Blaenavon

Blaenavon est un trio constitué de membres plutôt jeunes : dix-sept ans d'âge moyen. Ben, Franck et Harris jouent ensemble de la musique depuis qu'ils ont quatorze ans, et tout a débuté pour eux par une reprise de Muse devant un jury de professeurs dans le Hampshire. Aidés par une fanbase grandissante, ils décidèrent de repousser leur entrée à l'université pour enregistrer leur premier album, aidés en cela par Transgressive Records. Après une session d'enregistrement jugée désastreuse autant par le groupe que par leur label, sans doute due à un âge un peu trop précoce, c'est une seconde tentative construite en analysant les raisons de l'échec qui accoucha de That's Your Lot.

Ainsi ce premier opus se veut l'expression de toutes les épreuves que peut traverser un groupe, tout en recouvrant l'intégralité de son existence. Swans a par exemple été écrite lorsque Ben Gregory, le chanteur, n'avait que quinze ans. Le disque, qui dure quasiment une heure, est extrêmement compact. On ne peut certes pas les taxer d'amateurisme, les parties instrumentales sont exécutées avec assurance, et l'aide de Jim Abiss, qui a notamment travaillé avec Adele ou les Arctic Monkeys, est perceptible dans le déploiement du talent vocal du leader. La voix de Ben Gregory est souple et étoffée, dans un registre qui rappelle tous les descendants de Steven Morrissey.

Blaenavon évoluent dans la plus traditionnelle pop anglaise, celle de la vague d'il y a dix ans, qui puise avec parcimonie dans le math-rock, le funk et la disco. Les refrains savent se rendre accrocheurs avec force répétitions, une flopée de chœurs haut perchés et des réexpositions à l'infini. Let's Pray est élégante, My Bark Is Your Bite, sombre et imposante, Lonely Side, chaleureuse et funky. L'ambiance du disque est vite posée, proche de groupe comme Editors ou The Crookes.


Le chanteur écrase l'album de son charisme, on sent vite que tout est mis à son service pour le mettre en relief, sans même parler de la ballade uniquement jouée au piano, Let Me See What Happens Next. Son étendue est vaste, passant de phrasés sombres et graves à des envolées lyriques en falsetto. La mélodie intrigante de Ode To Joe en donne un parfait aperçu, soutenue par de légères touches de clavecin. Les moments plus nerveux sont finalement assez rares ; mis à part I Will Be The World et Prague '99 qui frisent avec le noise, les morceaux sont en général plutôt soyeux et dosés.

La durée de l'album a quand même de quoi interroger. Très peu de groupes indépendants se risquent (ou ont droit ?) à approcher les soixante minutes de musique, et encore moins parviennent à rendre ce temps pertinent. Blaenavon ne font pas exception, il y a de nombreuses longueurs et probablement certains morceaux qui auraient pu ne pas figurer sur That's Your Lot sans que l'auditeur ne soit laissé sur sa faim. Le second écueil, plus subjectif sans doute, est le positionnement stylistique du groupe qui peine vraiment à se démarquer d'une tripotée de formations anglaises, la plupart ayant eu leur pic de popularité il y a une dizaine d'années. Dur de ne pas y voir une redite, même si le calquage de style n'empêche pas l'existence d'idées.

Impossible en tout cas de nier la maturité et l'incarnation de ces très jeunes Anglais probablement promis à un bel avenir.