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Superorganism

Superorganism

Superorganism - Superorganism
Chronique Album
Date de sortie : 02.03.2018
Label : Domino Records
5
Rédigé par Solène Caudron, le 2 mars 2018
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Jamais un groupe n'aura aussi bien porté son nom. Débarquant des quatre coins du monde, les membres du collectif Superorganism squattent une maison londonienne servant accessoirement de studio d'enregistrement dans lequel ils assouvissent les besoins insatiables de leurs huit imaginations fourmillantes. Tous les ingrédients étaient réunis pour créer un disque débordant d'inventivité. Ça n'a pas manqué.

On n'a pas cessé de parler de Superorganism depuis la sortie du vidéo clip de Something For Your Mind en septembre dernier. Il y avait de quoi faire le buzz : une mélodie entêtante, un défilement abondant d'animations loufoques qui agressent la vue, le collectif s'est vite imposé comme une icône de la pop-culture, l'exploitant d'un psychédélisme et d'une bizarrerie extrême.
L'enregistrement découle d'un véritable processus créateur qui dépasse les frontières de la musique. A travers des sons surdosés et saturés, chaque titre semble projeter de vives couches de peinture colorée sur une toile dans une dynamique synesthésique. Le naturel se superpose brutalement à l'artificiel à défaut de s'y mêler. Des sons pour le moins organiques sont incorporés ça et là : parmi tant d'autres, les iconiques croquements de pomme de Nobody Cares ou encore le coassement chantant d'une grenouille androïde dans Nai's March ; côtoyant des sabres lasers ou des klaxons automobiles (et si dans la plupart des titres ces sons paraissent difficilement dissociables, ils sont dispersés plus proprement dans Relax qu'il est intéressant d'écouter pour mieux capter la structure de leur travail). Depuis ce barbouillage d'idées, Superorganism semblent vouloir donner vie à un univers propre, créé de toute pièce, et c'est peut-être la raison pour laquelle on verrait bien chacun de leurs titres incorporés dans la bande-son de jeux-vidéos (ils se sont d'ailleurs amusés à en créer un relatif à Something For Your M.I.N.D., toujours disponible en ligne).

Ce trop-plein d'éléments narré sous un ton joyeux contraste avec la voix délibérément lasse et robotique d'Orono, une jeune japonaise de dix-huit ans, qui en plus de prêter sa voix s'avère être la parolière attitrée de l'octuor. Elle expose parfois la face morose et égocentrique d'une génération connectée ; comme dans Everybody Wants To Be Famous ou Reflections On The Screen, dans lequel est abordé le désir narcissique et vain de reconnaissance dans notre société à travers les réseaux-sociaux, l'auteure parlant même d'« idiocratie ». Dans la même lignée, Nobody Cares évoque un fort auto-centrisme qui cette fois-ci s'avère être un bon prétexte pour suivre ses envies sans prêter attention à quelconque jugement.

Leur manifeste semble être explicité dans la chanson SPRORGNSM. « I wanna be a superorganism - You are me and I'm you », là est le fondement du collectif qui se proclame superorganique (cela coule de source). Ils accordent les services de leurs individualités (multiculturelles qui plus est) à la communauté, tant que le tout est teinté de la touche de chacun. Ce dernier n'a pas besoin d'être homogène pour être cohérent, c'est là tout l'intérêt de leur manœuvre. Les discordances du rythme général témoignent de leurs diversités et rendent leur production vivante et pleine d'aura, c'est ce pourquoi elle brille.

Sur la forme, l'album semble reprendre le modèle d'un cycle journalier. Alors que c'est le panaché It's All Good qui inaugure l'album (dont l'intro personnifie d'ailleurs le reveil d'Orono), les titres qui suivent dans la première partie du disque sont tout aussi sur-expressifs. Néanmoins, les sons semblent ensuite se « fatiguer » au fur et à mesure que l'enregistrement avance, à l'image du déroulement d'une journée. On découvre des titres plus décontractés, dévoilant un tout autre visage du potentiel créateur du collectif que celui auquel on était habitué jusqu'ici. Cette tendance est introduite par Reflections On The Screen, qui s'avère plus atmosphérique que les morceaux précédents, sur fond de chants d'oiseaux et d'une voix robotique fondue. De la même manière, les ruissèlements d'eau de Nai's March nous bercent à l'image d'une mélodie qui somnole. Les deux derniers morceaux, Relax et Night Time, à l'entre-deux de l'assoupissement et de la vivacité, symbolisent possiblement l'entrée en phase de rêve. De surcroît, alors que le premier est rythmé de voix de fond effacées répétant « What's the time ? », dans le second elles ressassent « Wake up, wake up, wake up ». Ainsi, de la même manière que l'enregistrement se réveillait 30 minutes plus tôt, il en revient au même point à sa toute fin, l'alarme se remettant à sonner. Finalement, si l'album est sans conteste un joli bazar, celui-ci est tout à fait mesuré. Derrière le fil décousu de leur œuvre se cache une réelle recherche, c'est ce qui fait toute l'exclusivité et l'excellence de leur style ! J'applaudis !
tracklisting
    01. It's All Good
  • 02. Everybody Wants To Be Famous
  • 03. Nobody Cares
  • 04. Reflections On the Screen
  • 05. Sprorgnsm
  • 06. Something For Your M.I.N.D.
  • 07. Nai's March
  • 08. The Prawn Song
  • 09. Relax
  • 10. Night Time
titres conseillés
    Night Time - The Prawn Song - Reflections On The Screen
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