Wolf Alice ont su, en un seul album, se forger une identité forte et reconnaissable qui a rapidement trouvé le succès, aussi bien auprès des critiques que du public. Dire que ce second opus était attendu au tournant est donc un doux euphémisme. L'attente ne fut finalement que de courte durée,
My Love Is Cool étant paru il y a un peu plus de deux ans. Le verdict ne se fera lui non plus pas attendre :
Visions Of A Life est tout simplement une extension de leur brillant premier essai, qui réussit le miracle de le sublimer.
Alors que sur leur deuxième album paru il y a quelques mois, London Grammar ont répondu aux attentes mais sans toutefois retrouver cette pointe de génie qui faisait le sel de
If You Wait, c'est au tour de Wolf Alice de passer par cette étape si casse-gueule qui va forcément faire des déçus : certains vont espérer une évolution musicale du groupe quand d'autres vont vouloir retrouver la même formule que celle de
My Love Is Cool.
Au final,
Visions Of A Life joue sur les deux tableaux. A l'instar de
My Love Is Cool, il alterne entre différents univers sonores, jouant constamment avec les attentes de l'auditeur. Preuve en est le début du disque, véritable rollercoaster auditif, qui nous embarque d'un morceau rock atmosphérique (
Heavenward) Ã une ballade pop infaillible (
Beautifully Unconventional), en passant par
Yuk Foo, le brûlot punk de l'année – qui rappelle bien évidemment la surprise
You're A Germ et son grunge incendiaire sur le premier album.
L'effet est ici d'autant plus percutant que la formation londonienne embrasse les extrêmes.
Visions Of A Life offre ainsi des bijoux pop plus accessibles (le dansant
Beautifully Unconventional,
Don't Delete The Kisses et sa synthpop mélancolique, le magnétique
Planet Hunter) mais n'hésite pas à emprunter encore davantage des contrées plus crues (
Yuk Foo et le psych rock
Formidable Cool portés tous deux par le chant enflammé d'Ellie Rowsell, le rock effréné de
Space + Time) et expérimentales (
Sadboy et sa noise pop psychédélique, l'aliénant
Sky Musings).
De même que pour le début d'album, le dernier quart nous fait voyager dans divers paysages musicaux, à commencer par l'enivrant
St. Purple & Green qui débute sur des voix cristallines avant de nous gratifier d'un riff dissonant immédiatement culte, malmenant l'auditeur tout au long de ses quatre minutes inépuisables. S'ensuit la somptueuse ballade folk
After The Zero Hour sur laquelle Ellie Rowsell démontre une fois encore toute l'étendue de ses talents vocaux.
Visions Of A Life se conclut sur sa composition la plus ambitieuse, un monument vertigineux qui réunit différentes facettes de Wolf Alice. D'un postulat pop rock, le morceau de huit minutes prend crescendo une direction post-punk plus entraînante et criarde avant de virer heavy avec une rythmique écrasante et du solo poisseux. Trois chansons en une, voilà la démence du morceau-titre qui rend compte de la volonté du groupe de sans cesse se renouveler sans pourtant jamais se perdre une seule seconde.
Fortement appréciés des amateurs de rock indé de par leur musique singulière et pleine de contrastes, Wolf Alice parviennent à reproduire l'exploit de 2015 : conservant la même recette tout en la densifiant, le quatuor ne passe pas l'étape du second album avec brio, il nous la fait oublier. Il a su créer avec
Visions Of A Life une œuvre complexe et foisonnante, diversifiée mais en restant d'une cohérence folle, portée par une Ellie Rowsell définitivement inatteignable.