Tom McRae

Décidément, le bonheur et la joie de vivre ne semblent pas vraiment être des termes qui conviennent au pourtant charmant Tom Mc Rae; du titre de ce disque (All Maps Welcome pour l’aider à s’en sortir ?) à la belle pochette aux couleurs délavées (le vinyle doit être somptueux) jusque dans les intitulés de chansons (Still Lost, Packing For The Crash) de ce troisième album studio, impossible de reprocher au songwriter anglais ne pas être en phase avec sa (récente) solitude personnelle mise en avant dans chaque interview le concernant.

Alors oui, bon, Tom est toujours triste mais en même temps, le personnage ne nous avait pas non plus habitué aux ritournelles pop légères que l’on chantonne l’été en allant cueillir les fraises des bois. Non, la franche nouveauté (à priori déstabilisante pour les fans au vue de l’accueil mitigé réservé à cet album) de ce All Maps Welcome s’avère certainement l’aspect crépusculaire et renfermé de l’ensemble là où, sur le précédent Just Like Blood par exemple, la musique de Tom apparaissait quand même comme lumineuse et rayonnante malgré son éternelle mélancolie ambiante.

Dès l’entame de For The Restless, en accord avec l’humeur de son auteur donc, l’accent est mis sur l’orchestration plombante (notamment grâce à un violoncelle, impressionnant par ses interventions assommantes de noirceur, que l’on retrouvera également sur l’imposant Strangest Land) alors que la voix chargée de Tom Mc Rae, elle, n’a jamais semblé aussi maîtrisée.
Alors certes, quelques morceaux étrangement faibles (la quelconque The Girl Who Falls Downstairs par exemple) viennent un peu ternir la qualité de l’ensemble mais notre petit homme a quand même toujours ce don inné pour passionner l’auditeur avec si peu de choses (It Ain’t You, Still Lost et surtout How The West Was Won) et asséner quelques éclairs électriques du plus bel effet (le court solo de Hummingbird Song ou encore le «vrai» démarrage de Silent Boulevard) dans son ciel si chargé de nuages brumeux et déprimants.

Si aucun single accrocheur ne s’impose vraiment dans ce troisième album (à part peut-être la très simple Packing For The Crash), les grandes chansons (à l’image de l’impériale My Vampire Heart) sont belles et biens présentes même si elles apparaissent moins lumineuses que par le passé.
Petit bonus qui a du réjouir plus d’un fan, la présence en clôture de l’exceptionnelle Border Song qui fût souvent jouée en concert lors des dernières tournées et qui synthétise parfaitement toute la maîtrise mélodique de Tom Mc Rae dans l’art de transporter son auditoire à travers ses sombres pensées.

Même s’il n’atteint pas les sommets émotionnels du premier album et surtout s’il apparaît à la première écoute comme un peu terne ou faussement «vide», ce All Maps Welcome s’avère être un disque «à tiroirs», rempli de sentiments tourmentés dissimulés ça et là mais ponctué d’éclairs de (sur)vie magnifiques.
Grâce à ce troisième album, Tom Mc Rae reste définitivement un songwriter hors pair qui se paie même le luxe (très délicat «commercialement parlant») de signer ainsi un disque homogène, presque opaque, sans espoir et sans concessions.
En nos temps de musique consommable et déjà prédigérée, l’attitude est plus que louable…