God Is An Astronaut

On avait laissé les Irlandais de God Is An Astronaut en 2018 avec le très bon Epitaph, peut-être meilleure production du groupe depuis ses débuts en 2002. En huit albums et un EP, la formation des frères Kinsella a gagné une solide réputation avec sa musique instrumentale space rock, à la fois envoûtante et tumultueuse.

God Is An Astronaut reviennent aujourd'hui avec une dixième sortie du nom de Ghost Tapes #10, et l'ambition affichée de présenter le travail le plus physique du groupe depuis ses débuts. En effet ce nouvel effort met sensiblement de côté les alternances entre moments de respiration et plages plus chaotiques qui ont fait leur réputation sur les précédents albums. Du moins dans les grandes lignes, car la signature du groupe est bien présente, et les fans reconnaîtront aisément le son et la patte du groupe qu'ils affectionnent.

Burial, le premier extrait présenté par la bande de Wicklow, nous avait confirmé cette volonté de durcir le ton. Cette tendance est donc une constante de Ghost Tapes #10 et tout laisse penser à un groupe qui souhaite sortir d'un schéma qu'il a largement usé depuis ses débuts. Pourtant, la volonté de maintenir l'auditeur sur le fil du rasoir tout en gardant des structures à la fois complexes et atmosphériques est évidente.
Certains titres dégagent une véritable émotion, comme sur Barren Trees. Portée par une mélodie travaillée et progressive, le morceau dégage une intensité qui vous emporte peu à peu. Remarque similaire sur le titre d'ouverture de l'album, Adrift, peut-être pièce majeure de l'ensemble. Il illustre parfaitement ce que God Is An Astronaut ont voulu faire sur l'album. Le morceau ondule entre phase agressive et passage apaisé, mais les transitions sont bien moins évidentes que sur Epitaph. En ressort une impression de densité et d'homogénéité plus grande qu'à l'habitude. Le seul moment d'introspection se trouve avec Luminous Waves, en clôture de l'album. Ce joli morceau en arpège agit comme une respiration, véritable arc-en-ciel après le déluge.

Ghost Tapes #10 démontre sans contestation une nouvelle fois le talent des Irlandais, pourtant il nous manque quelque chose pour être totalement satisfait. Car malgré l'intensité déployée, l'ensemble ne parvient pas à surprendre outre-mesure. En cela, aucun des morceaux n'arrive à maintenir la force du titre d'ouverture, tant est si bien qu'au final, on se demande si cette volonté de muscler les compositions ne se fait pas au détriment de l'émotion. On ne peut pas reprocher à God Is An Astronaut des choix artistiques, et les qualités musicales du groupe ne sont pas remises en question. Malgré tout, on se retrouve face à un ensemble qui paraît à l'arrivée assez convenu et peu surprenant à l'image de In Flux ou Spectres.

On ressort donc de cette écoute avec des sentiments ambivalents. L'impression d'un talent indéniable et de compositions de qualités, qui pourtant peinent à dégager l'émotion qu'elles devraient. Au bout du compte ce nouvel album ressemble à un voyage qui vous amènerait juste en face de chez vous, ou à une fusée qui ne décollerait jamais. C'est dur à admettre, mais Ghost Tapes #10 souffre cruellement de la comparaison avec Epitaph. Dommage.