main dans des catégories bien définies, aussi grossières soient-elles. C'est là que nous en arrivons à cette douloureuse tendance, un peu trop affirmée, à vouloir assimiler Låpsley à l'une de ses célèbres confrères de XL Recordings. Et à la nécessité de la nuancer un peu plus qu'elle ne l'est habituellement, voire de l'oublier, en ce qu'elle n'est pas des plus flatteuses.

Holly Lapsley Fletcher est une enfant du nord de l'Angleterre, qui a grandi à Southport, dans le Merseyside. Initiée au piano, puis à la guitare et au hautbois durant ses études, elle se détourne ensuite vers l'électronique et enregistre seule son premier EP, Monday, qui aligne les centaines de milliers d'écoutes sur SoundCloud courant 2014. La suite, elle comprend entre autres un premier concert à Glastonbury et la signature d'un contrat avec XL Recordings en octobre de la même année, puis d'un second EP, Understudy, dont la réussite conduit, presque logiquement, à ce premier album.

Les premières mesures de Heartless, mêlant quelques accords de piano et une voix cristalline, ne manquent pas de nous rappeler aux penchants de Låpsley pour les constructions musicales épurées. Tout arrangement superflu a été évincé pour mieux laisser s'exprimer les multiples facettes d'un timbre pluriel, qui révèle tantôt des sous-teintes plus graves. Elle parle d'amour, peut-être le plus commun des thèmes et topos des plus immuables, mais sait prendre au dépourvu et déjouer intelligemment les clichés. Quiconque aurait voulu la qualifier de sentimentale jeune fille en fleur ne peut que se retrouver confronté à sa discrète pudeur. Si elle embrasse tout au long de l'effort l'histoire toujours familière d'une relation amoureuse touchant à sa fin, des harmonies brutes, doublées d'échos glaçants, se chargent d'évacuer tout mélodrame. Celles-ci culminent sans doute dans Cliff, désarmante de froideur, qui ménage une subtile progression dont la profondeur ne cesse de se redoubler.

Sur Long Way Home, Låpsley sait se jouer de contrastes, et alimenter sans cesse les contraires. Juxtaposant le registre passionnel et les sonorités froides tirées des synthés, jouant seule un dialogue complexe entre deux personnages sur Station. Elle déroge à tout schéma préconçu et se laisse sans cesse entraîner dans des directions inexplorées, à l'image de la funky Operator (He Doesn't Call Me) qui instaure un brutal changement de rythme à mi-parcours. L'effort devient inévitablement un ample mélange d'influences, couvrant un spectre éclaté entre le R'n'B et le disco, qui parvient tout juste à trouver sa cohérence dans une sobriété toujours contrôlée. Celle-ci brille tout particulièrement dans le duo de fin, Leap et Seven Months, qui respirent une douceur mélancolique, trouvant presque l'apaisement dans les tourments. Comme si les opposés s'attiraient, une fois encore, et nous empêchaient de prétendre cerner la complexe Låpsley jusqu'à la dernière note.

Sur Cliff comme sur Silverlake, Låpsley cache habilement les sentiments derrière des métaphores dépersonnalisantes, faisant valoir un mystère qui dissimule aussi des structures musicales complexes sous une nudité apparente. La richesse insoupçonnable au premier abord de Long Way Home n'apparaît que graduellement, le long d'écoutes multiples qui en révèlent les subtilités. Ce premier effort ambitieux a la qualité indéniable de se révéler sans cesse, et parvient, déjà, à cultiver un intérêt pour ce qu'elle pourrait nous dévoiler dans le futur. Là est d'ailleurs sans doute son ultime différence avec Adèle.
tracklisting
    01. Heartless
  • 02. Hurt Me
  • 03. Falling Short
  • 04. Cliff
  • 05. Operator (He Doesn't Call Me)
  • 06. Painter
  • 07. Tell Me The Truth
  • 08. Station
  • 09. Love Is Blind
  • 10. Silverlake
  • 11. Leap
  • 12. Seven Months
titres conseillés
    Falling Short, Cliff, Station
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